Ce pasteur kenyan anti-excision défend la "divinité du clitoris"

Publié le Lundi 18 Juin 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Une exciseuse kényane montre le rasoir avec lequel elle mutile les femmes
Une exciseuse kényane montre le rasoir avec lequel elle mutile les femmes
Un excentrique pasteur kenyan de 77 ans lutte contre l'excision au Kenya à sa manière en défendant le clitoris comme étant une divinité et les "antennes de Dieu".
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Timothy Njoya est un pasteur à la retraite kenyan de 77 ans. Il aime discuter sur Twitter et partage toute sa vie sur le réseau social. On l'y voit jardiner, récolter son propre miel, tailler sa haie. Il est aussi très actif pour répondre aux questions posées par les gens qui le suivent.

Celui qui affirme travailler sur la masculinité tweete aussi des photos de la lessive qu'il vient fraîchement de faire ou du supermarché où il fait ses courses. Il se définit lui-même comme " househusband" (mari au foyer) par opposition à "housewife" (femme au foyer). Il souhaite ainsi déconstruire les stéréotypes entourant les tâches dites masculines ou féminines.

Le pasteur kenyan se distingue aussi parce qu'il lutte contre la mutilation qu'est l'excision. Il s'est ainsi présenté au tribunal de Machakos le 11 juin pour s'opposer à une doctoresse, Tatu Kamau, qui veut légaliser cette pratique. En janvier dernier, celle-ci a lancé une pétition contre l'interdiction de l'excision au Kenya. Tatu Kamau estime que même si l'ont doit protéger les petites filles, on doit laisser les femmes adultes le droit de décider d'être excisées, tout comme les hommes se font circoncire. Selon elle, "si les femmes peuvent décider de boire, de fumer, de rejoindre l'armée, les femmes peuvent faire toutes sortes de choses qui peuvent leur faire du mal ou leur causer des blessures... Une femme peut aussi prendre cette décision".

Elle pense que chaque société est libre de pratiquer sa culture "sans l'imposition impérialiste d'une autre culture qui a une série d'autres croyances et/ou de normes". Tatu Kamau ajoute : "La circoncision des femmes fait partie de notre héritage national et l'Histoire atteste du fait que les femmes de communautés qui circoncisent sont aussi fonctionnelles et productives que les femmes qui viennent de communautés qui ne la pratiquent pas". Un discours particulièrement néfaste qui peut ruiner les efforts de ceux et celles qui travaillent contre l'excision sur le terrain.


Alors pour contrer cette propagande, le pasteur Timothy Njoya a été entendu par le tribunal de Machakos le 11 juin dernier. Dans une vidéo publiée sur son compte et face à de nombreux médias kenyans, le pasteur a déclaré : "Nous sommes ici pour dire que le clitoris reste où Dieu l'a mis. C'est le corps des femmes. Le corps des femmes est la sagesse de Dieu. Ne mutilez pas la sagesse de Dieu. Le clitoris est les antennes de Dieu sur le monde". Il accompagnait des femmes maasaï et samburu se déclarant victimes d'excisions et voulant que leurs propre filles restent à l'école.

L'excentrique Timothy Njoya a été un opposant politique dans les années 1980 et 1990. Il est un militant pour l'égalité femmes-hommes de longue date. En 1999, il a fondé l'association Men for Equality of Men and Women (Les hommes pour l'égalité entre les hommes et les femmes). Il cite souvent l'histoire de sa mère Wandia qui a refusé l'excision en 1925. Il a également annoncé en août 2017 travailler à l'écriture d'un livre intitulé "la divinité du clitoris".


La loi contre l'excision est effective au Kenya depuis 2011 et tout·e contrevenante s'expose à une peine de trois à sept ans de prison et à 1700 euros d'amende. Même si ce procédé est interdit, il reste encore très pratiqué. Selon l'ONU, 21 % des Kenyanes de 15 à 49 ans seraient encore mutilées.