"De plus belle" : du baume au corps et au coeur après le cancer

Publié le Mercredi 08 Mars 2017
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Florence Foresti amoureuse de Kassovitz dans De plus Belle
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Florence Foresti amoureuse de Kassovitz dans De plus Belle
Dans cette photo : Florence Foresti
Comment renaître au monde quand on a cru perdre la vie ? Se réapproprier son corps, réapprendre à s'aimer et à aimer : tel est l'Everest que va devoir escalader Florence Foresti dans "De plus belle", joli film sur la résilience après la maladie.
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Lucie est renfrognée. Elle se cache derrière ses longs cheveux bruns qui lui rongent le visage, elle voudrait disparaître. Car Lucie a été malade, très malade. Et elle doit maintenant réapprendre à vivre. Pas facile lorsqu'on été attaquée par un ennemi intérieur. De plus belle, c'est l'histoire de cette fille qui a survécu à un cancer et qui va tenter de se relever quitte à trébucher, guidée par de belles personnes croisées en route. Et parce que les papillons dans le ventre, ça change de ce foutu crabe qui ronge la chair. Dans un rôle à contre-emploi, Florence Foresti insuffle son énergie à cette petite bonne femme fragile, titillée par un homme qui s'immisce en douceur dans les failles de sa carapace (Matthieu Kassovitz) ou par cette bonne fée professeure de danse qui va mettre des plumes et des paillettes sur son corps meurtri (Nicole Garcia, magnifique).

Nous avons rencontré la réalisatrice Anne-Gaëlle Daval, ancienne costumière de la série Kaamelott, qui a réussi le pari (presque insensé) de traiter de ce sujet sensible avec légèreté et humour.

Terrafemina : Quel a été le déclic pour passer à la réalisation ?

Anne-Gaëlle Daval : En fait, je ne trouvais pas de boulot ! J'ai bossé dix ans sur la série Kaamelott, mais après, je ne trouvais pas de travail intéressant. Et du coup, je me suis dit : "Tu n'as qu'à écrire ton film. Comme ça, au moins, tu feras le boulot qui te plaît".

Le sujet de De plus belle n'est pas évident, il était même casse-gueule...

A-G D. : A la base, je voulais faire un film avec des costumes de cabaret, avec de la paillette et des plumes. Et c'est en travaillant sur le scénario, en partant de cette thématique du cabaret, j'en suis arrivée à l'idée du strip-tease, du corps. Je me suis demandé quel était mon rapport à la féminité. Les choses se sont montées comme ça. Tout le monde me dit que c'est un sujet casse-gueule, mais je ne trouve ça.

La maladie est tout de même au coeur du film : comment Lucie se reconstruit, comment le cancer l'a transformée...

Oui. Il se trouve que le cancer a des conséquences sur soi et sur son entourage, mais le vrai sujet, c'est comment s'en sortir. Je n'ai pas rencontré de survivantes du cancer, je raconte comment moi, j'imagine la façon dont j'aurais réagi en ayant eu un cancer.

Lucie, le personnage incarné par Florence Foresti, c'est un peu vous ?

A-G D. : Oui, c'est clairement moi. Elle parle comme moi, elle bouge comme moi. En la voyant et en l'écoutant, je m'y retrouve complètement, ce sont mes mots.

Comment on en vient à caster Florence Foresti dans ce rôle à contre-emploi ?

A-G D. : Je cherchais une actrice d'une quarantaine d'années qui savait danser et il n'y a que Florence qui danse. Je ne me suis pas dit : "Ah mince, c'est une humoriste, on ne la prend pas". En fait, je n'ai jamais pensé à ça.

Comment gère-t-on deux personnalités aussi explosives que Foresti et Kassovitz ?

A-G D. : Quand on est sur un tournage, on a beaucoup de choses à faire. En étant réalisatrice, j'avais très peu de temps pour déconner, du coup, quand je les voyais, c'était pour travailler. Les deux sont des bosseurs donc c'était facile.

L'alchimie s'est faite immédiatement ?

A-G D. : Grave ! Ça a dépassé tout le monde ! Il y a eu une complicité, une affection mutuelle immédiate, c'était rigolo à voir.

