Dépression saisonnière estivale : quand l'été angoisse

Publié le Jeudi 30 Juillet 2015
Adèle Bréau
Par Adèle Bréau Ex-directrice de Terrafemina
Ex-directrice de Terrafemina, je suis aussi auteure chez J.-C. Lattès, twitta frénétique, télévore, bouquinophile et mère happy mais souvent en galère.
Comment lutter contre la dépression estivale ?
Comment lutter contre la dépression estivale ?
Il fait beau, le soleil brille, et tout le monde exulte autour de vous, ivre de bonheur à l'idée des congés qui approchent et du rythme qui ralentit. Tout le monde ? Sauf vous... pensez-vous. Car oui, l'été peut angoisser, et les symptômes qui accompagnent ce phénomène portent un nom : la dépression saisonnière estivale. Interview d'Amélia Lobbé, psychologue et auteure.
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Les jours rallongent, les fortes chaleurs s'installent, le rythme au bureau ralentit, les congés approchent, et avec eux la surcharge de travail liée aux absences des autres, les clichés de bonheur instagramés se multiplient sur votre mur Facebook et, alors que votre entourage et la société dans son ensemble semble considérer que vous devriez, vous aussi, exulter, c'est tout le contraire qui se produit. Rassurez-vous : si la dépression saisonnière hivernale est bien connue de tous, et donc acceptée, celle qui touche les anxieux de l'été a été isolée par l'université de médecine de Georgetown et touche bien plus de sujets honteux de gâcher la liesse ambiante que vous ne pourriez le penser. Symptômes et traitements : nous avons interrogé Amélia Lobbé, psychologue à Paris et auteure*.

On parle de plus en plus de la dépression estivale. Aviez-vous déjà identifié ce phénomène lors de consultations ?

La "dépression saisonnière estivale" n'est pas si rare en effet. Tout le monde ne se réjouit pas de voir les beaux jours arriver, les températures augmenter, et les journées s'allonger.

Quels sont les symptômes de cette dépression ? Sont-ils similaires à ceux de la bien connue dépression hivernale ?

La dépression saisonnière estivale est caractérisée principalement par l'anxiété, l'agitation et l'insomnie, alors que la dépression saisonnière hivernale est plutôt caractérisée par l'apathie et l'hypersomnie. Les personnes qui connaissent un épisode dépressif pendant la période estivale présentent également des symptômes tels qu'une perte d'appétit entraînant une perte de poids, de la fatigue chronique, de l'irritabilité, une difficulté à se concentrer et une perte d'intérêt pour ce qui les intéressait auparavant.

Les causes sont-elles physiologiques (chaleur, journées longues...) ou davantage psychologiques (engouement ambiant pour les vacances et les rapprochements familiaux et amicaux) ?

Les facteurs de la dépression saisonnière estivale sont multiples. La dépression saisonnière estivale touche apparemment davantage les femmes que les hommes, probablement à cause d'une sensibilité hormonale. Les autres principales causes physiologiques seraient la température et la longueur des jours. Certaines personnes ne supportent pas les grosses chaleurs et sont très incommodées lorsque la température dépasse 25 degrés. En ville, le phénomène est amplifié à cause de la pollution. Les personnes qui transpirent abondamment sont très mal à l'aise au quotidien et cela peut être un vrai problème. Les personnes très sensibles à la chaleur ont alors tendance à rester enfermées et isolées le plus possible afin de fuir le soleil et les températures élevées. De plus, le soleil qui se lève très tôt et qui se couche tard peut provoquer des insomnies et un raccourcissement du temps de sommeil. L'enfermement, la sédentarité et le manque de sommeil sont particulièrement propices à la survenue de l'état dépressif. Les personnes souffrant d'allergies au pollen sont, elles aussi, particulièrement incommodées pendant l'été. Quant aux personnes qui sont déjà sous antidépresseurs, elles supportent parfois très mal l'exposition au soleil qui peut provoquer de l'anxiété.

