À quoi ressemble la vie des femmes dans le fief de Daech ?

Publié le Jeudi 26 Novembre 2015
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
À quoi ressemble la vie d'une femme à Raqqa, la "capitale" de l'État islamique ? À travers une vidéo poignante produite par la BBC, Nour raconte son histoire.
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Nour a vécu à Raqqa avec ses soeurs toute sa vie. Et la vie était belle dans cette ville du centre de la Syrie qui borde l'Euphrate. "Raqqa était réputée comme étant la ville des femmes puissantes. Si vous aviez besoin de quoi que ce soit ici, il fallait passer par une femme pour se le procurer." Mais en 2014, tout bascule. La ville devient la capitale officieuse de l'organisation terroriste État islamique. Le quotidien de Nour et celui des habitantes de Raqqa chavire dans l'horreur.

Nour (son nom a été changé pour garantir sa sécurité et celle de sa famille) a réussi à s'échapper il y a quelques semaines du fief de Daech et a fui vers l'Europe. Elle a accepté de raconter son histoire à la BBC, relatée à travers une très belle vidéo animée réalisée par Luis Ruibal. Des mots simples et des dessins pour retracer l'oppression, la peur, la manipulation et l'effroi qui ne la lâchaient plus. Et l'annihilation des femmes, transformées en fantômes noirs, tremblant sous leur burqa. "Ils nous ont fait nous voiler le visage, nous ont dit de ne plus porter de pantalons, de ne plus quitter la maison sans être accompagnée par un homme 'responsable' de nous. Nos amies ont été forcées d'épouser des soldats ou forcées à se prostituer pour eux."

Nour évoque aussi la brigade féminine créée par Daech, la Al-Khansaa. "Elles nous observaient, nous battaient, nous fouillaient de manière dégoûtante." Quand la soeur aînée de Nour se dispute avec ses beaux-parents, celle-ci est dénoncée et embarquée par la police religieuse, la Hisbah. Elle est fouettée jusqu'au sang. "Son corps ne s'en remettra jamais", explique Nour. Le sort des femmes qui osent s'élever contre le régime est terrible. "Elles sont abandonnées sur le terrain de chasse des hyènes et sont dévorées vivantes."

Paralysées par ce régime de la terreur, la petite soeur de Nour et sa mère restent cloîtrées chez elles toute la journée, sans rien faire. "Elles n'écoutent pas la radio car les voisins pensent que c'est le canal du diable et elles ont peur d'être signalées."

Nour a un fils de 8 ans. Un petit garçon innocent qui a été progressivement happé par la propagande dévastatrice des fanatiques religieux. "Je pensais qu'il allait au parc, mais en fait, les imams lui remplissaient la tête de haine." Nour tente de ramener son fils sur la voie de la raison, il l'insulte, la traite d'infidèle, de porc. "Il n'est pas comme ça, mais ils l'ont empoisonné contre moi."

Nour a réussi à s'échapper de Syrie avec sa famille, mais son coeur saigne pour sa ville. À Raqqa, ces femmes qui rêvaient de liberté disparaissent sous le joug de la violence. "Raqqa a perdu son âme", conclut-elle.