Endométriose : Julie Saint-Clair, 18 ans, raconte son combat quotidien contre la maladie

Publié le Lundi 05 Mars 2018
Léa Drouelle
Par Léa Drouelle Journaliste
Endométriose : une maladie qui touche 1 femme sur 10
Endométriose : une maladie qui touche 1 femme sur 10
L'endométriose touche une femme sur dix en âge de procréer. Certaines la traversent sans entrave, tandis que d'autres vivent un enfer au quotidien. C'est le cas de Julie Saint-Clair, 18 ans, qui souffre de douleurs permanentes depuis plus de 4 ans. Dans son ouvrage "Comment s'épanouir malgré une endométriose", la jeune femme dévoile ses méthodes pour mieux vivre avec la maladie.
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Ce lundi 5 mars marque le coup d'envoi de la 14e semaine européenne de prévention et d'information sur l'endométriose. Pendant six jours, les associations et professionnels de santé aborderont une maladie encore méconnue qui touche pourtant 180 millions de femmes dans le monde et 3 millions de femmes en France, soit environ 1 sur 10. Pour l'occasion, l'association Info-Endométriose a dévoilé ce lundi la première campagne nationale de sensibilisation à cette maladie gynécologique dans un clip réalisé par la blogueuse Elsa Muse et porté par la voix de Julie Gayet.

L'endométriose est une maladie de l'endomètre, tissu qui recouvre l'utérus. Cause d'infertilité chez 30% à 40% des patientes, cette maladie se manifeste le plus souvent par des douleurs pelviennes, particulièrement intenses au moment des règles, indique l'Inserm. Mais toutes les femmes ne sont pas égales face à l'endométriose. Si la pathologie peut s'avérer asymptomatique pour certaines, d'autres souffrent en revanche de douleurs quotidiennes qui peuvent parfois se révéler très handicapantes. C'est le cas de Julie Saint-Clair, diagnostiquée d'une endométriose à l'âge de 16 ans. La jeune femme de 18 ans qui suit actuellement une prépa d'école de commerce à Versailles raconte son combat quotidien contre la maladie dans son ouvrage Comment s'épanouir malgré une endométriose, paru récemment aux Éditions Josette Lyon. Rencontre.

Comment en êtes-vous arrivée à écrire un livre sur votre expérience de l'endométriose ?

Julie Saint-Clair : Un jour, je révisais le bac dans un parc. J'étais avec ma mère, qui discutait de mon endométriose avec l'une de ses amies. Une femme a entendu notre conversation et s'est approchée de moi pour me confier qu'elle aussi avait une endométriose. Pendant la discussion, je lui ai parlé de ma volonté d'écrire un livre à ce sujet. Le soir, j'ai reçu un email de sa part dans lequel elle m'encourageait à poursuivre mon projet. Cela m'a motivé pour continuer. Je voulais montrer à toutes les femmes qui souffrent de la maladie qu'on peut s'en sortir. Mon message se veut encourageant, tout comme le titre mon ouvrage. Avant de l'écrire, j'avais regardé un peu les livres traitant de l'endométriose et certains titres m'avaient fait un peu peur. Je me souviens par exemple de l'un d'entre eux qui s'appelait 'le long calvaire d'une endogirl'... J'ai donc voulu rester positive, je ne voulais pas effrayer.

Dans votre ouvrage, vous citez les (très) nombreuses méthodes qui vous aident au quotidien malgré la maladie : écriture, méditation, sport, ostéopathie... Comment êtes-vous arrivée à élaborer un tel programme ?

J'ai commencé par l'ostéopathie car c'est ce qu'on m'a conseillé au centre antidouleur dans lequel j'ai été prise en charge. Pour la méditation, je me suis formée grâce à un livre conseillé par un spécialiste. Quand j'ai commencé à vraiment trop souffrir, j'ai décidé de m'y mettre sérieusement. En parallèle, j'avais commencé à pratiquer l'auto-hypnose, ce qui je pense m'a permis de réussir à faire mes 50 minutes de méditation par jour. Le centre antidouleur m'a beaucoup aidé à trouver des alternatives aux médicaments, dont les effets secondaires sont parfois si forts qu'ils peuvent vous gâcher une journée.

Quant au sport et à l'écriture, ces solutions me sont apparues naturellement : je tiens un journal intime depuis l'âge de 6 ans et j'ai toujours été sportive. Avec l'endométriose, les tissus se rigidifient. On m'a donc conseillé de ne jamais arrêter le sport, car c'est très difficile de s'y remettre. J'ai donc continué. Le sport me permet d'ailleurs de m'évader et d'oublier mes douleurs.

Vous commencez votre récit au moment où vos douleurs étaient insupportables jusqu'à aujourd'hui, où vous êtes finalement parvenue à apprendre à vivre avec. Qu'est-ce qui vous a fait comprendre que vous alliez vous en sortir ?

Dans mes pires jours, je ne pouvais plus rien faire, même pas me lever. J'ai donc commencé à en avoir extrêmement marre de vivre avec une endométriose et d'être réduite à cette maladie et à la douleur. J'étais en colère, je me sentais impuissante. À un moment, je me suis imaginée dans la même situation dix ans plus tard. Et là je me suis dit, 'ce n'est pas possible', il faut faire quelque chose. Accepter la maladie est le premier pas. Ensuite, on peut mettre en place des processus qui vont nous permettre de vivre avec au jour le jour.

