Harcèlement de rue, outrage sexiste : que dit le rapport remis au gouvernement ?

Publié le Jeudi 01 Mars 2018
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Harcèlement de rue, outrage sexiste : que dit le rapport remis au gouvernement ?
Harcèlement de rue, outrage sexiste : que dit le rapport remis au gouvernement ?
Commandé en septembre dernier par le gouvernement, le rapport parlementaire sur la verbalisation du harcèlement de rue a été remis mercredi 28 février à Marlène Schiappa. Que contient-il ? Quelles grandes mesures sont envisagées pour lutter contre l' "outrage sexiste" ? On fait le point.
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C'était l'une des promesses prises par la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes : verbaliser le harcèlement de rue que subissent en moyenne 3 millions de femmes chaque année en France.

En septembre dernier, la rédaction d'un rapport avant, en ce sens, été confiée à cinq parlementaires : Laëtitia Avia (LaREM), Élise Fajgeles (LaREM), Marietta Karamanli (Nouvelle Gauche), Erwan Balanant (Modem) et Sophie Auconie (Les Constructifs). Ensemble, ils ont auditionné institutions, expert.e.s et associations afin d'établir le cadre juridique de ce "délit d'outrage sexiste et sexuel" et ainsi d'en punir ses auteurs.

Remis mercredi 28 février à Marlène Schiappa, ainsi qu'au ministre de l'lntérieur Gérard Collomb,et à la ministre de la Justice Nicole Belloubet, ce rapport esquisse les grandes lignes du volet harcèlement de rue du projet de loi qui sera présenté en Conseil des ministre le 7 mars prochain.

Que contient-il ? On fait le point sur les principales préconisations du rapport que s'est procuré LCI.

"Outrage sexiste" et non "harcèlement de rue"

La première préconisation des parlementaires positionne le débat sur le champ sémantique. Constatant que l'appellation "harcèlement de rue" est "difficile à définir" et "de plus en plus floue", ils lui préfèrent le terme d'"outrage sexiste" afin d'éviter "toute confusion dommageable" avec le délit de harcèlement moral ou sexuel. Parler d'outrage sexiste permet en outre "d'éviter un risque potentiel de dégradation des plaintes actuelles pour harcèlement sexuel" et de sanctionner un "interdit social".

Ainsi, les parlementaires définissent l'outrage sexiste et sexuel comme "le fait d'imposer, dans l'espace public, à raison du sexe, de l'identité ou de l'orientation sexuelle réelle ou supposée de la personne ou d'un groupe de personnes, tout propos ou comportement ou pression à caractère sexiste ou sexuel qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit qui crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante".

Ils préfèrent enfin le terme "espace public" à celui de "rue", jugé trop restrictif.

Une amende de 90 euros

Comment punir l'outrage sexiste ? Pour les parlementaires, avoir un "comportement qui constitue une atteinte à la liberté de circulation des femmes dans les espaces publics et porte atteinte à l'estime de soi et au droit à la sécurité" doit être puni d'une amende de classe 4.

Celle-ci ne nécessite pas le dépôt d'une plainte et permet l'émission immédiate d'un procès verbal. Les harceleurs pris en flagrant délit devront donc s'acquitter d'une amende forfaitaire de 90 euros si elle est minorée (payée immédiatement), 200 euros si elle est payée sous quinze jours et 350 euros au-delà.

Invitée fin janvier sur LCI, Marlène Schiappa avait concédé trouver le montant de la contravention trop faible pour être dissuasif. Les associations luttant contre le harcèlement de rue comme Paye Ta Shnek ou Stop Harcèlement de Rue, elles, n'ont jamais caché leur scepticisme quant à l'efficacité d'une telle amende, qui nécessite que le harceleur soit pris par flagrance.

Miser sur l'éducation

Enseigner dès le plus jeune âge au respect des droits de chacun.e.s et sensibiliser à l'égalité entre les femmes et les hommes : c'est l'autre piste de réflexion développée par les auteurs du rapport.

"L'éducation reste la meilleure solution pour endiguer les discriminations et toutes les formes de harcèlement. Elle passe par la sensibilisation dès le plus jeune âge des valeurs d'égalité et de respect mutuel entre les filles et les garçons ", expliquent les parlementaires, qui préconisent la création d'une " attestation scolaire de prévention des violences et de l'égalité filles-garçons délivrée au collège et obligatoire pour la convocation à la Journée Défense et Citoyenneté."

Il faut aussi, selon eux, sensibiliser à l'égalité les auteurs d'outrage sexuel et sexiste. Pour cela, les hommes pris en flagrant délit de harcèlement pourraient, en plus du paiement d'une amende, se plier à un stage "dont l'objectif est de faire prendre conscience (...) de leurs comportements sexistes, incivils et de leurs effets sur les personnes qui en sont victimes."

Sensibiliser le public

Dernière recommandation émise par les auteurs du rapport : faire connaître au public ce nouveau délit que constitue l'outrage sexiste et sexuel en rappelant "la nature de la nouvelle infrastructure et la peine encourue".

Pourrait ainsi bientôt être inscrit dans les espaces publics comme les rues ou les transports en commun : "Cette rue (ou autre) est un espace public. Il est interdit d'y imposer, à raison du sexe, de l'identité ou l'orientation sexuelle supposée ou réelle d'une personne, tout propos ou comportement ou pression à connotation sexiste ou sexuelle qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit qui crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Tout comportement contraire sera puni d'une amende de 200 euros."

À l'image de "Stop ça suffit", la campagne d'affichage de 2015 contre le harcèlement dans les transports en commun, des panneaux informatifs pourraient être déployés. Il est aussi question de la diffusion d'annonces sonores à l'image de celles mettant en garde contre la présence de pickpockets.

À ce sujet, la région Île-de-France présentera la semaine prochaine sa vaste campagne contre le harcèlement dans les transports en commun. Elle visera, selon le communiqué de presse, à rappeler aux franciliens "les bons réflexes à adopter", notamment lorsqu'ils sont témoins de ces agressions, "et les mesures concrètes mises en place en réponse à ces violences".