Mythe du "vrai viol" : quand la société refuse la réalité de la violence faite aux femmes

Publié le Jeudi 26 Novembre 2015
Le HuffPost
Par Le HuffPost Média
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Un vrai viol, n'est-ce pas la nuit, dans une rue déserte, l'agresseur étant un inconnu armé?", "Si elle ne s'est pas débattue, n'est-ce pas parce qu'elle le voulait bien", "Comment est-il possible d'être violé(e) par son conjoint ou son partenaire?" Autant de questions encore trop souvent posées au détriment des victimes de violences sexuelles et de la réalité des chiffres. Explications.
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Chaque année, 216.000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles en France de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Cela représente 1% de la population totale. 86.000 femmes de la même tranche d'âge sont victimes chaque année de viols ou tentatives de viol. Au cours de sa vie, une femme sur cinq (20,4%) rapporte avoir été victime de viol ou tentative de viol (enquête Contexte de la Sexualité en France 2008). C'est sans compter les mineures, qui représentent 81% des victimes de violences sexuelles, selon une enquête publiée en mars 2015 , réalisée par l'association Mémoire traumatique et Victimologie avec le soutien de l'UNICEF.

Aussi important ces chiffres soient ils, les victimes continuent à être délaissées voire montrées du doigt. "Loi du silence, déni, impunité, absence de reconnaissance, de protection et abandon des victimes de violences sexuelles règnent encore en maître", écrit Muriel Salmona, la Présidente de l'association Mémoire traumatique et Victimologie dans son livre publié en octobre 2015, Violences sexuelles, Les 40 questions-réponses incontournables . Une ignorance et un déni autour de ce problème de société qu'il est important de rappeler en cette journée de mobilisation.

Le mythe du "vrai viol"

Aujourd'hui encore, "très peu de femmes arrivent à porter plainte, personnes ne sait où les violences sexuelles se produisent, toute la société est dans le déni", explique au HuffPost la psychiatre, auteure du livre.

Ce déni s'exprime à travers des interrogations et propos qu'on entend trop souvent lorsqu'une femme a été agressée ou violée. L'un des plus grands mythes sur le viol est, selon Muriel Salmona, celui de l'agression commise par un étranger, la nuit, dans la rue. "Un vrai viol, n'est-ce pas la nuit, dans une rue déserte, l'agresseur étant un inconnu armé et la victime une jeune femme séduisante?", écrit-elle parmi ses 23 questions sur les violences sexuelles que personnes ne devrait plus se poser. "Rien n'est plus faux, seul un faible pourcentage des viols correspond à ce 'vrai viol'", répond elle. La réalité, c'est que le viol est commis, dans la majorité des cas, par un proche, sur un mineur. "Ce n'est pas dans la rue en rentrant d'une soirée qu'une femme est le plus en danger d'être violée, c'est quand elle est enfant, chez elle, dans sa famille, à l'école, dans le cadre de ses activités parascolaires, dans les institutions de soins, ou quand elle est adulte dans son couple ou au travail", explique-t-elle dans son livre.

Autre point de déni, la façon dont une agression sexuelle est détournée en pulsion irrépressible chez un homme. Lui a un besoin insatiable, la femme, elle, devrait forcément s'y plier. Muriel Salmona remet les pendules à l'heures: "Le viol est froidement intentionnel, ce n'est pas un désir sexuel qui en est à l'origine mais une volonté de la part du violeur de soumettre, d'exercer un pouvoir en prenant possession du corps d'autrui pour l'instrumentaliser à sa guise pour son plaisir", détaille-t-elle.

Par ailleurs, l'idée selon laquelle les femmes mentent ou exagèrent est encore trop courante. Malgré les chiffres, les femmes violées ou agressées ont encore énormément de mal à parler et à se faire entendre. Seules 10% des victimes portent plainte suite à un viol ou une tentative de viol. "Le peu de victimes qui révèlent ce qu'elles ont subi courent le risque d'être mises en cause et maltraitées", écrit encore la psychiatre.

Dernier exemple en date, une femme est agressée dans un train. Lorsque que le conducteur du train fait une demande d'intervention, on lui répond au bout du fil: "Bah elle est pas morte!" Comme si c'était la seule raison pour laquelle une agression devait attirer l'attention.

"Culture du viol"

Comment expliquer ce déni des violences? "On est devant une volonté de ne pas reconnaître la réalité, on veut continuer à exercer des violences", déplore Muriel Salmona. "Seuls 1,5% des violeurs sont condamnés. Si on touche à ce système, il implose. Surtout quand les agresseurs sont des membres de la famille, qui est une zone de non-droit", ajoute-t-elle.

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