Les Bêtises : Jérémie Elkaïm, tendre gaffeur

Publié le Mercredi 22 Juillet 2015
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Jérémie Elkaïm
Jérémie Elkaïm
Dans "Les Bêtises", charmant premier film d'Alice et Rose Philippon en salle ce 22 juillet, Jérémie Elkaïm incarne François, trentenaire rêveur et gaffeur parti à la recherche de sa mère biologique. À l'occasion de la sortie en salle du film, nous avons rencontré l'acteur fétiche de Valérie Donzelli. Il nous a parlé des "Bêtises", bien entendu, mais aussi du regard, objectif et optismiste, qu'il porte sur le cinéma français.
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Dans Les Bêtises, vous jouez un trentenaire rêveur et maladroit parti à la recherche de sa mère biologique. Qu'est-ce qui vous a plu dans ce personnage ?

Exactement ce que vous venez de dire : l'idée d'un film qui raconte l'histoire d'un personnage maladroit, dont le côté burlesque symbolise un problème intime. Sa maladresse, elle est là car il n'est pas tout à fait complet, il lui manque la connaissance de sa mère biologique. Je trouve que c'est une jolie approche du problème, une façon de dire qu'au fond, nos failles et maladresses sont peut-être dues au fait que nous soyons incomplets. Le film réussit à toucher du doigt une chose assez belle : on est parfois boiteux quand on n'est pas à l'aise avec son identité, qu'on ne sait pas exactement quelle est sa place.

Ce n'est pas le genre de rôle ni de film dans lequel le public a l'habitude de vous voir. Qu'est-ce qui vous a plu dans le scénario écrit par Alice et Rose Philippon ?

J'ai tout de suite aimé le scénario, que j'ai trouvé très bien écrit. J'en ai aimé les péripéties, les enjeux. Je trouve que dans le paysage des films qui se font en France, particulièrement des comédies, c'est un film original, qui a une vraie singularité. Il dégageait déjà à l'écriture une sorte de bonté, de douceur salvatrice. J'ai l'impression qu'il y a une sorte de lâcher prise qui fait loi dans le cinéma français : il faut soit être cynique ou bien mettre ses tripes sur la table. Au fond, des films qui n'ont pas d'autre ambition que d'être tendres, de raconter des choses avec délicatesse, il n'y en a pas tant que ça.

Quand on voit à l'écran la maladresse de François, on pense beaucoup à Jacques Tati et surtout à La Party de Blake Edwards. Ce sont des influences que vous avez ressenties sur le tournage ?

C'est un peu compliqué de ne pas penser au film de Blake Edwards. D'ailleurs, on peut retrouver des choses similaires : dans The Party, on suit le personnage de Peter Sellers qui est mal dans sa peau, qui ne sent pas à sa place dans la société, un peu à côté de ses pompes. Et puis finalement, on découvre que ça révèle le manque de bonté et d'humanisme des gens qu'il va rencontrer. Je pense que le burlesque aussi bien chez Tati que chez Edwards ou dans Les Bêtises, apparaît comme une sorte de contre-point avec la réalité. Comme si tout d'un coup les objets, les espaces, les relations étaient décadrés et se trouvaient une autre utilité. La maladresse de François pousse à transformer les situations.

Dans le film, il y a une séquence chantée où vous reprenez "Les Bêtises" de Sabine Paturel. A-t-elle été difficile à tourner ?

L'une des premières choses que j'ai dit aux soeurs Philippon était que j'adorais le projet mais que je ne me sentais pas de chanter. Je leur ai proposé de faire comme dans Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy et d'être doublé. En réalité, elles voulaient qu'on comprenne que le personnage de François n'est pas un chanteur. Le fait que l'enjeu dans cette scène ne soit pas la qualité du chant, c'est ce qui m'a permis de la faire. J'ai bien conscience de ne pas avoir des talents de chanteur. Elles m'ont dit qu'il fallait que ce soit une performance sur un fil, que le personnage fasse à ce moment-là quelque chose qu'il n'aurait jamais osé faire.

Est-ce qu'un rôle entièrement chanté, dans une comédie musicale, pourrait vous intéresser ?

Bizarrement, il m'est arrivé assez souvent de chanter dans les films. Pourtant, je ne sais pas chanter très juste ni placer ma voix. Un rôle chanté, pourquoi pas, à condition que l'on prenne en compte que je ne suis pas un grand chanteur, et que le projet soit davantage intimiste.

Comment était l'ambiance sur le tournage ?

C'était un tournage très sympathique. Le film s'est tourné assez rapidement, avec peu de moyens. Le faire exister était donc un enjeu en soi car c'est difficile dans le paysage des comédies en France d'imposer un projet sans vedette populaire, qui ne parte pas du postulat de faire à tout prix des blagues... Le film, d'ailleurs, ressemble aux soeurs Philippon : entre le burlesque et la gravité, tout dans la finesse, sans aucune arrogance. Et qui, par petites touches, est plus profond qu'il n'en a l'air...

Il y a en filigrane la question de la filiation, de la recherche de la mère... C'est une dimension qui vous a intéressée dans Les Bêtises ?

Complètement. J'ai trouvé ça super de traiter d'un sujet de société de cette manière-là, avec élégance.

Vous donnez la réplique à Sara Giraudeau, avec qui vous formez un duo tendre et comique. Comment avez-vous travaillé tous les deux ?

Avec Sara, on ne se connaissait pas. On a fait quelques petites répétitions autour des scènes. J'ai été très impressionné par elle, son personnage est l'un des plus réussis du film parce qu'elle très cohérente. Elle incarne le hoquet de façon magistrale !

Vous étiez à Cannes en mai pour présenter Marguerite et Julien de Valérie Donzelli, et serez bientôt dans À la recherche de Rohmer dans Wang Chao. Ce sont des films très différents. Qu'est-ce que vous recherchez quand vous acceptez un rôle ?

J'aime beaucoup les aventures de cinéma. Ce qui m'amuse et qui m'excite, c'est d'essayer de faire des choses qui soient personnelles. Faire un film pour faire un film m'intéresse peu. Je trouve qu'en France, on a de la chance d'avoir une vraie diversité de cinéma. Depuis quelques années, je suis spectateurs de films qui m'enchantent : L'Inconnu du Lac d'Alain Giraudie, Vincent n'a pas d'écailles de Thomas Salvador, Bird People de Pascale Ferran... Ce sont des films qui ont de vraies singularités, qui sortent des sentiers battus et contiennent des désirs forts de cinéma.

Les Bêtises de Rose et Alice Philippon avec Jérémie Elkaïm, Sara Giraudeau, Jonathan Lambert, Anne Alvaro, en salle le 22 juillet.