La rédactrice en chef du "Vogue" anglais s'attaque aux congés maternité à répétition

Publié le Lundi 29 Juin 2015
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
La rédactrice en chef du "Vogue" anglais s'attaque aux congés de maternité à répétition
La rédactrice en chef du "Vogue" anglais s'attaque aux congés de maternité à répétition
Dans un entretien accordé au "Times", la rédactrice en chef de "Vogue UK" Alexandra Shulman a vivement critiqué les femmes qui ont des grossesses rapprochées. La raison ? Le fait de prendre plusieurs congés maternité serait "frustrant" pour leur entreprise.
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Si l'on demandait à Alexandra Shulman, 57 ans et un enfant, ce qu'elle pensait aux 16 à 26 semaines de congé maternité accordées aux femmes enceintes en France et surtout son avis sur le congé parental d'éducation, elle grincerait sûrement des dents.


Jusqu'ici tenue pour modèle par les femmes britanniques, qui voient dans son parcours professionnel la preuve que l'on peut "tout avoir", à savoir une vie de famille épanouie et une carrière au top, la rédactrice en chef du Vogue UK a tenu la semaine dernière un discours qui nous laisse pantoises.


Le congé maternité, "frustrant" pour les entreprises


Interviewée par le Times pour la sortie de The Parrots, son second roman, Alexandra Schulman en a surtout profité pour juger sévèrement les femmes qui reviennent de congé maternité et qui annoncent peu après leur retour au travail qu'elles sont à nouveau enceintes. Pour la journaliste, les femmes actives qui "enchaînent" les grossesses ne devraient pas s'attendre à retrouver leur emploi une fois revenues de leur congé car "un tel comportement est frustrant pour les entreprises".


Alors que la Grande-Bretagne accorde aux femmes un congé de 12 mois (26 semaines avant la naissance, 26 semaines après l'arrivée de l'enfant) mais dont seules les 6 premières semaines sont indemnisées à 90% du salaire (les semaines suivantes sont plafonnées à 150 euros environ), les propos d'Alexandra Schulman sonnent comme une déclaration de guerre contre les femmes qui préfèrent prendre le temps de pouponner avant de reprendre le chemin du travail.

Celle qui se vante de n'avoir pris que quatre mois de congé maternité à la naissance de son fils poursuit : "Je pense que c'est frustrant pour l'entreprise. Vous ne pouvez pas dire, 'Ooohhh, c'est merveilleux d'être loin pendant un an, et maintenant je vais être absent pour une autre année'. Je ne peux pas prétendre que je pense que c'est merveilleux. Même si je sais que je devrais..."

Aussitôt publiés, les propos tenus par Alexandra Schulman ont suscité outre-Manche une avalanche de réactions outrées de la part de parents qui, contrairement à la rédactrice en chef de Vogue UK, considèrent non pas le congé maternité comme un frein à la carrière des femmes ou aux performances des entreprises, mais comme un processus naturel faisant "partie de la vie moderne".


Interrogée par le Daily Mail , Rachel Burrows, fondatrice de Netmums , le plus grand site de parentalité du Royaume-Uni, n'a pas hésité à pointer les erreurs et raccourcis faits par la journaliste. "Madame Schulman soulève certes quelques points intéressants, mais alors qu'ils peuvent sans doute s'appliquer au personnel du magazine Vogue, ils sont moins pertinents pour les familles lambda."


"Les derniers chiffres montrent que la durée moyenne du congé maternité (pris par les femmes en Grande-Bretagne, ndlr) est d'à peine six mois, tandis que l'écart moyen entre frères et soeurs est aujourd'hui de trois ans et huit mois. Aussi, suggérer que les femmes sont presque en permanence enceintes ou en congé de maternité est tout simplement faux

"Le vrai problème ici est que pour beaucoup de familles normales, c'est que les salaires ne couvrent pas le coût de la garde d'enfants, rendant le travail à temps partiel et l'aide de la famille pour la garde d'enfants comme la seule option viable", poursuit Rachel Burrows. "Le congé maternité fait partie de la vie moderne et il est primordial que les entreprises comprennent ce qu'elles peuvent faire pour améliorer à la fois la culture d'entreprise (sur la grossesse au travail, ndlr) et leur politique de fond."