#MosqueMeToo : les femmes musulmanes dénoncent les agressions sexuelles à la Mecque

Publié le Mardi 13 Février 2018
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
#MosqueMeToo : les femmes musulmans dénoncent les agressions sexuelles à la Mecque
#MosqueMeToo : les femmes musulmans dénoncent les agressions sexuelles à la Mecque
Depuis le 6 février, jour où le hashtag #MosqueMeToo a été lancé sur Twitter, des milliers de femmes ont pris publiquement la parole pour dénoncer les agressions sexuelles qu'elles ont subies lors de leur pèlerinage à la Mecque.
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Alors qu'il y a quatre mois, l'affaire Weinstein provoquait une onde de choc jusqu'ici jamais vue : pour la première fois, les femmes se sont mises à dénoncer tout haut, sur les réseaux sociaux, les violences sexistes et sexuelles, les cas de harcèlement ou les agressions qu'elles avaient jusqu'ici vécues et tues. Du monde de la culture à l'arène politique, aucune sphère n'avait été épargnée. Si ce n'est peut-être une, marquée par un sceau du secret séculaire : la sphère de la religion.

Depuis une semaine cependant, des milliers de femmes ont décidé de prendre la parole pour faire voler en éclat le verrou qui les empêchait jusqu'ici de dénoncer le harcèlement ou les agressions sexuelles qu'elles ont subies.

Tout est parti mardi 6 février de la journaliste américano-égyptienne Mona Eltahawy. Sur son compte Twitter, elle partage un article où elle raconte l'agression sexuelle qu'elle a subie lorsqu'elle avait 15 ans pendant le hadj, le pèlerinage à la Mecque. "J'ai partagé mon expérience d'agression sexuelle pendant le hadj en 1982 alors que j'avais 15 ans dans l'espoir que cela aiderait les femmes musulmanes à briser le silence et le tabou qui entourent leur expérience de harcèlement ou d'agression sexuelle pendant le hadj ou dans des lieux sacrés", explique Mona Eltahawy.

Lançant dans la foulée le hashtag #MosqueeMeToo, la féministe encourage les jeunes femmes à briser la loi du silence qui prévaut alors. En l'espace de 24 heures, le hashtag est repris plus de 2 000 fois sur Twitter. Selon la BBC, "des musulmans, hommes et femmes de tous les pays", s'en sont emparé pour dénoncer le harcèlement sexuel qu'ils ont, eux aussi, enduré pendant leur pèlerinage à La Mecque, en Arabie saoudite, où se pressent chaque année plus de 2 millions de fidèles.

"Une de mes amies a subi des attouchements durant le hadj et quand elle a fait des histoires, ses camarades de hadj lui ont demandé de laisser tomber", a affirmé sur Twitter Farisa Nabila. "Une des raisons pour lesquelles je ne dis jamais : 'Oui' quand les gens ont demandé, 'Voulez-vous aller à La Mecque une fois de plus ?' Je n'ai jamais été autant harcelée que dans la ville sainte", poursuivait ensuite la jeune femme, qui a depuis supprimé son compte.

"Je lis les tweets à propos de #MosqueMeToo. Ça me rappelle d'horribles souvenirs du Hajj en 2010, raconte sur Anggi Lagorio. Les gens pensent que La Mecque est l'endroit le plus saint pour les musulmans et donc que personne n'y ferait rien de mal. C'est totalement faux."

Devenu viral, le tweet de Mona Eltahawy a aussi suscité de très nombreuses réponses négatives. Insultée et menacée pour avoir osé briser l'omerta, la journaliste a à nouveau pris la parole pour recenser toutes les violentes critiques dont elle fait l'objet depuis une semaine.

"1 - Tu es trop moche pour être agressée. 2 - Tu as été payée pour dire ça. 3 - Tu veux juste être connue. 4 - Tu cherches juste à attirer l'attention. 5 - Tu veux détruire l'Islam. 6 - Tu veux donner une mauvaise image des hommes musulmans. 7 - Tu es une pute."

Depuis, la militante a lancé un nouvel hashtag, #IBeatMyAssaulter ("Je bats mon agresseur") où des femmes racontent comment elles ont réussi à mettre K.O. l'homme qui les harcelait ou les agressait. L'objectif ? Inciter les femmes à se battre elles-mêmes pour leurs droits. Elle a aussi rappelé que son combat n'est pas l'islam : c'est celui des violences misogynes, où qu'elles aient lieu. D'ailleurs, elle incite les victimes de violences sexistes et sexuelles dans la sphère religieuse à les dénoncer, notamment via le hashtag #ChurchToo (#ÉgliseAussi).