"Ceci n'est pas un cintre" : la campagne choc et nécessaire pour le droit à l'avortement

Publié le Jeudi 22 Septembre 2016
Hélène Musca
Par Hélène Musca Rédacteur
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Péneloppe Bagieu, pour la campagne du Planning Familial pour le droit à l'avortement
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Une IVG sur deux est illégale dans le monde et peut entraîner la mort d'une femme. C'est pourquoi le Planning Familial cherche à sensibiliser les populations sur le droit à l'avortement... en utilisant des cintres.
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Depuis le 13 septembre, des femmes posent avec un cintre et un hashtag à la Magritte, #CeciNestPasUnCintre. Le but du Planning Familial, le responsable de ce grand jeu de devinettes à prendre très au sérieux ? Défendre le droit à l'avortement.

Le cintre n'est pas un objet choisi au hasard : avec les aiguilles à tricoter, il fait partie des objets les plus utilisés par les femmes pour avorter clandestinement. Dans les pays où l'IVG n'est pas légale ou trop restreinte, elles doivent s'infliger ces effroyables "curetages maison" pour ne pas avoir à garder un enfant non-désiré ou le fruit d'un viol.

Effectivement, ce n'est donc pas un simple cintre : c'est le symbole des dangers encourus par les femmes qui veulent avoir le droit de choisir ; c'est le cri de révolte et de douleur des victimes de ces avortements illégaux d'une violence et d'une précarité extrêmes. Elles sont encore 47 000 dans le monde à mourir des suites d'une IVG clandestine.

C'est pour cela que Pénélope Bagieu, l'auteur de BD, la journaliste Rokhaya Diallo et des dizaines d'hommes et de femmes anonymes, posent en brandissant un cintre : ils nous rappellent avec justesse et violence la nécessité de continuer à lutter en faveur de l'IVG.

Droit à l'avortement : un combat de tous les instants

Cette campagne choc du Planning Familial souligne l'importance de la lutte pour l'avortement. En effet, il peut être tentant de penser que c'est une bataille que nous n'avons plus à mener : après tout, l'IVG est légale en France depuis plus de 40 ans grâce à la loi Veil de 1975. Mais l'avortement n'en reste pas moins "illégitime" : "On demande encore aux femmes de se justifier. Trop de personnes ne parlent de l'avortement que comme d'un 'échec', de ces femmes qui ne sont pas 'capables' d'utiliser correctement la contraception et qui 'tombent enceintes' par 'accident'. Tous ces mots sont intériorisés par les femmes qui vont être dévalorisées, déstabilisées, quand elles sont dans une situation de grossesse non prévue.", explique l'organisation dans la présentation officielle de la campagne. L'IVG demeure malheureusement encore entachée par la honte et le tabou.

Toujours très controversé, le droit à l'avortement est donc loin d'être acquis. Et cela se ressent tout particulièrement lors d'une période de crise généralisée où, face aux affres de la modernité et à un climat délétère, ce sont les voix qui susurrent que "C'était mieux avant" qui deviennent les plus séduisantes. Et quand il y a retour en arrière, ce sont les droits des femmes qui se retrouvent dans le viseur. La preuve en est l'abasourdissante popularité de Trump aux Etats-Unis, qui a proposé de "punir" les femmes qui avortaient ou encore l'impossibilité d'obtenir une IVG en Italie, et ce malgré sa légalité. On pourrait également citer l'exemple en France d'Eugénie Bastié , l'antiféministe de 24 ans tout droit sortie des bancs de SciencesPo, et qui explique que l'avortement est "un homicide et un drame".

Mais c'est la Pologne, malheureusement, qui illustre le mieux l'immense fragilité des droits de la femme. Alors que de 1954 à 1993, l'avortement y était parfaitement légal, la loi est réexaminée après la chute du communiste en 1993, et considérablement durcie. L'IVG n'était plus que tolérée en cas de viol ou de déformations majeures du foetus jusqu'à... aujourd'hui. Le Parlement polonais examine cette semaine une proposition de loi formulée par le collectif "Stop Avortement" qui rassemble tous les groupes pro-vie et veut faire interdire l'IVG. Leur texte, qui avait besoin de 100 000 signatures pour être examiné, a dépassé les 450 000. Il prévoit "jusqu'à cinq ans de réclusion pour une personne pratiquant ou subissant une IVG, qu'elle soit médecin, infirmier, ou enceinte. Et jusqu'à 3 ans en cas de pratique illégale", d'après Libération.