"Nous saignons, acceptez-le" : cette étudiante combat le tabou des menstruations en Inde

Publié le Mercredi 09 Décembre 2015
Jessica Dufour
Par Jessica Dufour Journaliste
Encore aujourd'hui, les tabous persistent autour des menstruations. Un phénomène que l'on retrouve notamment en Inde, où les femmes qui ont leurs règles sont considérées comme "impures". Des moeurs rétrogrades que tente de combattre une jeune étudiante indienne, Nikita Azad, à travers sa campagne #HappyToBleed.
À lire aussi

Pour entrer dans le temple hindou de Sabarimala, il n'est pas bon d'être une femme. Menstruées ou non, les femmes âgées de 10 à 50 ans n'y sont tout simplement pas admises. Récemment, le président du conseil d'administration du temple, Prayar Gopalakrishnan, a même déclaré qu'il lèverait cette interdiction à condition qu'une "machine" pouvant détecter si une femme a ses règles était inventée. Même s'il affirme que ses propos étaient sortis de leur contexte, l'homme maintient l'interdiction des femmes à entrer dans le temple.

Suite à ces déclarations abjectes, une étudiante indienne, Nikita Azad, a décidé de lancer la campagne #HappyToBleed ("Heureuse de saigner"). Sur Twitter et Facebook, elles ont été nombreuses à poster des photos d'elles-mêmes brandissant serviettes hygiéniques et pancartes, pour lutter contre le tabou autour des règles.

La jeune étudiante de 20 ans a également écrit une lettre ouverte à Gopalakrishnan où elle dénonce ces "coutumes rétrogrades, barbares et misogynes" et appelle l'État à prendre ses responsabilités en proposant aux femmes des soins menstruels. Pour Nikita, ainsi que pour des millions d'autres femmes indiennes, avoir ses règles ressemble davantage à une lutte pour sa dignité qu'à un cycle naturel. Si la campagne a attiré des milliers de partisans, d'autres se sont montrés plus difficiles à convaincre. "Il y a des gens qui nous ont appelés putes", raconte-elle. Ce qui n'empêche pas Azad de clamer haut et fort : "Nous saignons. Acceptez-le."

Des conséquences dramatiques

Le tabou qui entoure les règles en Inde a des conséquences dramatiques. Près d'une écolière sur cinq abandonne l'école dès que leur cycle commence et ce sont 70% des femmes qui n'ont pas accès à des produits sanitaires. Plus accablant encore, dès l'arrivée de leurs règles, les femmes ont interdiction de toucher des aliments ou même d'entrer dans la cuisine. Elles sont même contraintes à utiliser des assiettes et des couverts qu'elles seules peuvent toucher.

Même si sa campagne #HappyToBleed s'est terminée le 4 décembre, Nikita entend bien continuer à faire entendre sa voix. La jeune militante espère pouvoir bientôt présenter son programme au ministère de la Santé en Inde. Alors, à quand un réel changement des mentalités ?