Mater du porno dans le métro, un phénomène qui ne fait pas rire les Londoniens

Publié le Lundi 23 Janvier 2017
Anaïs Orieul
Par Anaïs Orieul Journaliste
Mater du porno dans les transports en commun, une tendance en plein boom
Mater du porno dans les transports en commun, une tendance en plein boom
Regarder du porno dans les transports en commun, quelle drôle d'idée ! Pourtant, les utilisateurs du métro londonien sont de plus en plus nombreux à rapporter s'être retrouvés dans des situations inconfortables impliquant des images de films X. Le service des transports met le holà.
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Les transports en commun sont souvent le théâtre de petites incivilités, parfois absurdes, d'autres fois agaçantes. Du voyageur qui fait semblant de ne pas voir la femme enceinte qui se tient devant lui à celui qui bouscule tout le monde, on a tous vécu ou été témoins de situations inconfortables. Le problème, c'est que certains comportements dépassent parfois la ligne de la petite incivilité. Le manspreading – soit cette fâcheuse tendance purement masculine à s'asseoir en prenant toute la place – fait par exemple partie des comportements jugés à la fois impolis et sexistes. Surtout, cela met en lumière un problème plus profond : le manque de place pour les femmes dans l'espace public. A Londres, on est encore loin de la campagne de sensibilisation contre les hommes qui étalent leurs jambes comme à New York, mais on assiste à un phénomène bien plus problématique : les voyageurs qui jugent normal de mater des vidéos porno sur leurs smartphones ou tablettes.

Comme le rapporte l'Evening Standard, le Transport for London (TfL, l'organisme public local responsable des transports en commun) vient de mettre le holà après avoir reçu un nombre important de plaintes. Selon Siwan Hayward, le chef de la police des transports, les voyageurs importunés ont tous rapporté plus ou moins la même scène : un homme en train de regarder des images de films X sur son téléphone avec des écouteurs, tentant généralement de cacher son écran. Pour le TfL, l'heure est donc à la sanction. Ainsi, les voyageurs sont à présent encouragés à rapporter ce genre de comportements aux membres du personnel, comme l'a détaillé Siwan Hayward :

"Nous ne tolérons aucun comportement à caractère sexuel dans nos transports. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec la police et nous prenons chaque plainte avec le plus grand sérieux. Si vous avez vu quelqu'un regarder des vidéos pornographiques dans les transports en commun et que vous avez été mal à l'aise, s'il vous plaît, parlez-en à la police ou à un membre du personnel"

Le porno dans le métro, une zone grise

Visionner du porno dans les transports en commun est un comportement particulièrement dérangeant, mais est-il punissable par la loi ? Dans un récent numéro consacré au sujet, l'émission Woman's Hour, diffusée sur la radio BBC 4, est allée poser la question à Clare McGlynn, spécialiste des lois entourant le porno et professeure à l'Université de Durham. Selon elle, ce nouveau phénomène pose problème car les transports en commun et les espaces publics entrent dans une zone grise. "C'est comme lire un livre. Ces gens-là regardent des vidéos qui sont disponibles gratuitement. Tenter de leur en restreindre l'accès représente un vrai challenge", explique-t-elle. Pour que la loi entre en jeu, il faudrait que les personnes qui regardent ce type de vidéos aient un comportement verbalement ou physiquement irrespectueux envers un autre voyageur.

Plus nuancé, l'avocat James Turner estime que la loi appelée Indecent Displays (Control) Act pourrait servir de base pour poursuivre les adeptes du porno en public. Il cite ainsi l'exemple d'une organisation américaine ayant réussi à faire interdire le visionnage de vidéos X dans les avions. Mais si le personnel naviguant a été formé à la gestion d'un tel problème, la BBC explique que cela est difficilement transposable dans les bus ou les métros. Ces moyens de transports ne possédant pas de personnel à l'intérieur de ses véhicules –hormis le chauffeur – le fautif peut donc prendre la poudre d'escampette en quelques minutes.

Pas facile à punir donc, cette perturbante " tendance " rappelle en tout cas que les espaces publics sont loin d'être égalitaires. Dans un billet d'humeur publié sur le site du Guardian, la journaliste Rhiannon Lucy Cosslett, résume : "Quand vous voyez un homme regarder du porno dans les transports (et oui, je sais qu'il s'agit d'une minorité d'entre eux), vous pouvez rire, être apeurée, éprouver une sensation inconfortable, mais vous pouvez aussi éprouver une sorte de crainte mêlée de respect. Imaginez, imaginez juste une seconde, avoir un tel sens de la propriété et avoir l'impression d'avoir tous les droits dans l'espace public, si bien que votre besoin de regarder une femme nue se faire pénétrer l'emporte sur l'inconfort des femmes (et des enfants) qui font partie de votre environnement physique. Ce manque de respect est franchement stupéfiant".