La réalisatrice Stéphanie Brillant a exploré le cerveau des enfants (et c'est passionnant)

Publié le Jeudi 24 Mai 2018
Léa Drouelle
Par Léa Drouelle Journaliste
"Le Cerveau des enfants", un film-documentaire de Stéphanie Brillant en salle le mercredi 23 mai
"Le Cerveau des enfants", un film-documentaire de Stéphanie Brillant en salle le mercredi 23 mai
Le documentaire de Stéphanie Brillant, "Le cerveau des enfants, un potentiel infini", est sorti ce mercredi 23 mai sur grand écran. Une immersion dans la neuroscience qui nous explique ce qu'il se passe dans la tête de nos chers marmots, mais qui invite également à réfléchir sur soi et sur la manière d'exploiter son propre potentiel.
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Comment se développe le cerveau des enfants ? Existe-il une manière efficace de leur apprendre à gérer leurs émotions ? Et qu'en est-il de notre propre cerveau ? La journaliste et réalisatrice Stéphanie Brillant répond à ces questions dans le documentaire Le Cerveau des enfants, un potentiel infini, en salle ce mercredi 23 mai.

Pendant une heure et demi, le spectateur se retrouve immergé au coeur du cortex cérébral et navigue entre informations scientifiques vulgarisées et méthodes d'éducation hors des conventions glanées dans des écoles américaines pas tout à fait comme les autres. Pédopsychiatres, neuroscientifiques et éducateurs viennent nourrir ce documentaire très riche, ponctué par les commentaires humoristiques et l'analyse personnelle de Stéphanie Brillant sur l'éducation qu'elle a reçue lorsqu'elle était enfant.

Que ce soit dans sa vie de tous les jours ou dans sa carrière, la journaliste côtoie le monde de l'enfance de près. Maman de deux enfants, elle a fondé en 2015 (après avoir emménagé à Los Angeles), Innertainmentforkids.com, une médiathèque pour parents et enfants éclairés, qui propose des histoires, des articles, des jeux, des court-métrages. Rencontre avec la réalisatrice.

Stéphanie Brillant, réalisatrice du documentaire Le Cerveau des enfants
Stéphanie Brillant, réalisatrice du documentaire Le Cerveau des enfants

Terrafemina : Qu'est-ce qui vous a poussé à aborder le sujet complexe du cerveau des enfants pour votre premier film au cinéma ?


Stéphanie Brillant : Je dirais que c'est la concomitance de plusieurs éléments. J'ai lu beaucoup d'ouvrages sur ce thème. En faisant ces découvertes, j'ai pris conscience de plein de choses, et j'ai eu envie de creuser davantage le sujet car je pense qu'il est vraiment important pour les adultes de devenir conscient de sa propre "programmation" neuronale.

J'ai voulu faire un film qui s'adresse à tout le monde, et pas seulement aux parents ou aux professionnels de l'éducation. Je voulais faire résonner des sentiments importants enfouis en chacun de nous. J'espère qu'en regardant mon film, cela éveillera des choses personnelles chez le spectateur, qu'il se posera des questions. On parle de neurosciences, certes, mais c'est avant tout de l'humain dont il est question.

Les premières années de l'existence sont cruciales pour le développement cognitif. Est-ce à ce moment que les parents doivent se montrer particulièrement vigilants ?

S.B : La période de la petite enfance est très importante, oui. Il est donc essentiel de poser les fondements dès la petite enfance, surtout en ce qui concerne les relations avec les adultes. Il faut apporter une vraie relation à l'enfant, dans laquelle il se sentira en confiance et en sécurité. Mais évidemment, ce n'est parce qu'on a fait le "bon job" les premières années qu'il faut s'arrêter ensuite.

À l'inverse, ce n'est pas parce qu'il a y eu des manquements au début que l'enfant ne va pas pouvoir effectuer un développement optimal de son cerveau plus tard. Il faut savoir que le cerveau évolue jusqu'à la fin de la vingtaine. Je pense qu'il faut transmettre un message optimiste et surtout pas tomber dans la culpabilisation. Ce n'est pas grave si l'enfant n'a pas tout intégré à l'âge de 6 ans !

Quels autres conseils donneriez-vous aux parents ?

S.B : Je pense que l'une des choses les plus importantes est l'importance de la relation qu'ils entretiennent avec leur(s) enfant(s). Les expériences que nous offrons à nos enfants façonnent leur cerveau, et à leurs yeux, déterminent notre fiabilité. Tenir sa parole quand on est un parent est par exemple essentiel car cela va déterminer la capacité d'un enfant à attendre pour obtenir quelque chose et à faire confiance aux autres.

Parmi toutes les méthodes éducatives explorées dans votre film, quelle est celle dont vous vous servez le plus en tant que maman?


S.B :
Oh, il y en a plein ! Parfois, je réalise que j'ai certains comportements avec mes enfants que je n'arrive pas à contrôler : des phrases qui sortent toute seules et qui- je le réalise aujourd'hui- m'ont été transmises par mes parents. Un jour, j'ai par exemple demandé un peu énervée à mon fils de 7 ans pourquoi il n'était jamais fichu d'être à l'heure, ce qui est totalement contre-productif.

Enfant, je pouvais me sentir nulle parce que je me rendais compte que je ne correspondais pas au modèle que les adultes attendaient de moi. J'essaye donc de faire attention avec mes enfants. Ces réactions sont encore programmées en moi, mais j'en ai conscience. Donc, libre à moi de les changer.