À quoi ressemble l'une de vos journées ?

Je me lève à 6h du matin et je commence par méditer pendant 35 minutes. Ensuite, je fais des "Morning Pages", un concept inventé par l'artiste Julia Cameron qui se base sur l'exercice de l'écriture automatique. On note tout ce qui nous passe par la tête et on se vide l'esprit de tout ce qu'on a stocké pendant la nuit. Cela permet de commencer la journée sur une note plus légère, mais aussi de se donner du courage. Ensuite, je bois un smoothie, je fais des exercices de respiration et je pars en cours. Le midi, je recommence la respiration. Quand je rentre, je fais du fitness ou je vais marcher pendant 45 minutes. Le soir, je dîne, puis je médite sur ma journée passée avant de me coucher, le plus souvent aux alentours de 21h30. Le week-end, je me laisse un peu de temps pour me reposer et pour mes loisirs.

"Comment s'épanouir malgré une endométriose", Julie Saint-Clair Éditions Josette Lyon
"Comment s'épanouir malgré une endométriose", Julie Saint-Clair Éditions Josette Lyon

Dans votre livre, vous consacrez un chapitre au voyage. Justement, vous vous apprêtez à vous envoler pour le Mexique. Redoutez-vous le trajet ?

Au bout de 3h d'avion, je commence à me sentir vraiment mal. Il y a quelques années, j'avais fait un voyage pour les Bahamas, 11h de vol, et j'avais fait un malaise. Pour le Mexique, c'est un vol de 12h. Dans ces cas-là, je fais au mieux. J'emporte des somnifères à base de plantes, j'essaie de dormir un maximum. Je traverse tout l'avion à plusieurs reprises, histoire de ne pas rester assise trop longtemps. La méditation m'aide à soulager mes ballonnements au niveau du ventre. Je bois beaucoup d'eau, et j'emporte de quoi grignoter. Les plateaux-repas que l'on nous sert dans l'avion ne sont pas toujours très appétissants !

Que conseillez-vous aux autres femmes atteintes d'endométriose pour mieux vivre au quotidien ?

Que rien n'est permanent. S'épanouir malgré une endométriose est avant tout un état d'esprit. Il faut réussir à avoir des pensées positives, même quand ça fait très mal. Y aller en douceur aussi. L'endométriose est une maladie qui nuit à notre énergie. On se blinde en permanence, on dit que ça va, mais au final, on s'endurcit. Ce n'est pas facile, mais il ne faut surtout pas s'en vouloir. Il faut se montrer douce envers soi-même en se rappelant que ce que nous vivons n'est pas de notre faute.

L'actrice Lena Duhman, elle aussi atteinte d'endométriose, s'est récemment fait retirer l'utérus. Avez-vous un jour envisagé cette solution ?

L'ablation de l'utérus est effectivement l'une des alternatives contre l'endométriose. Mais j'ai refusé. Quand j'ai été diagnostiquée on me disait : "Pourquoi tu ne fais pas retirer l'utérus ? De toute façon, tu ne veux pas d'enfants pour l'instant !". Ces remarques sont dures à entendre quand vous avez seulement 18 ans. Après, il y a des femmes pour qui la douleur est tellement insupportable qu'elles ne peuvent plus marcher, ni se lever. J'ai rencontré l'une d'entre elles qui était au chômage depuis 4 ans. Elle suivait un CAP coiffure mais ne pouvait pas tenir debout. Dans ce cas de figure, je comprends parfaitement qu'on ait recours à cette solution. Les discours comme quoi cela représente une atteinte à la féminité n'ont pas lieu d'être. Seules les femme qui ressentent ces douleurs au quotidien peuvent émettre un avis à ce propos, car ce sont les seules à pouvoir le comprendre.

Vous avez également créé la page Facebook "Endoensemble". Quelle est son utilité ? Prévoyez-vous de la faire évoluer ?

Mon objectif avec cette page est de recenser toutes les infos que je trouve sur le web qui se révèlent utiles pour celles qui souffrent d'endométriose. Le but est aussi que chacune puisse y partager son expérience. Pour l'instant, il est difficile de faire évoluer la page entre ma prépa, mon nouveau traitement et toutes mes activités quotidiennes. J'ai d'ailleurs commencé à écrire un deuxième livre qui cette fois abordera vraiment mon endométriose au quotidien. Toutes les méthodes que j'évoque dans mon premier bouquin ont été testées dans des conditions idéales : j'étais en vacances donc j'avais le temps, c'était en été, donc il faisait chaud.

Aujourd'hui, les conditions ne sont plus aussi faciles, ma prépa me demande une quantité de travail beaucoup plus importante. Je n'ai pas non plus abordé mes pics de douleurs, dont l'intensité est parfois similaire aux contractions que l'on ressent juste avant un accouchement. L'alimentation est aussi un critère très important pour mieux vivre avec une endométriose. C'est un thème que j'aborde déjà, mais que je souhaiterais approfondir dans mon prochain livre qui, j'espère, sera terminé fin juillet.

"Comment s'épanouir malgré une endométriose", Julie Saint-Clair. Éditions Josette Lyon. 17 euros.