Cette gynécologue transexuelle redonne espoir aux victimes de l'excision

Publié le Mardi 21 Juillet 2015
Antoine Lagadec
Par Antoine Lagadec Journaliste
Malgré plus de 140 millions de femmes concernées dans 29 pays du monde, les mutilations génitales féminines restent l'un des problèmes les plus négligés en matière de droits des femmes. Pour donner un espoir aux victimes d'excision, le docteur Marci Bowers pratique la chirurgie réparatrice. Une façon pour ses patientes de retrouver une part de leur identité.
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A 57 ans, Marci Bowers fait partie de ces médecins qui ont choisi de ne pas se fier à leurs pairs pour trouver la meilleure façon d'être utiles. Spécialisée en chirurgie transgenre, cette gynécologue-obstétricienne de formation vient en aide aux femmes qui ont été victimes de mutilations génitales féminines (MGF). Ses opérations, qui visent à reconstruire les organes génitaux externes en partie ou totalement mutilés, sont peu répandues et même souvent négligées dans le monde médical.

"Je crois qu'il y a historiquement une attitude dédaigneuse", juge sur le site Mic le docteur Bowers, elle-même transgenre, à l'égard de sa pratique. Une négligence de son propre milieu que la spécialiste explique par une différence d'appréciation entre le plaisir masculin et féminin : "Si le plaisir masculin est important, son pendant féminin est lui largement secondaire", estime Marci Bowers qui se souvient avoir été plusieurs fois dissuadée de poursuivre dans cette voie.

Un "hôpital du plaisir" pour en finir avec les mutilations

Malgré cette résistance, la gynécologue américaine a décidé de persévérer, voyant dans ses compétences le moyen de lutter contre la pratique des mutilations génitales. Lorsque l'opportunité s'est présentée de se former à la procédure médicale grâce à l'organisation Clitoraid, la médecin a sauté sur l'occasion. Ablation du clitoris et des lèvres, suture de ces dernières... Les tortures subies par ces femmes dans des pays comme l'Egypte, le Mali, l'Ethiopie ou la Somalie, peuvent être corrigées grâce à la chirurgie réparatrice.

Celle qui exerçait auparavant à San Mateo en Californie s'est alors alliée à Clitoraid pour ouvrir le fameux "hôpital du plaisir", une clinique dédiée à la reconstruction du précieux organe dans le village de Bobo, au Burkina Faso. En mars 2014, Marci Bowers a pratiqué plusieurs opérations sur place et formé des médecins locaux à sa pratique, de manière à poursuivre le travail après son départ. Au total, la spécialiste estime avoir pratiqué 130 opérations réparatrices, pour lesquelles elle n'a jamais fait payer quoi que ce soit.

Une opération pour retrouver son identité

"Ce n'est pas vraiment complexe, c'est une opération d'une heure environ", affirme Marci Bowers qui tient lutte avec acharnement contre les préjugés liés aux MGF. Parmi ces derniers, l'affirmation selon laquelle l'ablation du clitoris rend impossible toute réparation. "Contraitement à ce que dit la fiche explicative de l'Organisation Mondiale de la Santé, Bowers maintient que ce n'est pas le cas", explique Mic. "Il y a toujours une grande partie du corps du clitoris qui subsiste", affirme la médecin. "Si vous retirez l'intégralité du clitoris, la patiente meurt en se vidant de son sang".

Au-delà des préjugés, les raisons qui conduisent les victimes de MGF à recourir à ce type d'opération font, elles aussi l'objet, de mauvaises interprétations. Retrouver le plaisir sexuel n'est en effet pas la raison principale qui motive les femmes faisant appel aux services de Marci Bowers. Bien plus que cela, il s'agit surtout de retrouver une part de son identité. "80% des femmes qui demandent une chirurgie réparatrice ne le font pas pour des motifs sexuels. Mais parce qu'elles sentent que leur identité leur a été volée", explique la chirurgien, qui précise que l'opération peut intervenir à tout âge, peu importe le délai qui sépare la mutilation de la réparation.

Si le travail de Marci Bowers et ses collègues ne suffira pas à faire des MGF un mauvais souvenir pour des millions de femmes, son engagement constitue un point de départ vers une reconstruction après ce que beaucoup, hommes comme femmes, dénoncent comme une pratique barbare et un traumatisme.