L'interview girl power d'Anne-Sophie Girard

Publié le Mardi 23 Octobre 2018
Léa Drouelle
Par Léa Drouelle Journaliste
L'interview Girl Power d'Anne-Sophie Girard
L'interview Girl Power d'Anne-Sophie Girard
On a rencontré Anne-Sophie Girard, autrice du best-seller "La femme parfaite est une connasse". L'humoriste se produit 4 fois par semaine dans son nouveau One Woman Show, au Théâtre des Mathurins, à Paris.
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Humoriste, comédienne, autrice... Originaire de Montpellier, Anne-Sophie Girard a d'abord entrepris des cours d'économie, avant de tout plaquer pour s'installer à Paris et s'inscrire au Cours Florent. Elle se fait connaître dans un duo de café théâtre dans le spectacle Zé oublié quelque chose, qu'elle joue avec le comédien suisse Arek Gurunian.

Après un concours d'humour où elle arrive en finale, elle intègre le Jamel Comedy Club : sa carrière d'humoriste est lancée. En 2012, l'un de ses amis éditeurs lui propose à elle et à sa soeur Marie-Aldine, actuellement rédactrice en chef de l'émission 28' sur Arte, d'écrire un livre dans le cadre de la Saint-Valentin. Emballées, les deux soeurs acceptent sans trop savoir encore ce qu'elles vont mettre dedans.

Marie-Aldine propose alors à Anne-Sophie de coucher sur papier toutes les bribes de conversations qu'elles ont entendues lors de leurs apéros "entre filles". Un an plus tard, c'est la naissance de La femme parfaite est une connasse, un livre humoristique qui deviendra rapidement un best-seller.

Le succès est tel que les deux soeurs viennent d'écrire son pendant masculin, L'homme parfait est une connasse, qui sortira le 31 octobre prochain aux Éditions Flammarion. Cette fois, les jumelles s'en prennent à la figure de l'homme parfait, et avec la même dérision que La femme parfaite est une connasse, nous font comprendre que le prince charmant n'existe pas... et que c'est tant mieux.

Depuis le mois d'août, Anne-Sophie Girard se produit quatre fois par semaine du mercredi au samedi au Théâtre des Mathurins. Pendant une heure, la comédienne nous raconte sans filtre ses histoires d'amour (ou de sexe) qui tournent court, ses petites névroses, sa passion inconditionnelle pour les to do list, ses doutes, ses coups de gueule...

Un One Woman Show drôle et touchant, interprété avec beaucoup d'autodérision et une touche de poésie. Rencontre avec une humoriste talentueuse qui, derrière son air réservé et sa douceur, cache un sacré tempérament.

L'homme parfait est une connasse, d'Anne-Sophie et Marie-Aldine Girard, Éditions Flammarion
L'homme parfait est une connasse , d'Anne-Sophie et Marie-Aldine Girard, Éditions Flammarion

Tout ce que tu racontes dans ton spectacle est vrai ?

Absolument, même le braquage dans le supermarché ! J'aurais beaucoup de mal à parler de choses que je ne connais pas ou que je n'aurais pas vécues.

Quand tu avais 20 ans, tu as été atteinte d'un cancer. Tu as choisi d'en parler dans ton spectacle. Pourquoi ?

Je suis restée pendant 15 ans sans en parler. Mais je me suis rendue compte que mon expérience de la maladie est en fait la raison pour laquelle je suis sur scène aujourd'hui. Je viens d'un milieu très populaire et dans ma famille, on ne s'autorisait pas à rêver de faire du cinéma.

J'ai décidé d'en parler dans mon spectacle, parce que justement je voulais montrer à quel point il est dur d'aborder ce sujet avec humour. Faire des blagues avec les termes 'cancer' ou 'tumeur', c'est moins drôle que le mot 'cacahuète'.

Mais surtout, je voulais dire que si je n'avais pas traversé cette épreuve, je ne serais probablement jamais montée sur scène.

Au début, c'était super bizarre. Je n'arrivais pas à répéter sans pleurer. Pas parce que j'étais triste, mais parce que je me disais que j'allais sortir tout ça de moi et le partager sur scène. Rien que de vous en parler, je suis émue...

La maladie m'a aussi permis de beaucoup relativiser sur la vie et c'est un message que j'essaie de faire passer dans mon spectacle : 'Ce n'est pas grave si tu es célibataire à 30 ans !'

J'ai aussi décidé de raconter mon histoire, parce que je pense à toutes celles et tous ceux qui sont passé·ées par là et qui n'osent pas toujours en parler.

Quelle est ta vision de la femme parfaite, et pourquoi est-ce une connasse ?

La femme parfaite, c'est celle qui fait tout bien. Et du coup on a l'impression que tout est facile pour elle. Ses enfants sont parfaits, sa carrière est parfaite. On la retrouve sur Instagram par exemple. Sur son compte, tout est féerique. Quand on regarde, on bave sur son petit-déjeuner.

