Nouvelle femme de cinéma : l'interview d'Iram Haq

Publié le Mercredi 20 Décembre 2017
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
La réalisatrice Iram Haq au festival des Arcs en décembre 2017
La réalisatrice Iram Haq au festival des Arcs en décembre 2017
La jeune réalisatrice norvégienne d'origine pakistanaise Iram Haq n'aime rien tant que sonder ses racines et bousculer les tabous. Présente au Festival des Arcs pour y présenter le bouleversant "La mauvaise réputation", la cinéaste nous parle de sa place de femme dans le monde encore très masculin de l'industrie cinématographique et de ses inspirations.
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En signant son deuxième long-métrage, La mauvaise réputation, la réalisatrice Iram Haq se livre totalement. Ce drame, celui de Nisha, 16 ans, prise en étau entre deux cultures, c'est un peu son histoire. Parfaite petite fille pakistanaise dans sa famille, ado norvégienne passe-partout à l'extérieur. Jusqu'à ce que la tradition culturelle familiale la rattrape. "Quand j'avais 14 ans, mes parents m'ont kidnappée et emmenée au Pakistan, où j'ai dû vivre durant un an et demi. J'ai attendu de me sentir prête, en tant que cinéaste et en tant qu'être humain, pour oser raconter mon histoire, le plus posément, le plus sincèrement possible", raconte-t-elle. Alors qu'elle présente cette oeuvre très personnelle au Festival de Cinéma Européen des Arcs 2017, la réalisatrice nous parle de sa place de réalisatrice et de ces voix de femmes qu'elle veut faire entendre et qui l'ont inspirée.

A votre avis, qu'est-ce qui se met en travers de la route des femmes réalisatrices ?

Je trouve cela tellement désolant que nous ayons encore à lutter contre ce problème en 2017. Je pense qu'il est très important que les femmes soient des conteuses. Nous avons besoin de porter plus d'attention sur les histoires de femmes et les histoires racontées par des femmes. Sinon, nous risquons un statu quo, celui des hommes qui racontent des histoires d'hommes.

99% des femmes travaillant dans l'industrie du film et de la télé ont déjà dû faire face au sexisme. Est-ce votre cas ?

Oui, malheureusement, j'ai connu cela. Mais je suis contente que ce type de comportement ne soit plus accepté et que nous soyons de plus en plus conscient.e.s que certaines personnes abusent de leur position de pouvoir.


L'affaire Harvey Weinstein a bousculé le milieu du cinéma. Comment l'avez-vous vécue et pensez-vous que cela puisse faire changer les choses ?

J'ai trouvé que c'était formidable que les femmes parlent afin que nous n'ayons plus jamais à accepter ce genre de comportement. Et oui, je pense que cela va changer. J'espère que les femmes ne seront plus effrayées à l'idée de dire les choses haut et fort et que les hommes seront plus vigilants par rapport à leur comportement dorénavant.

Jodie Foster a déclaré que les réalisatrices avaient une approche différente pour raconter les histoires. Etes-vous d'accord avec cela ?

Oui, je suis d'accord. Ce n'est pas toujours le cas, mais très souvent, je sens que les histoires sont racontées de façon légèrement différentes.

Quel est votre film préféré de tous les temps ?

Il y a tant de films formidables, mais puisque nous parlons de femmes, je dirais Fish Tank et Toni Erdmann.

Quelles actrices rêvez-vous de diriger ?

Penélope Cruz et Shabana Azmi.


Quelle est votre icone féministe ?

Frida Kahlo.

Frida Kahlo
Frida Kahlo

Quelles sont les trois femmes qui vous ont le plus inspirée dans votre vie ?

Je dirais mes amies. Je vais en citer quelques-unes : Christin Weiss, Camilla Chams Henriksen, Hilde Hagerup, Guro Hoftun Gjestad and Heidi Braaen. Ce sont des femmes fortes, indépendantes, intelligentes et généreuses. Nos conversations me rendent plus sage et me poussent à oser des choses que je n'oserais pas faire en temps normal.

La mauvaise réputation, réalisé par Iram Haq
Sortie en France le 13 juin 2018