Ticoco, Tikiki et Titlili sont trois joyeux petits singes qui s'apprêtent à célébrer la fête de Karnabal. Pour se confectionner de jolis costumes, les capucins traversent la forêt tropicale pour récupérer des plumes multicolores chez leurs camarades perroquets. C'est là qu'ils vont repérer Mimi, une petite perroquette tristoune à la robe décolorée. Mais que se passe-t-il ? Quel secret ronge Mimi ? Elle va finir par se confier à Ticoco et ses amis.
A travers le conte Ticoco et le voleur de couleurs (La maison Ella Édition), la Dr Anne Surrault, médecin généraliste, aborde les violences sexuelles faites aux enfants et la notion de consentement. Son objectif est multiple : expliquer, instaurer le dialogue autour de ces sujets si délicats, sensibiliser voire dépister.
Un album joliment illustré par Delphes Marchal pour briser le tabou avec délicatesse et bienveillance.
Anne Surrault : Je suis amenée dans ma profession de médecin à suivre des adultes qui ont des lumbagos à répétition, des états allergiques graves, des dépressions, des troubles relationnels qui leur pourrissent la vie. Et au bout de plusieurs mois de consultations et de création de liens de confiance avec le patient, je dépiste un gros "lièvre". Elles et ils vont se confier et dévoiler une agression subie dans l'enfance.
Et bien sûr, il y a ces chiffres éloquents : l'inceste touche une famille sur cinq. Les enfants peuvent être dépistés et pris en charge tôt. Mais il y en a encore trop qui restent dans l'ombre. Je me suis demandé comment je pouvais apporter ma petite pierre pour lutter contre ce fléau.
A.S. : Oui. Comment aborder un thème aussi tabou avec douceur ? Comment dire des choses monstrueuses, tout en informant ? Et comment préserver l'innocence des enfants et les familles qui "vont bien" aussi ?
A.S. : Oui, je pense. Ticoco est une fable, comme Jean de La Fontaine avait choisi ce moyen car il ne pouvait pas exprimer tout haut ce qui se passait dans la société. La fable est un bon outil.
A.S. : C'est le livre pour lequel j'ai questionné le plus de personnes. Je me suis entourée de victimes dans ma patientèle, j'ai interrogé des bourreaux qui sont aussi dans ma patientèle, des gens de la justice, des instituteur·rice·s, des pédopsychiatres, des psychologues...
C'est l'ouvrage qui a été le plus lu et relu par des expert·e·s. Nous avons mis deux ans pour acter le scénario final et j'ai tenu compte de toutes les remarques. Ce scénario est le résultat d'un consensus.
A.S. : Bien sûr. Par exemple, j'ai un petit-fils de 3 ans et demi qui connaît le livre par coeur. Et je peux vous dire que les enfants comprennent parfaitement.
A.S. : La notion de consentement, qu'il est recommandé d'évoquer dès 4 ans. Le fait qu'il y a des choses qu'on ne doit pas faire et que l'enfant a le droit de dire "non" : c'est ça, l'objectif principal.
Nous abordons également la notion de zones intimes. Et puis nous expliquons les petits signes qui peuvent alerter, ce qui intéressera particulièrement les parents et les professionnels : la perte de la joie, l'isolement, le stress qui peut témoigner d'un malaise... Ce sont des signaux auxquels il faut être attentif.
Et il faut insister sur la relation de confiance que l'on peut tisser avec les enfants afin qu'elles et ils puissent se confier si besoin.
A.S. : Il y a trois axes : informer, prévenir, agir. Si l'on est confronté à une telle situation, il faut le dire. Mais aussi donner de l'espoir aux victimes et aux familles touchées par ce fléau. Il est possible de s'en sortir.
A.S. : Parce que c'est l'une des situations les plus fréquentes. Et parce que c'est quelque chose de complexe pour un enfant : l'oncle peut être "gentil", il y a des sentiments positifs. Mais il y a également ce comportement inacceptable. Et l'enfant peut être perdu dans ce méli-mélo. On lui explique donc que l'oncle peut être très gentil, mais il peut aussi être coupable de choses qu'il faut dénoncer.
Ce serait génial. Une part de moi espère que le livre sera diffusé dans toute les écoles, dans les brigades de police... Nous allons mettre en place un spectacle de conte avec deux musiciennes et allons essayer de tourner partout en France.
Ticoco et le voleur de couleurs de Anne Surrault, La maison Ella Édition.
La ligne téléphonique 119 est le numéro d'appel national de l'enfance en danger. Il est ouvert 24h/24, 7 jours/7 et gratuit. Au bout du fil, les écoutants sont des professionnels de la protection de l'enfance, formés pour écouter, accompagner et agir. Leur mission est d'apporter aide et conseil aux appelants confrontés à une situation d'enfant en danger ou en risque de l'être.