Inégalités salariales : pourquoi le raisonnement de Christophe Barbier ne tient pas la route

Publié le Mercredi 11 Janvier 2017
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Le directeur éditorial de L'Express Christophe Barbier
Le directeur éditorial de L'Express Christophe Barbier
Gros cafouillage pour Christophe Barbier. Sur le plateau de "C dans l'air" sur France 5, l'éditorialiste de L'Express a affirmé qu'il ne fallait pas instaurer immédiatement l'égalité femmes-hommes dans les entreprises sous peine de nuire à ces dernières.
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L'égalité salariale entre femmes et hommes, pourquoi pas, mais pas tout de suite sous peine de nuire à la croissance des entreprises. C'est l'analyse qu'a développée lundi 9 janvier le journaliste Christophe Barbier sur le plateau de C dans l'air où il était invité pour donner son avis sur le programme politique de Jean-Luc Mélenchon, qui propose que les salaires des femmes soient égaux à ceux des hommes si elles ont les mêmes responsabilités qu'eux. Le candidat de la France Insoumise assure que l'instauration de l'égalité salariale générerait suffisamment de cotisations sociales pour financer la retraite à 60 ans.

Faux, affirme Christophe Barbier. "C'est vrai au moment où nous parlons parce que les femmes qui sont à la retraite et qui seront payées, eh bien elles auront des petites retraites parce qu'elles ont eu des petits salaires pendant leur carrière. Le jour où les femmes bien payées arrivent à la retraite, ça explose en vol. Et au passage, si d'un seul coup on dit, 'Les femmes sont payées comme les hommes', tout le monde va applaudir mais les entreprises vont avoir beaucoup de mal à encaisser ce surcroît de main d'oeuvre...", explique l'ancien directeur de la rédaction du magazine L'Express face à l'animatrice Caroline Roux et ses invités. Avant d'ajouter que les idées développées par Jean-Luc Mélenchon "sont souvent assez jolies, assez utopistes et finalement participent à une amélioration de l'humanité."

"Vous êtes économiste ou journaliste ?"

Repérée par un internaute, la sortie de Christophe Barbier n'a pas manqué de susciter un tollé sur Twitter.

Sentant le vent tourner, Christophe Barbier a alors tenté de justifier son raisonnement, tout en campant sur ses positions. Prenant même à partie la députée écologiste Cécile Duflot auprès de laquelle il pensait trouver une alliée, l'éditorialiste s'est finalement retrouvé bien isolé. Il s'est même fendu d'un article sur L'Express pour mieux s'expliquer. "Mais voilà: les réseaux sociaux s'emballent sur la surface, pas sur le fond, ils ne voient pas le raisonnement et fonctionnent à l'émotion. C'est sympathique, mais superficiel. Si Jean-Luc Mélenchon dit que pour supprimer les dégagements de CO2 excessifs, il suffit d'arrêter tous de respirer pendant une heure, et que je le critique, m'accusera-t-on de vanter le réchauffement climatique ?", s'emporte Christophe Barbier.

Les inégalités au travail, un manque à gagner de 150 milliards d'euros

Le problème, rappelle Les Nouvelles News, premier média à avoir relayé l'information, c'est que "le principe 'à travail égal, salaire égal' n'est pas qu'une exigence morale : c'est aussi une obligation légale, que les entreprises le veuillent ou non". D'autant qu'un récent rapport de France Stratégie s'est penché sur la question du manque à gagner que génèrent les discriminations sur le marché du travail. Ses conclusions sont très différentes de celles soutenues par Christophe Barbier. Selon ses auteurs, les inégalités d'accès à l'emploi et aux postes qualifiés génèrent un manque à gagner de 150 milliards d'euros. "Au final, la réduction des écarts de taux d'emploi et d'accès aux postes élevés entre population de référence et populations discriminées permettrait un gain de près de 7 % du PIB", explique le rapport.

Pour rappel à Christophe Barbier, les femmes restent encore aujourd'hui les premières victimes des inégalités sur le marché du travail. Accédant encore difficilement aux postes directionnels, elles occupent en majorité les emplois peu ou pas qualifiés et représentaient en 2014 près de 80 % des travailleurs à temps partiel. Enfin, à poste égal, elles touchent toujours en moyenne un salaire inférieur de 19% par rapports à leur confrères masculins.