"Wonder Woman" : un blockbuster féministe et fier de l'être

Publié le Lundi 05 Juin 2017
Anaïs Orieul
Par Anaïs Orieul Journaliste
"Wonder Woman" : un blockbuster féministe et fière de l'être
"Wonder Woman" : un blockbuster féministe et fière de l'être
Après un démarrage historique au box-office américain, "Wonder Woman" débarque sur les écrans français. Féministe, drôle, émouvant, réussi en tout point, le film de Patty Jenkins permet enfin de pousser un soupir de contentement. Il était temps.
À lire aussi

"C'est moi, l'homme compétent", explique Diana (Gal Gadot) au capitaine Steve Trenor (Chris Pine). Quelques petits mots qui résument à eux-seuls l'âme du film Wonder Woman, en salles ce mercredi 7 juin. Après les échecs critiques de Batman V, Superman et Suicide Squad, Warner Bros avait la pression. On pensait le studio incapable de rivaliser avec Marvel, le voici qui offre aux fans de comics un blockbuster d'ores et déjà annoncé comme l'un des meilleurs films de super-héros de tous les temps. Un film centré sur une super-héroïne – et elle seule – et qui vient de réaliser la plus grosse ouverture jamais enregistrée au box-office américain pour un long-métrage réalisé par une femme, la réalisatrice Patty Jenkins. 100 millions de dollars en un week-end, de quoi s'enorgueillir quelques minutes. L'homme compétent donc, est une femme. Elle s'appelle Diana Prince et elle est née de l'imagination du psychologue américain William Moulton Marston en 1941. A l'époque déjà, l'homme souhaitait faire de son Amazone un exemple pour les jeunes femmes. Un modèle de féminité forte, intelligente, et aussi cool que ses homologues Superman et Batman. Après les comics, la série télé avec Lynda Carter dans les années 70 et une deuxième série annulée avant même d'avoir été diffusée en 2011, voici donc Wonder Woman qui renaît de ses cendres. Et quel retour.

Les critiques sont unanimes, le public américain aussi : le film de Patty Jenkins est une réussite totale. On y découvre Diana avant qu'elle ne devienne Wonder Woman. Princesse des Amazones installée sur une île paradisiaque invisible à l'oeil humain, Diana décide de quitter son havre de paix lorsqu'un pilote de l'armée américaine s'écrase dans la mer azur. A l'extérieur, la guerre fait rage entre les Allemands et les Alliés. Convaincue qu'elle est destinée à ramener la paix sur terre, Diana s'enfuit en compagnie du pilote, Steve Trenor. De là, Patty Jenkins tisse une intrigue digne des meilleurs films de super-héros. L'action se mêle à l'humour, la légèreté à la gravité, la romance à l'horreur. Diana apparaît quant à elle comme un modèle féminin extrêmement fort. Elle est valeureuse, intrinsèquement bonne, a une notion presque animale du bien et du mal. Complexe, puissante, mais aussi vulnérable et parfois naïve, la super-héroïne longtemps boudée par les producteurs a enfin retrouvé sa légitimité. La regarder se battre avec une telle agilité, repousser l'ennemi à l'aide de son glaive et de son bouclier est un pur délice. En tant que spectatrice, c'est même sincèrement jouissif. On n'avait pas été chamboulée comme ça depuis notre rencontre avec Buffy Summers en 1997.

"Wonder Woman", Gal Gadot et Chris Pine
"Wonder Woman", Gal Gadot et Chris Pine

Un film diablement féministe

Si les super-héroïnes connaissent un joli succès en librairie, le cinéma n'a pas su quoi en faire pendant longtemps. Il y a bien eu quelques essais – Supergirl en 1984, Catwoman en 2004 ou encore Elektra en 2005 – mais les films étaient terriblement mauvais, ce qui n'a pas aidé les studios à devenir moins frileux. C'est finalement chez Marvel que s'est amorcée une sorte de renaissance avec l'apparition de Black Widow et Scarlet Witch dans la team des Avengers. Des efforts toutefois nuancés par le refus de Marvel d'offrir à la veuve noire son propre film ou de l'intégrer au marketing d'Avengers. Wonder Woman arrive donc au moment opportun. L'enthousiasme des fans pour Harley Quinn (Suicide Squad) et pour Jessica Jones (sur Netflix) avait annoncé la couleur : les femmes ont leur place au panthéon des films de super-héros, le public même, ne demande que ça.

Après ses multiples échecs, Warner Bros aurait donc pu remiser Diana et son lasso magique au placard. Mais le studio a préféré tout miser sur elle. Grand bien lui en a pris. A l'instar de la trilogie The Dark Knight ou du Spider-Man de Sam Raimi, Wonder Woman est bien parti pour marquer son époque. Le film est diablement féministe mais ne tombe jamais dans la caricature. Les hommes qui entourent Diana ne se sentent pas diminués face à sa puissance, ils préfèrent l'aider dans sa quête. Le personnage de Steve Trevor, campé par Chris Pine, apporte même une grande douceur au film et les scènes qu'il partage en tête-à-tête avec Gal Gadot sont tout simplement savoureuses. Un moment en particulier pose les bases du film : Diana et Steve parlent de sexualité féminine. C'est une conversation simple, qui ne se cache pas derrière quelques métaphores. La scène est courte, drôle, mais moins légère qu'elle n'en a l'air. Souvent invisibilisée, la sexualité des femmes est évoquée dans un film de super-héros. Du jamais vu. Sous ses airs de blockbuster, Wonder Woman peut donc être vu comme un manifeste féministe qui parlera aux femmes mais aussi aux hommes. Interrogée récemment par Hollywood Reporter, Gal Gadot analyse : "C'était le challenge – raconter l'histoire d'une femme et la rendre universelle. Nous sommes habitués à voir des protagonistes masculins filmés par des hommes. Mais Patty a su capturer le personnage de Wonder Woman. Tout le monde peut s'identifier à elle, homme, femme, garçon, fille". Les premiers retours des spectateurs le confirment : la super-héroïne a touché tout le monde en plein coeur.

Après avoir mis à ses pieds le box-office américain, Wonder Woman s'apprête à conquérir le monde. En attendant l'arrivée des films consacrés à Batgirl et Captain Marvel, gageons que nous devrions voir fleurir des tiares dorées sur les têtes de millions de petites filles. Preuve qu'une femme compétente peut en cacher bien d'autres.

Wonder Woman, de Patty Jenkins, avec Gal Gadot, Chris Pine, Robin Wright, durée : 2h21, sortie le 7 juin 2017