Flolrence Foresti et Mathieu Kassovitz dans De plus belle
Flolrence Foresti et Mathieu Kassovitz dans De plus belle
Dans cette photo : Florence Foresti

Dalila, le personnage de la prof de danse interprété par Nicole Garcia, est formidable. Quelqu'un vous l'a-t-il inspiré ?

A-G D. : Non, c'est un personnage complètement inventé.

On se demande si elle a été elle-même malade...

A-G D. : Oui, elle a été malade. Je pense que c'est une femme qui a tout dépassé et est aujourd'hui en paix avec tout ça.

Dalila dit : "Etre femme, ça s'apprend". Quelles sont selon vous les leçons à apprendre ?

A-G D. : Techniquement, on a des outils à notre disposition, comme le maquillage. Il faut savoir s'en servir, il faut savoir qu'on peut s'en servir et que c'est fort utile pour se sentir bien, je trouve... Il faut être consciente de ce qu'on provoque chez les autres. Beaucoup de femmes n'en ont pas conscience, ce qui est assez joli d'ailleurs. Il faut connaître ses atouts.

Floarence Foresti dans le film "De plus belle"
Floarence Foresti dans le film "De plus belle"
Dans cette photo : Florence Foresti

Le mouvement "body positive" est en pleine expansion. Dans votre film, il est question d'être fière de ce l'on est, d'assumer ses failles.

A-G D. : Je ne suis pas dans la revendication. Je conseille juste de se regarder toute nue devant la glace, c'est un premier pas. Et ce n'est pas simple ! Si tout le monde faisait ça- et moi, je ne le fais jamais- et se disait : " C'est le corps qu'on m'a donné, je ne le changerai pas et je vais même m'amuser avec cette donne", ça serait déjà pas mal. Je suis contre les mouvements, contre les manifestations groupées. L'acceptation doit se faire dans l'intimité, dans sa tête et dans son coeur. Je pense que si les femmes sont intelligentes et drôles. Toutes, c'est dans nos gênes !

Pourtant, Lucie a besoin de son groupe de danse pour se reconstruire.

A-G D. : Oui, un groupe de copines cassées. Il y a une bienveillance naturelle entre les femmes.

Vous n'êtes pas allée plus loin dans votre film en montrant les cicatrices, la mastectomie. Pourquoi ?

A-G D. : Ce n'était pas le propos du film et choquer pour choquer, ça ne m'a jamais intéressé. Ce n'est pas ma façon de communiquer. Je déteste la revendication et la provocation. Et finalement, c'est assez novateur comme langue !

Florence Foresti et Mathieu Kassovitz dans De plus belle
Florence Foresti et Mathieu Kassovitz dans De plus belle
Dans cette photo : Florence Foresti

A-t-il été facile de demander aux actrices de se dénuder ?

A-G D. : Ça a été dur, elles n'ont pas arrêté de changer d'avis : OK, puis non, puis OK mais de dos... Et j'avoue que je n'étais pas hyper à l'aise moi non plus. Finalement, j'ai tranché pour la culotte et topless mais de dos. Et c'est moi qui ne suis pas allée jusqu'au bout. Je n'ai pas osé. Je crois que ça aurait été bien qu'elles montrent leurs seins, mais le jour du tournage, j'ai capitulé.

Le thème de la mère toxique est également très présent dans votre film. Est-ce pour vous une autre forme de mal qui peut ronger quelqu'un ?

A-G D. : Les mères toxiques, ce sont des femmes qui ne vont pas bien. J'ai beaucoup d'affection pour elles. J'en suis une aussi. On n'est pas toxique par choix. Il faut les aimer aussi.

Quels sont vos prochains projets ?

A-G D. : J'ai des envies, mais il faut du temps. Ecrire quelque chose après ce film-là, c'est compliqué. Il a été tellement évident à écrire, je l'ai écrit d'une traite. Il va falloir que je me trouve une nouvelle bataille !

De plus belle
un film de Anne-Gaëlle Daval avec Florence Foresti, Mathieu Kassovitz, Nicole Garcia...
Sortie le 8 mars 2017