Mort d'une orque à Marineland : "Si on ne fait rien, ils vont tous mourir les uns après les autres"

Publié le Mardi 13 Octobre 2015
Anaïs Orieul
Par Anaïs Orieul Journaliste
Mort d'une orque à Marineland : à quand la fermeture du parc ?
Mort d'une orque à Marineland : à quand la fermeture du parc ?
Une orque de 19 ans est morte au Marineland d'Antibes ce lundi 12 octobre, une semaine après les violentes intempéries qui ont touché la Côte d'Azur et endommagé le parc aquatique. Face à la colère des anti delphinariums, Marineland reste silencieux et promet une réouverture début 2016. Mais les mammifères marins restants survivront-ils jusque-là ?
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Il y a encore quelques jours, le directeur animalier de Marineland d'Antibes, Jon Kershaw, affirmait à Sciences et Avenir que les mammifères marins étaient hors de danger après les violentes intempéries qui ont dévasté le parc. Mais ce lundi 12 octobre, la triste nouvelle est finalement tombée : Valentin, une orque de 19 ans née en captivité, est morte. Dans un communiqué, les équipes sont formelles : "Nous n'avons à cette heure aucune explication sur les causes du décès, nous allons tout faire pour comprendre". Mais pouvons-nous continuer à croire les informations qui nous parviennent du Marineland d'Antibes ?

Alors que le parc a annoncé que les pompes avaient été remises en état et que l'eau était à nouveau propre et que le député Les Républicains des Alpes-Maritimes Eric Ciotti avait constaté que le bassin des orques "est redevenu presque aussi clair qu'avant", les informations obtenues par l'association Sea Sheperd France révèlent tout le contraire. D'après une source sur place, la visibilité dans le bassin des orques ne dépasse pas les 50 centimètres. On note aussi la présence en surface d'une mousse blanche et marron (photos à l'appui) et d'une boue collante composée d'hydrocarbures dans le fond. Valentin mort, les orques sont maintenant au nombre de quatre : Inouk, Moana, Keijo et Wikie. Malheureusement, les jours de la dernière sont également comptés.

Seule femelle du groupe, Wikie a été agressée par les autres orques, stressées et devenues très agressives. Isolée dans un bassin, la femelle née en captivité en 2001 ne s'alimenterait plus et resterait prostrée. Parce qu'elle a été blessée dans une eau contaminée, elle pourrait également voir ses blessures s'infecter. La source de Sea Sheperd France confie le coeur lourd : "Ce spectacle est désolant, j'en ai la gorge serrée et une grande tristesse intérieure. Et ces bassins sont minuscules... J'ai un gros sentiment de honte".

"Si on ne fait rien, Wikie est la prochaine sur la liste"

A ce jour, Marineland déplore la mort d'une orque, de quatre tortues, de raies, de poissons, de petits loups de mer, et de certains petits animaux de Kid's Island, comme les lapins, les cochons d'Inde, les poules, les chèvres et les moutons. Mais selon l'association Code Animal interrogée par Sciences et Avenir, plus de 50% des animaux seraient en fait décédés. Les nombreuses organisations de défense des animaux s'interrogent ainsi sur le sort des trois ours polaires et des huit dauphins dont Marineland au sujet desquels Marineland ne donne pas ou peu d'informations.

Quant aux orques, leurs défenseurs craignent qu'elles ne survivent pas à ce carnage. Contactée par nos soins, Christine Grandjean, présidente de l'association C'est Assez qui lutte contre la captivité des cétacés, estime : "Je pense que Wikie sera la prochaine. Aucun animal marin déjà fragilisé par la captivité, le chlore et tous les médicaments qu'il ingère en permanence, ne peut survivre à un bassin de microbes et de boue. Si on ne fait rien, si on ne les évacue pas tout de suite dans de l'eau de mer, ils vont tous mourir les uns après les autres".

"Vendredi, tout va très bien. Lundi, Valentin est mort"

Aujourd'hui, ce que les ONG et associations reprochent surtout à Marineland, c'est son opacité et ses informations contradictoires. La Fondation Brigitte Bardot déplore : "Dès qu'il y a des morts, on n'a pas d'information. Parfois, quand un dauphine meurt, ils le cachent". Sea Sheperd France ajoute : "Le directeur du Marineland a rapporté qu'il y a eu de "la casse animale" au lieu de dire que des animaux étaient morts ou blessés. Il a parlé aux médias en présentant la mort de certains animaux comme une simple perte de propriété".

Christine Grandjean est également formelle : si on ne peut pas accuser officiellement Marineland de rétention d'informations, le parc reste toujours dans le flou. Elle estime ainsi : "Quand on les écoute, tout va toujours très bien. Quand un animal meurt, personne n'en parle, on nous dit que l'eau est toujours très propre, que les animaux vont bien... mais la réalité n'est pas en phase avec ce qu'ils veulent bien nous dire. Je pense qu'il y a une espèce d'omerta, mais malheureusement, on n'a pas de preuves. Il faut donc regarder les faits : vendredi tout allait très bien. Lundi, Valentin était mort. On ne dit pas qu'ils font de la rétention d'informations, mais ce qui est sûre, c'est que leurs informations ne sont pas claires".

Comme beaucoup de défenseurs des animaux, Christine Grandjean se demande aussi si Valentin est vraiment mort ce lundi et pas avant, car des grues étaient présentes sur le site depuis plusieurs jours : "On ne sait pas depuis combien de temps il était décédé. Peut-être qu'il était mort depuis deux jours... Il y a quand même des grues qui ont commencé à circuler la semaine dernière. Et les grues en général ça sert à évacuer les corps des mammifères marins". Si cette rumeur s'avérait vrai, cela voudrait alors dire que les orques qui ont survécu ont partagé leur bassin avec le corps de leur congénère plus d'une journée. De quoi largement traumatiser ces animaux réputés pour leur grande empathie et leur comportement très sociable.

Les delphinariums ferment, mais pas en France

Malgré les critiques qui ne cessent de pleuvoir, Marineland compte bien rouvrir ses portes début 2016. Mais le public sera-t-il toujours au rendez-vous ? Ainsi, aux Etats-Unis, les parcs d'attraction Sea World ne sont plus à la fête. Grâce au documentaire Blackfish sorti en 2013, un boycott presque inconscient semble s'être mis en place dans la tête des gens. Les touristes désertent Sea World et cela se ressent sur le chiffre d'affaires, en berne depuis début 2014. En Europe aussi, on sent un éveil des consciences. Douze pays ont ainsi interdit les delphinariums pendant que la France subsiste avec quatre parcs proposés au public.

Le sort tragique de Valentin et le futur incertain de Wikie, Inouk, Moana et Keijo ne pousseront sûrement pas Marineland à fermer ses portes, mais peut-être un désintérêt croissant du public sera-t-il la planche de salut de ces pauvres bêtes. En attendant, la présidente de C'est Assez navigue entre l'incertitude et l'optimisme :

"On va s'apercevoir que les animaux n'ont pas à subir la captivité parce qu'ils ont tous une conscience et des liens sentimentaux. Je pense que tout ça va bientôt se terminer. Mais c'est comme la corrida et bien d'autres choses, il y a beaucoup de lobbies derrière, beaucoup d'argent, beaucoup de menaces de mettre des gens au chômage. Pour l'instant, c'est l'argent qui est brandi comme argument, mais je ne suis pas pessimiste. Ça va bientôt se terminer. Mais d'ici-là, combien de morts ?"