Quand on est à côté d'elle, on a la sensation d'être nul·lle. Voilà pourquoi c'est une connasse : elle nous met la pression et c'est pour ça qu'on ne l'aime pas.

On a écrit ce livre pour faire déculpabiliser toutes les autres filles, histoire de leur dire : 'ne vous en faites pas, dans la vraie vie, elle n'existe pas. Et si elle existe, qu'est-ce qu'elle doit être chiante !'

Anne-Sophie Girard, Théâtre des Mathurins, Paris
Anne-Sophie Girard, Théâtre des Mathurins, Paris

Te considères-tu comme féministe ?

Évidemment. Et j'aimerais bien qu'on arrête de me poser la question. Ce sont ceux et celles qui ne sont pas féministes qui ont à se justifier, pas les autres. Pour moi, ne pas vouloir l'égalité entre les hommes et les femmes est tout simplement inconcevable.

Les hommes devraient d'ailleurs le prôner haut et fort, même si en réalité c'est juste normal d'être féministe aujourd'hui, y compris quand on est un homme.

Quel regard portes-tu sur la représentation des femmes dans le monde de l'humour ?

Qu'elle est très inégalitaire ! Je pense qu'on devrait instaurer des quotas, pour que les jeunes filles nous voient à l'écran et peut-être se disent 'plus tard, je pourrais le faire moi aussi.'

Dans mon milieu, j'ai souvent entendu des hommes dire : 'C'est dommage, vous êtes peu !' Du coup, je me suis amusée [et ça m'a pris du temps] à faire une liste de toutes les femmes qui jouent actuellement en France et qui ont leur propre one woman show, c'est-à-dire un spectacle intégral et pas juste un sketch. En tout, j'ai compté 132 spectacles, contre 350 chez les hommes.

Donc, nous sommes un tiers. Et sur les plateaux d'humour, on est un huitième de femmes. C'est un peu le concept de la Schtroumpfette : on a plein d'hommes et puis on va mettre une nana au milieu, juste pour dire 'voilà, on a une fille'.

Un jour, un producteur m'a dit : 'c'est vraiment dommage car j'adore ton spectacle mais j'ai déjà une fille !' On en est là vraiment. C'est-à-dire qu'on pense que les femmes humoristes font forcément de l'humour de fille et que du coup, on est interchangeables. Au mieux, on aura une blonde et une brune pour la diversité, mais c'est à peu près tout.

Une humoriste dont tu es fan ?

Pour moi, Florence Foresti reste la patronne. Elle me fait beaucoup rire. Et elle il faut dire qu'elle a, et qu'elle fait toujours, une très belle carrière. Respect !

Les trois femmes qui t'ont le plus inspirée ?

Simone Weil, même si je sais que ça fait hyper "cliché" [rires]. Quand j'étais petite, je regardais ses discours à la télé et je l'admirais beaucoup. Aujourd'hui encore, elle me fascine. Elle est tellement courageuse !

Tina Fey, humoriste américaine et première femme qui s'est imposée en tant que chef des autrices dans l'émission à sketchs Saturday Night Live. Je l'adorais surtout dans la série 30 Rock, elle est drôle, belle, charismatique... J'aimerais être elle, quand je serai grande !

Et pour la 3e, je dirais, Amy Poehler, cette autre humoriste américaine du Saturday Night Live que je trouve également formidable.

Le super-pouvoir que tu aimerais avoir ?

Arrêter le temps. Juste cinq minutes pour souffler et se dire que tout va bien. Ensuite, pour gagner du temps, parce qu'on peut faire beaucoup plus de choses.

L'héroïne de série dont tu es fan ?

Tina Fey, dans 30 Rock.

L'héroïne de fiction que tu adorais enfant ?

Je n'aimais que les héros. Je détestais toutes ces héroïnes à la Princesse Sarah qui avaient systématiquement besoin qu'un homme intervienne pour les sauver !

Ah si... j'aimais bien Lamu, une extra-terrestre loufoque qui me faisait rire. Mais quand j'y repense aujourd'hui, je me rends compte à quel point elle était sexualisée. Je veux dire, elle avait juste un petit bout cache-téton. À l'époque je la trouvais géniale, mais mon dieu qu'elle était nunuche !

La chanson girl power que tu écoutes pour te rebooster ?

Stupid Girl, de Pink.

Ta citation préférée ?

"Ils vécurent enfants et firent beaucoup d'heureux". La première fois que j'ai lu cette phrase, elle était écrite sur un mur. J'ai trouvé ça tellement simple et juste d'inverser les deux mots. C'est tellement plus ouvert sur les autres que la formule initiale !

Ton dernier moment badass ?

Le 28 août dernier, quand je suis montée sur scène aux Mathurins. J'ai décidé de faire un nouveau spectacle et que je me suis dit "allez, on repart ". J'ai ressenti de la fierté quand j'ai réalisé que j'étais allée jusqu'au bout."

Retrouvez Anne-Sophie Girard, autrice des livres L'homme parfait est une connasse et La femme parfaite est une connasse, tous les soirs à 21h du mercredi au samedi au Théâtre des Mathurins.

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