"Ces hommes ne sont pas des humains" : une ex esclave sexuelle de l'Etat islamique raconte l'enfer

Publié le Vendredi 04 Septembre 2015
Xavier Colas
Par Xavier Colas Journaliste
Dans le livre "Esclave de Daech" (Ed. Fayard), qui sort ce vendredi 4 septembre, Jinan, une jeune Yézidie âgée de 18 ans, raconte son calvaire de trois mois passés aux mains d'hommes du groupe Etat Islamique. Un quotidien rythmé par la torture et les viols.
À lire aussi

Marché aux esclaves, viols, torture... Les exactions commises par l'Etat islamique envers les femmes issues des minorités chrétienne et yézidie sont bien connues. Les témoignages des victimes, eux, sont plus rares. Parmi elles, Jinan, 18 ans, détenue à la fin de l'année 2014 par des membres de Daech en Irak, raconte, dans un livre paru ce 2 septembre, ses 90 jours d'enfer.

"Ils nous torturaient, voulaient nous convertir de force"

Enlevée, la jeune Yézidie, notamment détenue dans une prison de Mossoul, ville du nord de l'Irak contrôlée par l'organisation Etat Islamique, est achetée par un ancien policier et un imam, d'après l'AFP. Enfermée dans une maison avec d'autre femmes yézidies, elle raconte : "Ils nous torturaient, voulaient nous convertir de force". En cas de refus, les prisonnières étaient frappées, enchaînées en plein soleil et forcées à boire de l'eau stagnante dans laquelle croupissaient des souris mortes.

Jinan décrit également le marché aux esclaves, situé dans un grand salon de réception de Mossoul. Là, combattants irakiens, syriens mais aussi des occidentaux viennent "faire leurs emplettes (...) et des émirs inspectent le cheptel", indique la jeune femme.

"Des dizaines de femmes y sont rassemblées. Des combattants circulent parmi nous. Ils plaisantent d'un rire gras, pincent les fesses. L'un d'eux fait la moue. Elle a de gros nichons, celle-là. Mais je veux une yézidie aux yeux bleus. Avec un teint pâle. Ce sont les meilleures, à ce qu'il paraît. Je suis prêt à mettre le prix qu'il faudra", décrit Jinan.

Les prisonnières sont achetées en dollars ou dinars irakiens, ou troquées contre des armes notamment. "Ces hommes ne sont pas des humains. Ils ne pensent qu'à la mort, à tuer. Ils prennent sans arrêt des drogues et veulent se venger de tout le monde", conclut celle qui a finalement réussi à s'évader, une nuit, en volant des clefs.

Le viol et l'esclavage institutionnalisés

Le témoignage de cette Yézidie, aujourd'hui réfugiée, avec son mari, dans un camp au Kurdistan irakien, illustre un peu plus les pratiques abjectes de Daech. Des jihadistes engagés dans un véritable processus d'institutionnalisation du viol et de l'esclavage sexuel, comme l'avait déjà prouvé le document publié par EI en décembre dernier.

Intitulé "Questions et réponses sur l'emprisonnement et les esclaves", celui-ci légitimait, au nom d'un "manque de foi", la traite et le viol des femmes chrétiennes et yézidies détenues. Un commerce d'êtres humains qui, avec le racket et le trafic de pétrole, constitue une importante manne financière pour Daech. Les ONG estiment qu'environ 5 000 femmes et enfants seraient aux mains d'hommes d'EI.