"Je suis le machisme ordinaire" : un court-métrage coup de poing et nécessaire

Publié le Jeudi 04 Février 2016
Anaïs Orieul
Par Anaïs Orieul Journaliste
"Je suis le machisme ordinaire" : un court-métrage choc présenté au Nikon Film Festival
"Je suis le machisme ordinaire" : un court-métrage choc présenté au Nikon Film Festival
Dans son court-métrage "Je suis le machisme ordinaire", le réalisateur Fabrice Roulliat dénonce avec force le sexisme toléré qui ronge notre société et qui s'installe dans nos têtes dès la cour de récré. En compétition au Nikon Film Festival, le film a d'ores et déjà réussi à toucher des milliers d'internautes. Rencontre avec un réalisateur engagé.
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Pour sa sixième édition, le Nikon Film Festival a sélectionné 1 056 courts-métrages. Parmi eux, un film a particulièrement touché les internautes : "Je suis le machisme ordinaire". Le titre est équivoque mais le scénario, lui, l'est moins. Car Fabrice Roulliat, le réalisateur, a choisi de montrer comment les adultes infusent eux-mêmes un sexisme intériorisé et considéré comme normal dans la tête des plus jeunes. L'histoire est celle de Sophie, une petite fille harcelée sexuellement par un camarade et qui devant l'indifférence de son professeur, choisit de réagir par la force. Résultat ? Les adultes censés la protéger se retournent contre elle. Sophie exagère, ce n'est pas si grave. Son camarade lui est au contraire défendu. Ce n'est qu'un jeu, le petit garçon a les mains baladeuses.

Cette scène a beau être glaçante, elle est d'un banal déconcertant. D'ailleurs, si Fabrice Roulliat s'est particulièrement inspiré d'un témoignage trouvé sur Facebook pour son scénario, il avoue qu'il n'avait de toute façon pas à chercher bien loin, tant les situations de ce genre sont fréquentes : "J'ai lu ce témoignage pour la première fois l'été dernier, mais ça a fait tilt quand je l'ai relu au mois de novembre avec d'autres histoires et que j'ai vu que c'était loin d'être un témoignage isolé. Les personnes qui ont vécu exactement la même chose sont en fait extrêmement nombreuses".

Ne plus tolérer l'intolérable

En compétition au Nikon Film Festival, le court-métrage de Fabrice Roulliat fait actuellement partie des favoris. Vu plus de 70 000 fois, le film fait réagir en masse les internautes, et particulièrement les femmes, qui sont malheureusement extrêmement nombreuses à avoir déjà vécu ce genre de situations à la fois blessantes et si ordinaires. Mais parmi les 700 commentaires de soutien se cachent beaucoup de messages d'incompréhension, des messages d'hommes pour la plupart. Le réalisateur explique : "Finalement très peu d'hommes ont réagi. Et parmi ceux qui ont réagi, beaucoup refusent de voir les choses en face. Ils peuvent être assez virulents et beaucoup pensent que parce que ce sont des enfants on ne peut pas parler d'agression sexuelle". Une preuve que ce court-métrage n'est pas seulement fort, il est nécessaire. Nécessaire pour faire changer les mentalités des adultes d'aujourd'hui mais aussi éduquer les enfants qui feront la société de demain.

Se battre contre le sexisme ordinaire peut-être fatigant tant on se retrouve parfois démunie face à une société patriarcale qui préfère détourner les yeux des problèmes. En 2016, les films, courts-métrages et documentaires à l'image de "Je suis le machisme ordinaire" sont donc encore des armes précieuses dans la lutte pour un monde plus juste et plus paritaire. Le réalisateur estime ainsi : "C'est quand quelqu'un met le doigt dessus qu'on s'en rend compte. Quand on explique aux gens que ce qui se passe autour d'eux n'est pas normal qu'ils prennent conscience qu'il faut faire quelque chose".

Fabrice Roulliat a mis le doigt dessus et bien comme il faut. Et s'il avoue qu'il ne "s'attendait pas à toucher autant de personnes", il a bien conscience que le sujet est loin d'être anodin. Pour preuve, il prépare actuellement deux documentaires sur le sexisme et la place de la femme dans la société.