Miss France 2019, la fête du féminisme washing ?

Publié le Mardi 20 Novembre 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Les miss France chez Jean-Pierre Pernaut
Les miss France chez Jean-Pierre Pernaut
La directrice générale de la société Miss France, Sylvie Tellier, a annoncé qu'un jury 100% féminin jugerait les candidates lors de l'élection du 15 décembre. Du féminisme washing qui cache mal le fond sexiste du concours.
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L'élection de Miss France 2019 se tiendra le 15 décembre prochain à Lille. Et si on vous en parle, ce n'est pas parce que nous sommes impatientes de voir des femmes se faire juger en public. Non. C'est parce que l'organisatrice en cheffe, Sylvie Tellier, vient juste d'annoncer que pour la première fois, le jury serait composé entièrement de femmes.

Dans son annonce, elle déclare : "Nous avons voulu cette année un jury exclusivement féminin. Quoi de mieux que des femmes pour juger des femmes !"

Une petite phrase qui n'est pas sans rappeler la fameuse sortie d'une Valérie Pécresse en campagne pour la région Ile-de-France : "Rien de tel qu'une femme pour faire le ménage".

Donc le nouveau principe de Miss France : des femmes qui jugent d'autres femmes.

On n'est pas rendu à Loches comme on dit en Touraine. Autrement dit, le chemin est encore long avant la prise de conscience que ce concours est une aberration.

Il fallait les voir, les prétendantes aux trônes, installées en brochette, au JT de Jean-Pierre Pernaud le 19 novembre au moment de l'annonce de Sylvie Tellier. Une carte postale qui sent bon la France. "JPP", Line Renaud, les Miss France. La France éternelle est toujours là, ouf. Il ne manquait plus que la baguette et les bérets.

Mais attaquer un tout petit peu cette institution archaïque viendrait à ce que le château de cartes s'écroule. Les pistes de réformes sont alors très limitées. Il faudrait, pour répondre aux critiques qui accusent cette élection de sexisme, la supprimer tout bonnement.

Cette mutation, le concours de Miss America a commencé à l'entreprendre. Le défilé de maillot de bain a été supprimé, remplacé par un défilé où chaque candidate défile dans la tenue de son souhait (qui peut être un maillot de bain). L'organisation du concours souhaite maintenant juger prioritairement des qualités morales des candidates.

Mais ne soyons pas dupe. Les prétendantes seront toujours jugée sur leur physique. Et tous les changements du monde ne changeront pas la donnée fondamentale de ce type de concours : on y juge des femmes. Que cela soit de soupeser sa valeur physique ou morale par rapport aux autres.

La présidente du jury, Line Renaud, a déclaré chez Jean-Pierre Pernaud : "Cette élection est un rendez-vous populaire qui représente la beauté et la classe. On ne rêve plus assez. On a besoin de rêver !" Mais à quoi rêve les petites filles ? Quel message de rêve leur envoyez-vous ?

On sent bien que Sylvie Tellier veut sauver les meubles alors qu'elle est attaquée par les militant·es féministes en faisant cette annonce. Déjà en juin lors de l'annonce de Miss America, elle répliquait : "Le concours de Miss France rassemble de nombreux téléspectateurs. C'est un programme qui fédère et plaît beaucoup aux Français. Ils sont attachés à ces éléments, aux robes de princesse, notamment. [...] On peut défiler en maillot de bain et être féministe. On n'a jamais obligé une jeune femme à faire ce qu'elle ne voulait pas faire. Elles sont libres de choisir le maillot de bain ou la robe qu'elles veulent porter."

Oui, mais le défilé en maillot de bain est-il féministe ?

Alors c'est joli, c'est beau, oui, objectivement, le concours Miss France peut nous faire rêver. Comme les couvertures des magazines. Mais cela nous renvoie encore et toujours à un idéal inaccessible épuisant. Et oppressant.