La nouvelle princesse Disney accusée de "romantiser le colonialisme"

Publié le Vendredi 22 Mai 2015
Jack Parker
Par Jack Parker Rédadtrice
Le prochain projet Disney, intitulé "Princess of North Sudan", n'est pas encore entré en production qu'il est déjà fortement critiqué et accusé de romantiser le colonialisme.
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De prime abord, quand on lit que le prochain projet de film d'animation Disney intitulé Princess of North Sudan, on a tendance à se réjouir. Une histoire de princesse située dans un pays non-occidental ? De la diversité ? Une autre culture ? Ça ressemble vraiment à une bonne nouvelle. Et pourtant, c'est tout l'inverse.

Princess of North Sudan est basé sur une histoire vraie : celle d'un père de famille américain, Jeremiah Heaton, qui a choisi de coloniser un petit territoire du nord du Soudan pour réaliser le rêve de sa fille qui voulait devenir une vraie princesse. Plutôt que de lui acheter une robe et un diadème, il s'est mis en quête d'une terre qui n'appartenait à aucun gouvernement, aucune tribu et aucune nation. Il est tombé sur un petit territoire au nord du soudan portant le nom de Bir Tawil. Une fois l'endroit repéré, il a sauté dans un avion pour s'y rendre et y planter son drapeau avant de le renommer Royaume du Nord du Soudan - et de couronner sa fille.

La région est située pile entre l'Egypte et le Soudan et aucun des deux pays n'en ayant revendiqué la souveraineté, elle bénéficie du statut "terra nullius" ('territoire sans maître"). C'était donc l'endroit idéal pour réaliser le rêve de cette petite fille...

L'histoire a fait le tour des médias en 2014 et les producteurs Morgan Spurlock et Richard Arlook ont approché Jeremiah Heaton qui leur a donné l'autorisation d'adapter son histoire.

Résultat : la première princesse africaine des studios Disney sera américaine... et blanche.

Un choix artistique qui déplaît évidemment à pas mal de monde, d'abord parce que l'histoire ressemble fortement à un joli conte colonial, mais aussi parce qu'elle enfonce encore plus le clou sur ces histoires de manque de diversité au cinéma, et particulièrement pour les enfants.

Stephanie Folsom, la scénariste engagée pour retranscrire cette histoire incroyable à l'écran, a tenté d'apaiser les esprits sur Twitter : "Je comprends que vous soyiez contrariés par l'article de The Hollywood Reporter , mais soyez rassurés : ce n'est PAS l'histoire qu'on va raconter. Je suis d'accord avec tout ce que vous dites. Je n'écrirais jamais une histoire pareille. (...) Je suis allée au Soudan. Les gens y sont incroyables. Le colonialisme, c'est de la m*rde. (...) Il n'y aura pas d'histoire de drapeau planté au Soudan pour faire d'une petite fille blanche la princesse d'un pays africain, c'est dégueulasse."

Une partie des tweets a depuis été supprimée, et, comme HelloGiggles le souligne, ils ne sont en réalité pas si rassurants. Si on se fie aux faits, c'est bel et bien une histoire de drapeau planté au Soudan dans le but de faire d'une petite fille blanche la princesse d'un pays Africain.

Dans une interview donnée au Guardian en juillet 2014, le papa Jeremiah Heaton défendait déjà son initiative en assurant que ce qu'il avait fait était tout l'inverse d'une colonisation. Il s'explique en disant : "Le dictionnaire définit le colonialisme comme la prise de contrôle d'un pays par un autre pour en exploiter ses ressources ou son peuple. Bir Tawil n'est pas un pays, il n'a pas de population, et je ne représente ni les États-Unis, ni une société. Je suis un individu, et je ne vais pas creuser le sol pour y chercher des diamants ou du pétrole. Ce que nous faisons a pour but d'améliorer la vie des gens."

En effet, il compte partager toutes les ressources qu'il créera lui-même sur le territoire avec les gens du coin. Bon prince, il va profiter de cette opportunité pour tenter de braver les conditions désertiques de Bir Tawil pour créer "un jardin assez grand pour nourrir tous les gens du monde entier". Il a même posté le projet familial sur une plateforme de crowdfunding pour tenter de récolter les 250 000$ dont ils ont besoin pour se lancer. Y avait-il besoin de s'approprier le territoire en le renommant et en lui offrant un nouveau drapeau pour couronner sa fille avant de se lancer dans un tel projet humanitaire ? C'est discutable.

Pour finir de s'enterrer un peu plus dans des justifications bancales, il s'est permis d'ajouter : "Je ne vois ni couleur ni principes, et mes enfants non plus". Une défense souvent utilisée par les gens (blancs) qui souhaitent se démarquer des racistes et autres esprits étriqués mais qui a été plusieurs fois dénoncée par les non-blancs qui en ont un peu ras la casquette qu'on efface leur couleur sous prétexte de vouloir tout rassembler et se déresponsabiliser. Le but n'est pas de gommer toutes les différences et de les ignorer, mais au contraire de les représenter, les célébrer et apprendre à les connaitre.

Avec tout ça, difficile de s'enthousiasmer pour ce choix de projet qui pose problème sur bien des points. Et plus on fouille dans l'histoire, moins ça donne envie de s'y intéresser. Les producteurs en question n'auraient-il pas mieux fait de faire deux-trois recherches sur Google sur les différentes princesses africaines qui sont malheureusement absentes de nos livres d'histoire, mais qui ont pourtant bel et bien existé ? Et puis pourquoi pas s'éloigner des princesses, aussi ? Mais ça, c'est un autre débat.

Il n'y a plus qu'à espérer que Jeremiah Heaton parvienne à réaliser son projet d'abolir totalement la faim dans le monde pour rendre cette histoire un peu moins difficile à avaler.