Cela m'a aussi aidée à m'occuper de ma fille de 2 ans, qui a un émotionnel débordant. Parfois, elle fait des crises et elle se met à crier très fort. Je ne le gère pas encore parfaitement, mais comme je le montre dans le film, cette attitude chez un enfant n'est pas un simple caprice, mais un état de détresse. Donc, j'ai compris qu'il faut que j'établisse un contact physique avec elle, que je la prenne dans mes bras pour lui montrer que je suis là.

Avez-vous impliqué vos enfants dans la préparation de votre film ?

S.B : Oui, absolument, ils ne l'ont pas vu en salle, mais ils le connaissent par coeur. Parfois ils me sortent même des phrases extraites du film comme : "The child's brain is the imitation machine" ("Le cerveau d'un enfant est une machine à imiter"). Ils m'ont vue faire les recherches, assisté à mes séances de montage... c'est un peu comme le troisième enfant de la famille ! Maintenant, mon fils dit aux autres : "Maman adore les cerveaux."

Comment ont-ils interprété ces informations ?

S.B: Ma fille est un peu jeune pour comprendre, puisqu'elle n'a que 2 ans et demi. Mais je pense que mon fils a bien intégré la notion de maturation du cerveau, ce qui lui permet de ne pas être trop dur avec lui-même, car il se rend compte qu'il n'est encore qu'un enfant et que son cerveau n'a pas encore été totalement développé. Un soir, il avait du mal à s'endormir. Il m'a dit : "Maman, ce soir mon cerveau fait le DJ". C'était à la fois super mignon et très juste, car il avait compris que son esprit partait dans tous les sens. Et même s'il n'arrivait pas à le calmer, il en était pleinement conscient. Et c'est déjà quelque chose !

Ce que vous racontez sur votre fils rappelle ce que l'on voit chez certains des enfants de votre film, qui ont parfois une réflexion très poussée pour leur jeune âge...

S.B : Oui, c'est vrai qu'ils étaient assez éclairés, avec une compréhension et une analyse de leurs actes assez étonnantes. Je pense par exemple à la classe d'enfants qui apprend le fonctionnement des abeilles. Ils ont parfaitement intégré le mécanisme de la pollinisation, qui est pourtant un processus assez compliqué.

Certaines écoles dans lesquelles vous avez tourné ont un fonctionnement surprenant, comme celle au Texas avec la prof de sport qui fait une séance de "gratitude" à ses élèves...

S.B : Absolument, j'ai été émerveillée en voyant cette prof et ses élèves qui s'exclamaient : "merci jambe !", "merci bras !", "merci mon corps !". Les enfants étaient tellement appliqués, c'était très joli et étonnant à voir. C'est d'ailleurs assez pertinent de remercier notre corps, car c'est une façon d'apprendre aux enfants qu'il faut en prendre soin.

Quel est le concept qui vous a le plus surprise ?

S.B: Ce que j'ai trouvé très intéressant à l'école du Texas, c'est qu'ils prennent le temps de bien connaître leurs élèves et de travailler main dans la main. Par exemple, les professeurs rendent visite à chaque enfant à leur domicile une semaine avant la rentrée. Ça peut paraître intrusif, mais cela permet en fait de mieux s'adapter à aux besoins des enfants et de renforcer le lien élève-enseignant.

Les parents ont aussi une place dans l'école, avec une salle qui leur est dédiée. Le jour de la rentrée, il sont invités à écrire un petit texte pour répondre à la question "qu'est ce que vous souhaitez pour votre enfant ?" Une démarche utile à mon sens, car si on prend du temps pour se poser la question, on sait dès le départ comment se comporter avec nos enfants pour leur transmettre nos valeurs. Dans mon cas, je souhaite par plus que tout apprendre à mes enfant à devenir libres et je pense que comprendre ce qui se passe dans notre cerveau est un très bon moyen de parvenir à cette liberté.

Vous consacrez également tout un passage dans votre film où vous expliquez, grâce à l'intervention de professionnels, comment apprendre à un enfant à gérer les échecs et à prendre confiance en lui..

S.B : Oui, on explique, qu'en fait, il vaut mieux féliciter sur la progression et non sur les résultats, même s'ils sont bons. Par exemple, vous pouvez dire à un tout petit : "C'est fantastique, il y 3 mois, tu ne savais pas faire ce puzzle, c'était long et difficile et aujourd'hui tu le fais en 5 minutes". C'est mieux que de lui dire : "qu'est-ce que tu es doué en puzzle !" Car sinon, vous lui donnez L'impression qu'il est au max de ses capacités, et du coup vous ne l'incitez pas à se surpasser. Ça peut même devenir contreproductif, parce qu'à la moindre difficulté, on se dit qu'on ne va pas y arriver.

J'ai pu constater ce phénomène sur moi-même : toute ma vie, on m'a félicité de réussir à faire des choses sans travailler d'arrache-pied pour les obtenir, ce qui fait que je me suis toujours reposée sur mes capacités, et qu'au passage, je n'ai pas du tout exploité mon potentiel. Et ça, je ne l'ai réalisé que récemment.

C'est le message essentiel que je souhaite faire passer dans mon documentaire. Je ne veux pas qu'on sorte de la salle avec une vision dogmatique de ce qu'il faut faire ou ne pas faire, mais plutôt apporter des pistes de réflexion. Je veux faire comprendre que ce n'est pas parce qu'on a zéro facilité dans un domaine qu'on ne peut pas arriver à un niveau très haut. Nous sommes tous égaux face à la progression."




Le cerveau des enfants, un potentiel infini par Stéphanie Brillant, au cinéma à partir du 23 mai

"Le Cerveau des enfants", un film-documentaire de Stéphanie Brillant en salle le mercredi 23 mai
"Le Cerveau des enfants", un film-documentaire de Stéphanie Brillant en salle le mercredi 23 mai