#BringBackOurGirls : veut-on nous faire oublier les filles nigérianes kidnappées ?

Publié le Vendredi 27 Mars 2015
Ariane Hermelin
Par Ariane Hermelin Journaliste Terrafemina
Journaliste société passée par le documentaire et les débats en ligne sur feu Newsring.fr.
Une des jeunes filles qui faisait partie des centaines de lycéennes enlevées par Boko Haram en avril 2014.
Une des jeunes filles qui faisait partie des centaines de lycéennes enlevées par Boko Haram en avril 2014.
Alors que les élections nigérianes se tiennent ce samedi 28 mars dans un pays en pleine guerre contre Boko Haram, les jeunes filles enlevées par la secte islamiste qui s'est ralliée à l'Etat islamique semblent êtres les grandes oubliées de la campagne électorale.
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Boko Haram a encore frappé. Des combattants de la secte islamiste, qui vient de prêter allégeance aux barbares de l'Etat islamique, ont mené mercredi 25 mars un raid sur la ville de Damasak et capturé plus de 400 femmes et enfants. "Ils ont pris 506 jeunes femmes enfants. Ils en ont tué environ 50 d'entre eux avant de partir", a dit à Reuters Souleymane Ali, un habitant de la ville, située à quelques kilomètres de la frontière tchadienne. Il y a près d'un an, l'enlèvement de plus de 200 jeunes filles par Boko Haram avait suscité une indignation à l'échelle mondiale et donné naissance au mot-dièse #BringBackOurGirls.

Mais cette mobilisation s'est essoufflée au point que le sujet des enlèvements a à peine été abordé pendant la campagne des élections présidentielles nigérianes qui ont lieu ce 28 mars. Pourtant, le groupe islamiste dont le nom signifie "l'éducation occidentale est un péché" en haoussa continue de semer la terreur dans le pays, comme en témoigne ce nouvel enlèvement à Damasak.

Sur les 276 jeunes filles enlevées par Boko Haram le 14 avril 2014 selon les chiffres de l'AFP, 57 auraient réussi à s'enfuir. Mais l'on reste sans nouvelles de 219 jeunes filles toujours otages de la secte. La chaîne TV5 est allée à la rencontre des personnes qui continuent de se battre pour ces jeunes filles prisonnières alors que le gouvernement nigérian a interdit les rassemblements quotidiens des proches des filles et de sympathisants à Abuja en juin dernier.

"Les gens vont oublier que les filles de Chibok ont été kidnappées"

"Le gouvernement s'en fout, c'est sûr", explique Aysha Yesufu, fondatrice du mouvement "Bring back our girls". "Pour lui, l'idéal aurait été d'étouffer l'affaire comme on en a étouffé plein d'autres. Les insurgés ont kidnappé 185 filles et jamais personne n'en a parlé. En fait, ils voulaient qu'on disparaisse. On a été harcelés, attaqués, intimidés, juste pour qu'on la ferme. Parce qu'au bout du compte, si on se tait, les gens vont oublier que les filles de Chibok ont été kidnappées. Le monde entier va oublier".

Dans une interview dans Le Point parue ces jours-ci, le président tchadien Idriss Déby s'en prend à Jonathan Goodluck, l'actuel président nigérian, qui brigue sa réelection ce week-end. Il lui reproche notamment d'avoir tardé à agir face à Boko Haram. "C'était devenu quelque chose de trop grave pour que les gens n'en prennent pas conscience, le sang des morts ces dernières années aurait dû attirer l'attention des dirigeants du pays", déclare-t-il.

Jonathan Goodluck vient justement de lancer une offensive militaire conjointement avec les pays voisins – le Tchad, le Niger et le Cameroun contre Boko Haram. Mais pour beaucoup de Nigérians, le président sortant a perdu toute crédibilité depuis l'enlèvement des jeunes filles. Son principal rival, l'ancien général Muhammadu Buhari, a d'ailleurs fait de la lutte contre la secte islamiste l'un de ses principaux thèmes de campagne, arguant qu'il était le seul homme capable de remettre l'armée corrompue en marche. En attendant, Boko Haram a promis de perturber le scrutin en organisant des attentats meurtriers ces jours-ci.