Enceinte dans les transports en commun : chronique d'une galère quotidienne

Publié le Mardi 25 Octobre 2016
Etre enceinte en transport en commun : l'enfer
Etre enceinte en transport en commun : l'enfer
Stéphanie est enceinte. Et tous les matins, elle doit se rendre au boulot en transports en commun. Elle raconte son épopée (avec une pointe de lassitude).
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Hé les filles, vous ne devinerez JA-MAIS ce qu'il m'arrive ?! Oui oui oui ! Je suis EN-CEINTE ! Le bonheur quoi ! Alors c'est vrai, j'ai mal partout. Ok, je me tape des insomnies. Certes, la moindre anomalie me met dans un état de stress pas possible. Mais je suis tellement heureuse que rien ne pourra entacher la joie que j'ai de porter la vie encore une fois.

Rien... ou presque.

Parce que au-delà de tous les maux physiques courants d'une grossesse (que l'on peut soulager pour certains), il demeure un problème non négligeable (et auquel je n'ai trouvé aucun remède) : l'être humain !

Chaque matin et chaque soir, c'est en transport en commun que je me rends au boulot.

Chaque matin et chaque soir, je me dis qu'il faudra que j'investisse dans du maquillage waterproof pour que je puisse me rendre en larmes au boulot.

Mais de quoi elle nous parle celle-là depuis tout à l'heure ? Du comportement des gens dans les transports pardi ! Allez, c'est cadeau, je vous détaille une journée-type !

8h pétantes, j'arrive essoufflée sur le quai de la gare. Essoufflée ? Va falloir y aller doucement sur les pizzas ma cocotte ! Mais non ! Essoufflée car les escalators sont toujours en panne et grimper 300 marches (j'en rajoute peut-être quelques centaines) devient difficile.
Le quai est bondé. Normal, c'est l'heure de pointe !

J'ai l'étrange sensation que tous les regards sont tournés vers moi... Quoi ? Il me reste du ketchup sur le pull ? Ah non, c'est mon ventre proéminent qui semble attirer irrésistiblement tous ces yeux. Une femme enceinte... Whaouh ! C'est si beau ! Pourtant, ce ne sont pas des regards bienveillants que j'observe, mais plutôt une sorte de colère non dissimulée de me voir là, à occuper tant d'espace, LEUR espace à vrai dire. Elle peut pas rester chez elle à bouffer ses chips la grosse ?! Encore une reloue à qui on va devoir laisser la place.

Les quelques sièges du quai sont déjà occupés, et je n'ose pas demander à m'asseoir malgré mes vertiges. La dernière fois que je me suis permise de demander la place, je me suis faite engueulée car : "Mais moi aussi je suis fatiguée, ma chère ! Vous pensez avoir tous les droits car on vous a mise dans cet état ?!."

Il était huit heures. J'étais fatiguée. J'ai eu honte. Elle m'a regardée. Je l'ai regardée. Tout le monde m'a regardée. Bref, je suis enceinte.

Le train est censé arriver dans 10 minutes. Mais vous savez ce que c'est. Mettez une pincée d'heure de pointe. Ajoutez-y deux cuillères à soupe de RER B. Mélangez en incorporant doucement des problèmes de signalisation. Incluez une bonne dose de monde. Attention, ne pas mettre d'agents des transports dans cette recette ! Dégustez (froid) les 20 minutes de retard de votre train.

L'enfer du métro le matin
L'enfer du métro le matin

Lorsqu'il est enfin là, je me place devant l'une des portes automatiques, suffisamment sur le côté pour ne pas gêner la descente des passagers (et accessoirement pour ne pas trop me faire bousculer).

Je suis la seule à me donner cette peine. Les voyageurs voulant monter dans la rame blindée de monde ne laissent même pas ceux qui veulent en descendre circuler.
Dans cette cohue générale, je me prends des coups et me fais secouer de droite à gauche. Je protège mon ventre comme je peux, et quand j'en ai l'occasion, je tente tant bien que mal de m'introduire à mon tour dans le wagon.

Finalement, je suis dedans. Toutes les places libres ont été prises d'assaut. Les gens ont un réflexe étrange lorsqu'ils me voient monter dans le train. Ils se mettent à courir pour aller s'asseoir sur LA place qu'ils ont vue. Femmes enceintes et SNCF, dénicheurs des futurs coureurs olympiques !

Mais le plus étrange, c'est cette impression d'être la personne la plus soporifique de la rame. Il suffit que les yeux d'un voyageur assis croisent mon ventre pour qu'instantanément, il plonge dans un sommeil comateux. S'il ne s'endort pas en me voyant, alors il a une envie irrépressible de regarder son portable et de ne plus jamais lever la tête jusqu'à ce qu'il descende du train.

Il y a tellement de monde que je ne peux même pas m'avancer vers les sièges, je suis collée à d'autres personnes, et avec la chaleur humaine, une scie ne suffirait pas à nous décoller les uns des autres. A chaque station, j'ai l'impression de mourir davantage. On me pousse, on me tire, on m'écrase, je suis ballottée d'un côté à l'autre sans ménagement.
Mais je tiens. Je survis en fait. Je suis au bord du malaise, mais j'ai peur de m'effondrer et que l'on me piétine.

Se sentir comme une tortue sur le dos...
Se sentir comme une tortue sur le dos...

Au bout de trente minutes de trajet debout (car personne ne m'a finalement proposée de place), le train se vide nettement. Personne ne peut feindre de ne pas m'avoir vue, et pourtant, tous ceux qui ont la chance d'être assis continuent cet intolérable cinéma.

Alors à mon tour, et pour passer le temps des dix dernières minutes de transport, je décide de jouer. Je m'avance vers deux jeunes complètement avachis sur leurs sièges (Bah quoi ? Avoir 18 ans c'est trop méga fucking fatigant !) et les frôle de façon imperceptible-mais-perceptible-quand-même de mon ventre. Je les vois rougir et ne plus savoir où regarder (pourtant ils ont évité mon regard tout le trajet, alors ils devraient avoir de l'expérience en la matière maintenant !).

Enfin, le train s'arrête à ma station (dois-je préciser que c'est brusquement et que je manque de peu de m'étaler de tout mon long ?). Il est 9h45 et je suis complètement à la ramasse. Je m'extirpe difficilement du train et cours sur le quai pour arriver au plus vite. Les escalators sont ici aussi en panne (SNCF, sponsor officiel de "Pour votre santé, bougez plus !"), et c'est à pied que je vais devoir monter les 2 000 marches (oui, avec la fatigue, mon décompte est encore plus biaisé).

J'ai l'impression d'avoir déjà tout donné pour la journée, et pourtant elle ne fait que commencer. C'est parti pour plusieurs heures de remarques désobligeantes sur la taille de mon ventre et autres idioties de mes collègues.

Le pire, c'est que l'histoire va se répéter demain. Mais pire encore, elle va d'abord se répéter ce soir...

Retrouvez Stéphanie sur son blog Rafale de Mots.