Au Pérou, les femmes se mobilisent pour la dépénalisation de l'avortement

Publié le Mercredi 19 Août 2015
Audrey Salles-Cook
Par Audrey Salles-Cook journaliste
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Au Pérou, les manifestants se battent pour permettre aux femmes violées d'avoir le droit d'avorter.
Au Pérou, les manifestants se battent pour permettre aux femmes violées d'avoir le droit d'avorter.
Alors que l'avortement n'est toujours pas légal dans de nombreux pays d'Amérique latine, les Péruviennes bataillent pour obtenir la permission d'y avoir recours en cas de viol. Mais là encore, l'Église et une partie de la classe politique semblent faire la sourde oreille...
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Alors que de nombreux activistes américains tentent actuellement de couper les subventions allouées au planning familial, au Pérou, la situation est encore plus critique. Dans ce pays d'Amérique latine où le poids de la religion catholique est encore très important, seul l'avortement thérapeutique est autorisé (en cas de danger pour la vie de la mère).

Mais aujourd'hui, le combat des activistes féministes concerne la possibilité d'avorter en cas de viol. Si elles savent que la dépénalisation pure et simple de l'avortement n'est pour l'instant pas envisageable (89% de la population serait contre), elles tentent néanmoins de faire en sorte que les femmes victimes de viol puissent y avoir recours. Et ce, malgré l'opposition des Péruviens à cette mesure ; d'après une étude Ipsos publiée en juillet 2015 seulement 48% des Péruviens y sont favorables.

Le 12 août dernier, des centaines de militantes sont descendues dans la rue pour crier leur colère. Sur place, un reporter des Inrocks rapporte les phrases chocs brandies sur les pancartes des manifestants : "Mon père m'a violée à 12 ans, je ne veux pas devenir la mère de mon frère".

Mais malgré les supplications pacifiques des activistes, la police a tout fait pour étouffer le débat et disperser la foule à l'aide de gaz lacrymogène, de lances à eau et même de coups de matraques.

L'influence de l'Église

Près de la moitié de la population serait pourtant désormais favorable à la légalisation de l'avortement en cas de viol. La très populaire femme du président, Nadine Heredia, s'est même affichée sur les réseaux sociaux avec ses deux petites filles pour faire entendre son opinion sur la question.

Alors pourquoi le pays recule-t-il pour adopter cette mesure ?

Pour Caroline Weill, activiste du collectif Genre Rebelle (Género Rebelde), la grande influence de l'Église catholique joue beaucoup, comme elle l'explique à la journaliste des Inrocks Amanda Chaparro : "Il existe un lobby religieux au sein du gouvernement. Comment se fait-il que dans un pays laïc, des religieux soient convoqués au Congrès pour s'exprimer sur la question de la légalisation de l'avortement ?"

Très combative sur la question, l'Église a en effet publié un communiqué officiel pour exhorter le gouvernement à interdire l'avortement même en cas de viol :

"Soumettre une mère à l'avortement en cas de viol, c'est soumettre la femme à un double traumatisme ou dommage physique, psychologique et spirituel : le viol et l'avortement. Ce dernier, c'est démontré, laisse en la femme des marques et des blessures profondes très difficiles à effacer, connues sous le nom de syndrome post-avortement. Les cas exemplaires de femmes violées et enceintes, qui sagement et vaillamment ont choisi de protéger la vie de leur enfant, témoigne de ce que cette décision est celle qui réellement triomphe du viol, puisque c'est le choix du bien par-dessus le mal, le triomphe de l'amour sur la violence."