On peut invoquer d'autres causes. La perspective de voir son rythme de vie modifié en été peut entraîner de l'anxiété chez les personnes qui apprécient leur travail, leur routine quotidienne habituelle et qui ont besoin de stabilité et de repères. En effet, en été il faut organiser les vacances, les congés d'été entrainent parfois une surcharge de travail pour les collègues qui restent ou bien la baisse de l'activité entraîne un " bore out " (un ennui profond au travail), il faut préparer les valises, occuper les enfants, les magasins fréquentés habituellement sont fermés, la vie culturelle est moins dense et le rythme de vie change, sans parler du coût des vacances qui creuse le compte en banque. De plus, les personnes un peu complexées par leur corps n'apprécient pas forcément de devoir porter des tenues légères à cause de la chaleur. D'autres personnes souffrent de ne pas pouvoir partir en vacances et de devoir rester enfermé tout l'été.

Est-ce à dire que les dépressifs estivaux voient leur moral remonter à l'arrivée de l'hiver ?

La rentrée est plutôt envisagée comme une libération de l'été et de ses contraintes ! En septembre les températures rafraîchissent et les jours commencent à raccourcir. La rentrée est aussi synonyme de reprise de l'activité professionnelle habituelle, de rentrée des classes, de rentrée culturelle, de réouverture des clubs de sports. Les proches et les amis rentrent de vacances. La vie reprend son cours habituel. C'est presque une renaissance pour les personnes qui ne se sentent pas bien en été, ou pour ceux qui n'apprécient pas spécialement l'été.

Comment lutter efficacement contre ce blues de l'été ?

Il ne faut pas hésiter à mettre en place un programme anti-dépression dès l'arrivée de l'été :
- Installer des stores ou des rideaux occultants à ses fenêtres afin de prolonger le temps de sommeil et s'équiper d'un ventilateur.
- Se coucher à des heures régulières. Le manque de sommeil favorise la survenue du stress, de l'anxiété et de la dépression.
- Trouver des stratégies afin d'éviter la foule aux heures les plus chaudes : décaler ses horaires dans la mesure du possible, partir plus tôt le matin par exemple et essayer de rentrer un peu plus tôt le soir, quand cela est possible, et faire ses courses avant 11h ou après 18h.
- Se rafraichir le plus souvent possible (brumisateur, douches fraîches, bains de pieds...).
- Ne pas s'embarrasser de contraintes évitables et apprendre à dire non. Se sentir "obligé" ou débordé favorise le stress, l'anxiété et la dépression.
- Organiser l'été à l'avance, de façon à se sentir moins stressé.
- Partir en vacances dans un endroit tempéré, voire frais.
- S'efforcer à pratiquer une activité physique dans un lieu climatisé ou aller à la piscine. Le sport permet de tenir la dépression à distance.
- Faire des activités qui vous font plaisir. L'été ne devrait pas être qu'une source de contrariétés et de désoeuvrement.
- Faire attention à son alimentation (le magnésium, les omégas 3, le tryptophane et la vitamine D sont de précieux alliés dans la lutte contre le stress, l'anxiété et la dépression), mais ce n'est pas le moment de se lancer dans un régime trop restrictif.
- Se répéter que cette perte de repères est temporaire et que l'été peut constituer un moment de repos et de récupération.
- Cesser de se sentir "différent". Vous avez le droit de ne pas apprécier l'été et de préférer la fraicheur ! Il faut juste faire en sorte que cette saison ne soit pas trop difficile à vivre pour vous.

Enfin, il ne faut pas hésiter à demander de l'aide. Pourquoi se résigner à souffrir pendant 2 ou 3 mois alors que quelques de soutien psychologique permettent de s'épancher, de mettre un nom sur ses angoisses et éventuellement de trouver des solutions. Des symptômes de dépression ne doivent pas être pris à la légère, il ne faut pas hésiter à en parler à son médecin traitant.

* de L'Estime de soi, c'est malin et Vaincre l'anxiété et les crises d'angoisse , publiés aux éditions Leduc

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