Marin et papa : le skipper Tanguy de Lamotte raconte son Vendée Globe

Publié le Mercredi 02 Novembre 2016
Audrey Salles-Cook
Par Audrey Salles-Cook journaliste
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Etre marin et papa : l'interview du skipper Tanguy de Lamotte
Etre marin et papa : l'interview du skipper Tanguy de Lamotte
A quelques jours du départ de la course du Vendée Globe 2016 ce 6 novembre, nous avons rencontré Tanguy de Lamotte. Un papa marin très engagé, que ce soit auprès de sa famille ou des enfants malades de l'association Mécénat Chirurgie Cardiaque. Le skipper nous raconte sa vie de papa-marin.
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Le 6 novembre 2016, le Prince Albert de Monaco donnera le départ officiel de la huitième édition du Vendée Globe aux Sables d'Olonne. Une course autour du monde déjà mythique, à laquelle le skipper Tanguy de Lamotte participera pour la deuxième fois. Il y soutiendra l'Initiatives-Coeur de l'association Mécénat Chirurgie Cardiaque.

Entre son engagement pour les enfants atteints d'une maladie cardiaque et la gestion de sa vie de papa pendant la course (le marin est papa d'un petit Billy), cet aventurier nous raconte comment il compte mener cette incroyable épopée en solitaire de 100 jours sur son voilier monocoque.

Un engagement sans faille

A 38 ans, le Français Tanguy de Lamotte est un marin aguerri, architecte naval de formation, qui a construit son propre bateau pour concrétiser son rêve et partir à l'assaut de l'Atlantique en 2004. Le début d'une belle histoire pour ce papa marin, qui a tout de suite décidé de naviguer utile en aidant les enfants atteints d'une malformation cardiaque.

"L'association Mécénat Chirurgie Cardiaque, c'est le pilier de mon projet et je cours pour elle depuis ma première traversée. A cette époque, je n'avais pas de sponsor et je leur ai proposé de mettre leur logo dessus. Après, j'ai trouvé un sponsor qui m'a soutenu dans mon engagement. Pour moi, c'était primordial. Depuis j'ai changé plusieurs fois de bateau, de sponsor, mais j'ai toujours gardé l'asso. Grâce à elle, je navigue avec deux objectifs en tête, celui du challenge sportif bien sûr, mais aussi celui de sauver des enfants".

Pour l'aider, son sponsor reverse 1 euro à l'association à chaque fois que quelqu'un "like" ou partage la page Initiatives-Coeur sur son profil. Un petit geste qui ne coûte pas grand-chose et qui a déjà permis de faire opérer plus d'une centaine d'enfants en France. En effet, la prise en charge coûte cher (12 000 euros par petit malade) et il est donc très important de se mobiliser en masse pour que les choses avancent. A ses côtés, de nombreuses stars comme Dany Boon, Kev Adams ou François Damiens, qui n'hésitent pas à faire la promotion de l'association et de son adorable mascotte en peluche.

De rares contacts avec le monde extérieur

Mais Tanguy est aussi un jeune papa et c'est seul, à bord de son voilier, qu'il fêtera les 2 ans de son fils Billy :

"Son anniversaire tombe en plein pendant la course, le 18 décembre. Mais ce qui est bien, c'est qu'il aura la chance d'être en Thaïlande chez son oncle et sa tante. En plus, je devrais être dans les environs des mers du sud, juste à côté. Le fuseau horaire sera le même et je pourrai l'appeler dans la journée, alors qu'à Paris tout le monde sera en train de dormir.

Mais à part quelques moments privilégiés comme celui-ci, les contacts devraient être rares. Pour une question d'équilibre d'abord, mais aussi parce que les échanges coûtent très cher.

"Sur terre ou en mer, chacun trouve son équilibre familial, certains attendent de se retrouver le soir, d'autres s'envoient des textos toute la journée, ont besoin de s'appeler... En mer, c'est pareil. On a tous notre rythme et les sponsors comprennent cela, mais quand on est fait un Skype vidéo, ça coûte quand même 45 euros la minute. C'est une décision personnelle, et il faut faire attention à ne pas créer un manque, qui derrière, peut être compliquée à gérer sur une course en solitaire."

Trois, quatre, cinq... Tanguy ne sait pas encore combien de fois il aura l'occasion de voir Billy, mais le petit garçon a déjà compris qu'il allait falloir composer avec le métier de son papa aventurier.

"Il n'a pas forcément conscience du temps que cela va impliquer, mais cette année je suis déjà parti deux fois l'espace d'une bonne dizaine de jours. Il m'a vu monter sur mon bateau et il sait qu'à la fin de la course, il sera là et qu'il aura le droit à un gros câlin. C'est comme une petite préparation, même s'il n'a aucune idée du temps que cela va représenter".

Tanguy de Lamotte et son fils Billy, bientôt 2 ans.
Tanguy de Lamotte et son fils Billy, bientôt 2 ans.

Car à cet âge, pas facile de lui expliquer les impératifs liés à un tel périple en mer. "Il dit "bateau" et il compte les dodos avant mon retour, mais je pense qu'il ne faut pas trop essayer de lui expliquer parce qu'il est encore très très petit. Il vivra avec sa maman et on aura tous les deux notre expérience du Vendée Globe. C'est intense pour tout le monde, la maman, le petit, les parents, la famille, les sponsors, les attachés de presse, on reste tous en haleine, connectés pendant 3-4 mois c'est du 7 jours sur 7, 24H sur 24".

Des risques bien présents

Parce que les concurrents n'ont le droit à aucune escale, ni a aucune assistance à bord, les risques d'une telle course sont à prendre en considération à chaque instant et ça, en tant que papa, Tanguy ne l'oublie jamais :

"On se sent loin de tout au moindre problème. Il peut se passer 3 à 4 jours avant que quelqu'un ne vienne nous chercher, c'est un vrai danger. Après, j'estime que j'ai toujours été très prudent, mais là il y clairement un raison supplémentaire de faire attention. Malheureusement, j'ai une très bonne amie qui a perdu son compagnon. Je sais donc que c'est loin d'être des paroles en l'air".

D'ailleurs, Tanguy s'est déjà fait une grosse frayeur lors du dernier Vendée Globe en 2012.

"J'ai touché un OFNI (objet flottant non identifié) et une partie de mon bateau s'est cassée. Il y avait un trou dans ma coque et j'étais en train de couler. J'ai mis 3 jours à le réparer et pendant ce laps de temps, je faisais marche arrière. Je ne pouvais pas appeler les secours, sinon j'étais disqualifié. Il y des moments où on ne sait pas trop si on va réussir à trouver une solution, il faut improviser avec de l'ingéniosité et beaucoup de volonté".

Mais en fin de course, il y a toujours cette satisfaction d'avoir réussi cet incroyable défi et d'avoir aidé des enfants malades à guérir. Ainsi que des vacances en famille bien méritées.

Pour soutenir Tanguy, rendez-vous sur la page Facebook Initiatives-Coeur de l'association Mécénat Chirurgie Cardiaque.