Le "flux instinctif libre" : ces femmes qui ne portent pas de protection pendant leurs règles

Publié le Mardi 09 Juin 2015
Ariane Hermelin
Par Ariane Hermelin Journaliste Terrafemina
Journaliste société passée par le documentaire et les débats en ligne sur feu Newsring.fr.
Capture d'une publicité "Hello Flo" pour des protections hygiéniques
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Certaines femmes prônent sur Internet l'abandon des serviettes et les tampons hygiéniques au profit d'une méthode de protection naturelle qui consiste à retenir le sang menstruel grâce au muscle du périnée. Explications.
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Adieu, serviettes, tampons et mooncups ! C'est le credo de certaines blogueuses dont la méthode naturelle de protection pendant les règles, appelée "flux instinctif libre", de l'anglais "free flow instinct" fait beaucoup parler de lui ces derniers temps. Le site d'informations Rue89 a consacré un long article à ce phénomène, qui vient des Etats-Unis, comme l'explique Lena Abi Chaker, auteure du premier billet en français sur le sujet, publié sur le site de l'association "Le Chou Brave" qui fait la promotion du crudivorisme (le fait de manger cru).

Les règles comparées à l'incontinence urinaire

A une époque marquée par la promotion du retour au naturel, cette technique qui consiste à empêcher le sang menstruel de couler en contractant son périnée fait en effet de plus en plus d'adeptes. Selon elles, il suffit en effet d'écouter son corps afin de savoir quand aller aux toilettes pour laisser s'écouler le sang retenu, comme on irait uriner.

Les avantages de cette technique de protection naturelle seraient nombreux : les converties au "flux instinct libre" mettent en effet en avant l'aspect écologique et économique de cette méthode qui rend les protections hygiéniques inutiles, et insistent également sur la satisfaction d'être à l'écoute de son corps. Le fait de contrôler son flux de sang serait une forme de libération pour les adeptes de cette technique, qui vont jusqu'à comparer l'écoulement menstruel à de l'incontinence urinaire et les serviettes hygiéniques à des couches.

Ainsi, dans son texte sur le "flux instinctif libre", Lena Abi Chaker écrit : "Imaginez une société où les parents n'apprendraient pas à leurs enfants à se passer des couches, on devrait en porter toute notre vie ! Dans ce sens, les femmes sont restées un peu des enfants, dépendantes un quart de leur temps d'une industrie qui leur "facilite" la vie et leur enlève tout idée d'autonomie. Ironie du sort, la faible musculature du périnée (notre pauvre muscle délaissé toute une vie) est liée à l'incontinence, un problème qui touche principalement les femmes ! Ainsi, après la ménopause, les protège-slips sont parfois remplacés par des couches pour pertes urinaires ! Les vendeurs de couches se frottent les mains ! "

Un argument qui est cependant battu en brèche par les gynécologues, pour lesquels l'utérus ne peut être contrôlé comme les sphincters chez l'enfant en bas âge (comme la vessie et le rectum, ndr). Ceux-ci ne voient par ailleurs pas de contre-indication médicale au fait de retenir son sang pendant ses règles.

Une nouvelle manière de censurer les règles ?

Pour autant, cette technique naturelle ne fait pas que des émules. Certaines femmes pointent du doigt que le flux instinctif libre requiert d'avoir des sanitaires à proximité et qu'il n'est pas adapté aux femmes dont les règles sont très abondantes. Et que, comme le note Rue89 très justement de l'injonction que constitue cette nouvelle mode à l'égard des femmes, sommées implicitement d'apprendre à contrôler leurs pertes menstruelles, alors même que les initiatives pour lever le tabou qui pèse sur les règles se multiplient ces derniers temps ?

Face aux arguments rationnels des adeptes et du "flux instinctif libre" et de ses opposants, il semble que cette technique n'est tout simplement pas adaptée à tout le monde. Pour autant, si elle contribue à permettre à certaines femmes de mieux supporter leurs règles, c'est tant mieux.