Au Népal, une loi interdit désormais d'exiler les femmes pendant leurs règles

Publié le Jeudi 10 Août 2017
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Au Népal, une loi interdit désormais de chasser les femmes pendant leurs règles
Au Népal, une loi interdit désormais de chasser les femmes pendant leurs règles
Au Népal, le parlement vient d'approuver une loi punissant de prison la pratique appelée "chhaupadi", qui bannit du foyer les femmes ayant leurs règles ou venant d'avoir un enfant.
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Victoire pour les femmes népalaises. Mercredi 9 août, le parlement du pays a approuvé une loi interdisant la pratique de la "chhaupadi", un exil forcé qui frappe les femmes ayant leurs règles ou venant d'accoucher. Issue de l'hindouisme, cette tradition suivie par de nombreuses communautés dans le pays considère les règles comme impures. Pendant cette période, les femmes sont contraintes de quitter leur foyer et d'aller dormir dans une hutte éloignée appelée chhau goth. Elles n'ont le droit de toucher ni la nourriture destinée aux autres, ni les icônes religieuses, ni le bétail, ni les hommes. Désormais, toute personne forçant une femme à suivre cette pratique s'exposera à une peine de trois mois de prison et à une amende de 3 000 roupies (25 euros environ). "Une femme qui a ses règles ou se trouve en état postnatal ne doit pas être confinée à la chhaupadi, subir une discrimination similaire, ou faire l'objet d'un quelconque traitement inhumain", précise la loi, adoptée à l'unanimité.

Une pratique ancestrale

Dans les faits pourtant, il ne sera pas simple de faire appliquer cette loi. Outre le fait qu'elle n'entrera en vigueur que d'ici un an, le système de croyances dans laquelle s'inscrit la pratique de la chhaupadi rend quasiment impossible sa mise en exécution dans les contrées les plus reculées du Népal. Dans la région d'Achham, à l'ouest du pays, 95% des femmes font chaque mois leur exil menstruel. "Il est faux de dire que ce sont les hommes qui forcent les femmes à s'y plier. Oui, la société patriarcale népalaise joue un rôle, mais ce sont les femmes elles-mêmes qui s'obligent à se conformer à la chhaupadi", affirme ainsi Pema Lhaki, une militante pour les droits des femmes au Népal qui juge la loi inapplicable.

Officiellement interdite depuis 2005 sans que les auteurs n'aient jusqu'ici été inquiétés la chhaupadi est encore très pratiquée dans certaines régions et fait encore aujourd'hui des victimes. En juillet dernier, une jeune fille de 18 ans est décédée après s'être fait mordre par un serpent dans la hutte où elle effectuait son "exil menstruel". Fin 2016, deux jeunes femmes sont décédées en suivant la tradition. L'une d'elle a inhalé la fumée d'un feu qu'elle avait fait pour se réchauffer.

Mais les élus népalais espèrent désormais que les peines de prisons et les amendes dissuaderont les Népalais d'observer cette tradition qui constitue une forme de violence envers les femmes. "La chhaupadi ne s'est pas éteinte parce qu'il n'existait aucune loi qui punissait les coupables, même après que la Cour suprême l'a rendu illégale", a ainsi déclaré Krishna Bhakta Pokhrel, un élu qui a défendu la loi au parlement.

Les règles, tabou mondial

Le Népal est loin d'être le seul pays au monde à considérer les menstrues comme impures. En Inde, une légende veut qu'une femme ayant ses règles rendrait impropre à la consommation n'importe quel pot de cornichons à peine effleuré. À Bali, les femmes sont bannies des temples bouddhistes le temps de leurs règles. Elles n'ont pas le droit non plus d'entrer dans une cuisine et doivent porter les mêmes vêtements pendant toute la durée de leurs règles. Les pays occidentaux ne sont pas épargnés par ces mythes d'une autre époque qui veut que les femmes réglées soient sales, impures et méritent donc d'être rabaissées pendant cette période de leur cycle. Ainsi, en Angleterre à la fin du XIXe siècle, le célèbre Bristish Medical Journal avait publié un ensemble de lettres de médecins qui assuraient qu'une femme, au milieu de son cycle, abîmait le jambon qu'elle touchait. Si cette croyance s'est depuis dissipée, il n'est pas difficile de voir que le sang menstruel est toujours frappé de censure dans nos pays. Il n'y a qu'à voir le liquide bleu qui s'y substitue dans nos fameuses publicités pour des serviettes hygiéniques.