Jugé "sexiste" et "dégradant", un livre pour préados visé par une pétition

Publié le Vendredi 02 Mars 2018
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Jugé "sexiste" et "dégradant", un livre pour préados visé par une pétition
Jugé "sexiste" et "dégradant", un livre pour préados visé par une pétition
Destiné aux préados, le livre "On a chopé la puberté" publié début février aux éditions Milan a été épinglé pour les conseils sexistes et stéréotypés qu'il donne aux petites filles.
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Après le scandale qu'avait suscité Le Dico des filles en 2014, on aurait pu croire que les éditeurs jeunesse auraient retenu la leçon et pris garde à ne pas relayer dans les pages de leurs livres pour préadolescentes des clichés éculés et des stéréotypes de genre.

Visiblement, les éditions Milan ont loupé le coche avec On a chopé la puberté. Publié début février, ce livre écrit par Mélissa Conté-Grimard et Séverine Clochard est la cible de la grogne des internautes. Motif ? Il hypersexualiserait les petites filles et leur donnerait des conseils véhiculant des stéréotypes sexistes.

Hypersexualisation et slutshaming

"Tiens-toi hyper droite pour faire paraître tes seins plus gros." "Les gros lolos attirent aussi les gros lourds". "Tu as enfin le droit de porter du fard à paupières, du gloss, voire du mascara." "Tes pieds ont grandi [...] tu peux piquer à ta mère ses boots à talons." "Grâce à tes seins en plein développement, tu as enfin attiré l'attention du bel Ethan, dont tu es secrètement amoureuse depuis la maternelle."

Voici quelques-uns des "conseils" et des observations repérées dans J'ai chopé la puberté par le groupe Facebook The Nasty Uterus. Dans un post datant du jeudi soir (1er mars), les administratrices de la page s'indignent de l'hypersexualisation des petites filles, à qui l'on conseille de se tenir droite pour faire ressortir leur poitrine et de se maquiller pour attirer l'attention des garçons de leur classe.

"Porter du maquillage, des chaussures à talons et attirer les regards concupiscents à grands coups de décolletés, c'est donc à ça que sont censées aspirer nos enfants ? C'est bien connu c'est hyper épanouissant le maquillage, les chaussures et les décolletés pour des enfants de 9 ans. Notre but à toutes dans la vie c'est d'être belle, d'avoir des Louboutin et des gros seins pour plaire aux garçons. **spoiler** non. Les filles n'existent pas pour plaire aux garçons, ce sont **spoiler** des personnes, si, si ! Et alors quoi, on pourrait plaire seulement aux garçons et que si on a des gros seins ?"


Accusant aussi l'ouvrage de slutshaming pour ses propos sur les "tétons qui pointent" et de grossophobie, The Nasty Uterus reproche aussi aux éditions Milan de tenir des propos irresponsables sur les douleurs liées aux règles, qui ne sont en aucun cas normales. "On rappelle qu'une femme sur 7 est atteinte d'endométriose et que les diagnostics se font parfois après des années de souffrance. Donc parfois, quand on a mal, on va pas juste 'faire avec', souffrir en silence contre sa bouillotte. D'ailleurs, on observe que le message en 2018 c'est toujours que les règles c'est sale, on préconise de se cacher pour attraper une protection ? Pourquoi ?", se demandent les autrices du texte. On est bien loin des conseils avisés du livre pour ados Les règles, quelles aventure !, dans lequel Élise Thiébaut rappelle qu'en plus de n'avoir rien d'honteuses, les menstruations ne doivent pas être douloureuses et que, si douleur il y a, ce n'est pas normal.

Une pétition et des excuses

Relayé sur Twitter, notamment par l'enseignante Françoise Cahen, les conseils délivrés aux petites filles dans J'ai chopé la puberté ont fait bondir les internautes. Tous accusent l'ouvrage de contribuer à sexualiser les pré-adolescentes et de ne s'envisager qu'à travers le prisme du regard masculin.

Dans la foulée, une pétition a été lancée sur Change.org pour réclamer le retrait à la vente du livre et des excuses des éditions Milan. Elle a, à l'heure où nous écrivons ces lignes, recueilli plus de 29 000 signatures.

La dessinatrice Emma s'est elle aussi emparée de la polémique en relayant la pétition pour inciter ses lectrices et lecteurs à la signer.

Face à l'ampleur prise par la polémique sur les réseaux sociaux, les éditions Milan se sont fendues d'un communiqué de presse dans lequel ils défendent l'ouvrage. "Le livre rejette tout ce qui empêche les filles de grandir sereinement, dans le respect de leur identité et de leur corps. Les auteurs expliquent simplement, et au second degré, ce qui se passe dans le corps et la tête des adolescentes durant cette période... et aborde également ce qui se passe chez les garçons. Parce que la puberté, ça n'arrive pas qu'aux filles [...] Milan est, depuis toujours, un éditeur engagé aux côtés des filles et des garçons, pour les accompagner dans leur découverte du monde, sans dogmes ni prédicats, à hauteur d'enfants et d'adolescents qui ont le droit de se poser toutes les questions qu'ils souhaitent."

Pas d'excuses, donc. Ce qui n'a pas franchement convaincu les internautes, qui en attendaient davantage de la part de la maison d'édition jeunesse.