La planète entière rêve de se faire tatouer par cette dame de 101 ans

Publié le Jeudi 28 Juin 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Whang Od est la plus vieille tatoueuse du monde
Whang Od est la plus vieille tatoueuse du monde
Apo Whang-od est une légende vivante du tatouage. On vient du monde entier pour se faire tatouer par cette femme de 101 ans. Elle vient d'être honorée par son pays, les Philippines.
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Apo Whang-od est une véritable star mondiale du tatouage. A 101 ans, cette femme originaire des Philippines est parmi les dernières à tatouer à la main dans le monde. La technique traditionnelle qu'elle utilise est millénaire et s'appelle le batok. Les personnes qui la pratiquent, les mambabatok, utilisent du charbon et des aiguilles de pamplemoussier sur lesquels elles tapent pour faire entrer l'encre dans la peau. La peau est ensuite apaisée avec de l'huile de coco.

La tatoueuse a été découverte grâce à un documentaire sur la chaîne Discovery Chanel en 2009 et est devenue une icône. Sur les réseaux sociaux aussi, Apo Whang-od est une légende. Elle est suivie par plus de 86 000 personnes sur Facebook et Instagram regorge de ses photos et de son art. Les personnes souhaitant se faire tatouer par elle font des kilomètres pour aller la voir dans son village de montagne. Des stars philippines font spécialement le déplacement pour se faire encrer par Apo Whang-od, mais aussi les touristes de passage et les locaux. Sachant qu'il faut pas moins de treize heures pour la rejoindre dans le nord des Philippines depuis la capitale Manille...

Une des petites-nièces de Whang Od
Une des petites-nièces de Whang Od

Les futurs tatoués choisissent les motifs géométriques traditionnels sur un pan de bois avant qu'on leur fasse sur la peau. Mais Apo Whang-od est parfois fatiguée. Elle tatoue depuis l'âge de quinze ans. La vieille dame ne pratique plus autant qu'avant. Elle a vécu l'invasion japonaise et son petit ami de l'époque est mort à cette époque alors qu'elle a 25 ans. Elle a décidé de ne jamais se marier ni d'avoir des enfants. Mais son art ne peut se transmettre que dans sa lignée. Elle l'a donc transmis à ses petites-nièces.

Elle-même s'est faite tatouer pour la première fois pendant l'adolescence et a appris le batok par son père. Ses premiers tatouages furent une échelle et un python. Comme elle l'explique, ils sont "sans signification particulière, juste un ornement".

Dans le documentaire qui lui est consacré, la tatoueuse explique ne réaliser certains motifs que pour les guerriers et personne d'autre comme celui de l'aigle. Si la personne n'a pas tué pour protéger sa communauté, il ou elle n'aura pas le tatouage. Dans sa jeunesse, les tatouages étaient gratuits, aujourd'hui elle tire des revenus de cette activité pour acheter des cochons.

Le 25 juin dernier, cette femme exceptionnelle de 101 ans a reçu une récompense pour sa contribution au patrimoine culturel immatériel des Philippines de la part de la Commission Nationale pour les Arts et la Culture (NCCA) du pays. Dans sa résolution, le NCCA reconnaît l'artiste comme "un navire vivant d'une pratique traditionnelle,[qui] mérite honneur et reconnaissance pour ses contributions, notamment en attirant davantage l'attention sur la pratique indigène du tatouage et la culture philippine en général."

L'art du tatouage était très répandu aux Philippines. Mais avec l'arrivée des colons et de l'église catholique, il a peu à peu disparu, étant de plus en plus vu comme lié à une activité criminelle. Certaines petites-nièces de Apo Whang-od font perdurer cette tradition en voie de disparition et prennent le relais quand leur grande-tante est fatiguée. Le jour où Apo Whang-od disparaîtra, c'est tout un pan de la culture philippine qui partira avec elle.