Le "mobbing" : quand un salarié devient la tête de turc de son équipe

Publié le Jeudi 08 Février 2018
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
"Mobbing" : quand un salarié devient la tête de turc de son équipe
"Mobbing" : quand un salarié devient la tête de turc de son équipe
De plus en plus répandu dans les entreprises, le phénomène du "mobbing" consiste à prendre pour cible un employé et à l'isoler de l'équipe de travail jusqu'il démissionne. Dans le département de la Vienne, une entreprise vient pour la première fois d'être condamnée pour cette forme particulière de harcèlement moral.
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À bien y regarder, le "mobbing" a beaucoup de choses en commun avec le harcèlement scolaire. Généralement initié par des collègues exerçant une position d'autorité, il consiste à cibler un employé en particulier et à tout faire pour le pousser à partir. Parce qu'il est considéré comme un "intrus" au sein de l'équipe de travail, tous les moyens sont bons de la part des "mobbeurs" pour faire de ses journées de travail un enfer. On lui donne des tâches impossibles à réaliser en temps ou en heure, on le dénigre en privé et en public, on se moque de lui, on le menace, on arrête de le convier à des réunions ou de le tenir informé des avancées de projets sur lesquels il a pourtant travaillé...

Ce phénomène de harcèlement moral collectif est loin d'être nouveau. Pourtant, il a depuis peu un nom : le mobbing, donc, dérivé du mot anglais "mob". Celui-ci désigne la foule, mais signifie aussi "assaillir", comme lorsqu'une foule de personnes se concentre sur un seul individu.

Dans un article paru sur The Conversation et repéré par Slate, Eve Seguin, professeure de science politique à l'université du Québec, à Montréal, explique que le mobbing "débouche sur l'ostracisation de la cible et de son exclusion de la sphère de moralité [...] La cible devient ainsi une non-personne, ce qui explique le parallèle établi par certains experts entre mobbing et génocide. Son statut de non-personne légitime en retour toutes les vexations qu'on lui fait subir."

Un management par la terreur

À la différence d'un harcèlement moral classique, note Eve Seguin, s'ajoute une autre dimension, qui légitime encore plus les brimades et la mise au placard du salarié : la participation de l'employeur lui-même. "Dans une deuxième phase, le mobbing dépasse l'échelle du groupe, de l'unité de travail, et la cible devient 'un cas' connu dans l'ensemble de l'organisation. L'élargissement de la campagne au service des ressources humaines et à la haute direction en décuple l'impact", analyse Eve Seguin.

Selon la spécialiste, ce "terrorisme organisationnel" remplit alors deux fonctions : faire croire à la victime que le problème vient d'elle et appliquer des sanctions disciplinaires à son encontre.

Pernicieux et pervers, le mobbing est notamment largement répandu dans le milieu universitaire, où 12% des professeurs ciblés se donnent la mort. Mais il est aussi pratiqué dans d'autres sphères professionnelles, ce qui amène la justice à s'y intéresser et à le sanctionner. Ainsi, rapporte France Info, les salariés d'un supermarché près de Poitiers, dans la Vienne, se sont dit harcelés par leur direction. Brimades, réprimandes, vexations et pressions psychologiques, subies en privé et en public, faisaient partie de leur quotidien. Poussés à la faute ou à la démission, certains ont même confié avoir eu des pensées suicidaires. Saisie par la médecine du travail et par l'inspection du travail qui ont constaté des "pratiques de mobbing", l'entreprise vient d'être condamnée à verser des dommages et intérêts de 2 000 à 4 000 aux employé.e.s concerné.e.s.

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