Cette ado iranienne s'est filmée dansant dans sa chambre : elle a été arrêtée

Publié le Lundi 09 Juillet 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Maedeh Hojabri
Maedeh Hojabri
En Iran, danser devant une webcam dans sa chambre d'adolescente peut vous emmener en prison. C'est ce qu'a vécu une Iranienne de 18 ans.
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Vendredi 6 juillet, une instagrammeuse est apparue le visage flouté et en pleurs à la télévision iranienne pour confesser son crime : avoir dansé sans son hijab pour son compte. Elle déclare dans cette émission de trente minutes intitulée "Le documentaire du mauvais chemin" et qui condamne le réseau social, qu'elle voulait gagner plus de followers.

Elle ajoute également avoir pris conscience qu'elle avait dépassé les normes de la morale iranienne. "J'avais des followers et ces vidéos étaient pour eux. Je n'avais pas l'intention d'encourager les autres à faire de même... Je n'ai pas travaillé en équipe, je n'ai reçu aucune formation. Je ne fais que de la gymnastique "

L'agence de presse Associated Press a expliqué que la jeune femme en question s'appelait Maedeh Hojabri, une ado de 18 ans, arrêtée pour "contenus immoraux". Sur ce compte Instagram, elle publiait des vidéos d'elle en train de danser sur de la pop iranienne ou occidentale, parfois sans se couvrir les cheveux, ce qui est obligatoire dans la rue en Iran, mais aussi montrant son ventre nu. L'agence précise que l'on ne sait pas si les propos de l'adolescente ont été obtenus sous la contrainte.

Dans cette émission sont également apparus floutés deux autres filles et un garçon qui avouent avoir porté atteinte à la moralité islamique en publiant des vidéos de leurs danses comme le rapporte Le Monde. Leur identité n'est pas encore connue.

Le compte de la jeune Maedeh Hojabri (600 000 followers) a été supprimé dans la foulée de son arrestation. Mais pour protester et la soutenir, des internautes relaient quand même ses vidéos. La journaliste iranienne et activiste Masih Alinejad a posté l'une des vidéos de Maedeh avec le commentaire suivant : "Elle a été arrêtée juste parce qu'elle a téléchargé ses vidéos de danse sur son Instagram. Si vous êtes une femme en Iran et que vous dansez, chantez ou montrez vos cheveux, vous êtes une criminelle. Si vous voulez profiter de votre vrai vous, vous devez enfreindre les lois tous les jours. "

L'Iran bloque déjà plusieurs sites comme Facebook, Twitter ou Youtube, mais également la messagerie protégée Telegram depuis le printemps dernier. Il envisagerait maintenant de bloquer Instagram.

En soutien à Maedeh Hojabri, des Iraniennes se sont filmées en train de danser dans la rue et ont posté les vidéos sous plusieurs mots-clés #danserpourlaliberté ou #Dancer_nestpas_un_crime.

La danse pose problème aux autorités iraniennes. En 2017, un groupe avait été arrêté pour avoir fait de la zumba et s'être filmé. La BBC rapporte les propos d'un garde de la révolution à l'époque de cette arrestation : "Ils ont été arrêtés par les services de renseignement de la Garde alors qu'ils enseignaient et créaient des clips vidéo alors qu'ils cherchaient à changer de mode de vie et à promouvoir l'absence de hijab."

En 2014, un groupe de six jeunes avait été arrêté pour avoir dansé sur le tube Happy de Pharrell Williams. Les trois hommes et les trois femmes avaient écopé d'un an de prison et de 91 coups de fouets avec sursis. Reihaneh Taravati était l'une d'eux. Elle a tweeté son soutien à Maedeh Hojabri : "Vous m'aviez arrêtée pour avoir été heureuse alors que j'avais 23 ans. Maintenant, vous arrêtez Maedeh Hojabri et elle n'a que 18 ans. Qu'est-ce que vous allez faire aux générations futures?".

Les Iraniennes doivent lutter pour leur place dans l'espace public. Interdites de stade dans leur pays par exemple, elles ont par exemple saisi l'occasion de la Coupe du Monde de foot en Russie pour assister aux matchs de l'équipe nationale iranienne et ainsi contourner l'interdiction. Plusieurs femmes ont également été arrêtées et ont écopé de peine de prison pour avoir enlevé leur voile en public depuis l'année dernière.