Elle dénonce ces influenceuses blanches qui prétendent être noires sur Instagram

Publié le Vendredi 16 Novembre 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Un tuto d'Emma Hallberg
Un tuto d'Emma Hallberg
Pour capitaliser et faire du profit sur des looks et des tendances à la mode, des instagrammeuses n'hésitent pas à se grimmer en femmes noires pour entretenir un mensonge ou un doute sur leur couleur de peau.
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C'est un thread [un fil de messages sur Twitter] qu'on a vu apparaître sur notre Twitter avec un effarement total et absolu. Ce fil du compte @niggerfished compilait tous les comptes de femmes blanches qui font ce qu'elle appelle du "niggerfishing". Le fait pour une femme blanche de s'approprier les caractéristiques d'une femme noire pour en tirer profit et prestige, mais sans les inconvénients qui vont avec. Ce compte a depuis été suspendu.

Mais celle qui est à l'origine du lancement de cette conversation sur Twitter, c'est l'autrice et militante afro-américaine Wanna Thompson. Le 6 novembre, elle lance un tweet où elle écrit : "Peut-on commencer un fil de discussion et poster toutes les filles blanches faisant du cosplay (jouer un personnage en imitant son costume, ses cheveux- ndlr) en tant que femmes noires sur Instagram ? Diffusons-les parce que c'est alarmant !"

Elle répond à un tweet qu'elle voit passer sur le sujet et décide de dérouler sur ce phénomène qu'elle voit depuis beaucoup trop longtemps sur internet.

Les internautes sont parti·es à la pêche de ces femmes blanches qui se noircissent la peau pour paraître noires.

L'une d'entre elles, Emma Hallberg, une Suédoise de 19 ans, a répondu aux critiques. Au site Buzzfeed, celle qui a 193 000 abonné·es sur Instagram explique qu'elle s'identifie comme "blanche". Elle nie avoir utilisé des autobronzants et n'a jamais "prétendu ou essayé d'être noire ou autre chose". Emma Hallberg prétend que sa couleur de peau est dû à son hâle : "J'obtiens un bronzage plus foncé naturellement grâce au soleil."

Pour expliquer ce phénomène et le décrypter, Wanna Thompson a écrit un article pour le site Paper : "Comment les femmes blanches d'Instagram profitent des femmes noires". Elle décrit un phénomène d'appropriation récurrente de look et de styles des femmes noires par des femmes blanches. Sauf que "ces femmes ont le luxe de choisir les aspects qu'elles veulent imiter sans s'occuper pleinement des conséquences de la négritude".

Elle décrit des instagrameuses qui capitalisent sur cette "négritude" pour attirer les abonné·es qui les croient noires, mais aussi les sponsors, qui ne vont pas à des vraies personnes noires : "Elles portent des traits des femmes noires comme un costume, avec de nombreux produits de remplissage pour les lèvres, des bronzages foncés et des tentatives de manipulation de la texture de leurs cheveux."

Emma Hallberg n'est d'ailleurs pas la seule à dire que sa couleur de peau a changé grâce au bronzage. Elle a également posté un tuto sur Youtube pour expliquer avec un pinceau comment elle obtient ce teint "brillant".

Cette pratique du "nigger fishing" rend Wanna Thompson d'autant plus furieuse que "les femmes noires doivent travailler deux fois plus durement pour obtenir les mêmes avantages, sinon moins, que les femmes blanches dans ces espaces, et lorsque les influenceuses blanches sont récompensés par des partenariats et le parrainage de marques sous le prétexte pernicieux qu'elles sont racialement ambiguës."

Certains profils de ces femmes sont perturbants pour cette pratique. Il semble également que certaines aient un rapport particulièrement malsain à leur corps, affichant des tailles extrêmement fines comparées au reste de leur corps par exemple, ou semblant avoir eu recours à de la chirurgie esthétique.

Dans une interview pour HelloGiggles, celle qui est devenue une sorte de "lanceuse d'alerte", Wanna Thompson, appelle à un réveil des consciences : "Les femmes blanches veulent les avantages d'être noires sans assumer les responsabilités qui en découlent. Elles voient les caractéristiques que les femmes noires ont la chance d'avoir, et font littéralement n'importe quoi pour l'obtenir. Cette forme de 'blackface' est encore plus offensante parce qu'elles n'essaient même pas de le cacher."

La principale incriminée, Emma Hallberg, ne semble pas ébranlée par le bad buzz. Celle qui avait eu un article dans Teen Vogue en mai dernier poste de nouveau sur Instagram comme si de rien n'était.