Chine : ces 13 millions de cadets privés d'existence

Publié le Vendredi 06 Novembre 2015
Adèle Bréau
Par Adèle Bréau Ex-directrice de Terrafemina
Ex-directrice de Terrafemina, je suis aussi auteure chez J.-C. Lattès, twitta frénétique, télévore, bouquinophile et mère happy mais souvent en galère.
Les enfants invisibles de Chine
Les enfants invisibles de Chine
En voyage en Chine pour couvrir le déplacement de François Hollande, Le Petit journal de Canal + est allé à la rencontre de Li Xiu, une enfant née malgré l'interdiction faite aux famille d'avoir plus d'un bébé. Elle a raconté le calvaire de ces invisibles privés d'éducation et de vie.
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Il y a quelques jours, le gouvernement chinois a confirmé l'autorisation nouvelle faite aux familles d'avoir un second enfant. Une révolution dans un pays de 1,3 milliards d'habitants soumis à la politique de l'enfant unique depuis 1979.

En déplacement cette semaine au pays de Xi Jinping, le président François Hollande n'a a priori pas abordé avec son homologue cette question cruciale que Le Petit Journal, également sur place, a pour sa part traité dans son édition du 3 novembre. En effet, Hugo Clément est allé à la rencontre de Li Xue, second enfant née il y a 22 ans malgré l'interdiction du gouvernement.

Les cadets illégitimes, des fantômes en marge de la société

"Je n'ai aucune existence administrative", explique ainsi la jeune Chinoise, confinée depuis deux décennies chez elle, avec sa mère, sans pouvoir vivre comme les autres enfants. Car interdiction oblige, sans le "houkou", ce sésame donné aux enfants uniques, Li Xue n'a aucun droit. Privée d'école, elle n'a ainsi pu suivre aucune scolarité alors que ses petits camarades empruntaient la route du savoir. Egalement interdicte de vaccin, d'hôpital, de médicaments, et sans aucune preuve de son identité puisque sans papier, Li Xue ne peut aujourd'hui même pas emprunter un livre à la bibliothèque. Véritable fantôme dans un pays où grouillent aujourd'hui bien plus de jeunes hommes que de femmes (enfant unique oblige, les mères avortaient le plus souvent de leurs fillettes pour accoucher d'un garçon), cette "enfant noire", comme on appelle ces cadets illégitimes, attend toujours de pouvoir commencer à vivre.

En larmes, sa mère explique qu'elle "donnerait [sa] vie pour avoir le houkou de [sa] fille". Car si on estime à 55% le nombre de chinoises ayant avorté au moins une fois, celle-ci, trop faible lorsqu'elle est tombée enceinte de sa cadette, a choisi de la garder, violant ainsi la loi de son pays. Loin d'être isolée, la non-vie de Li Xue concernerait, selon les estimations, près de 13 millions de heihaizi (ou "enfant né en trop"), soit l'équivalent de la population du Portugal. 13 millions de jeunes hommes et femmes en attente d'une vie normale.