No Land's Song : un hymne féministe à la liberté et à la musique en Iran

Publié le Mercredi 16 Mars 2016
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
La compositrice iranienne Sara Najafi
La compositrice iranienne Sara Najafi
En Iran, depuis la révolution islamique, les femmes sont interdites de chanter en public, sous peine d'être emprisonnées. Un interdit arbitraire qui a poussé la compositrice Sara Najafi à organiser en 2013 un concert de chanteuses à Téhéran. Le documentaire "No Land's Song", aujourd'hui en salle, retrace son combat.
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"Nous ne sommes pas encore prêts pour ça." C'est la réponse que donne un habitant de Téhéran à Parvin Namazi, l'une des plus grandes voix persanes traditionnelles lorsqu'elle lui demande ce qu'il pense des femmes qui chantent. Comme la mezzo-soprano Sayeh Sodeyfi, la Tunisienne Emel Mathlouthi et les Françaises Jeanne Cherhal et Elise Caron, Parvin Namazi a accepté de répondre à l'appel de la compositrice Sara Najafi. Ensemble, elles ont décidé de braver l'interdit pour monter en 2013 un concert de femmes solistes à Téhéran. Leur combat pour la liberté de chanter et les droits des femmes en Iran est retracé dans le documentaire No Land's Song, qui sort ce 16 mars au cinéma.

La voix des femmes comme hymne de la liberté

Réalisé par le frère de Sara Najafi, No Land's Song est plus qu'un simple récit de l'organisation d'un concert de femmes solistes. Profondément politique et féministe, il met en lumière l'absurde interdit dont pâtissent les Iraniennes. Parce que leurs voix sont considérées comme une source de désir pour les hommes, les femmes n'ont plus le droit de chanter en public depuis la révolution de 1979. Tout juste sont-elles autorisées à chanter dans des choeurs mixtes. "C'était notre principal objectif, expliquait l'an dernier Ayat Najafi à TV5 Monde . Montrer comment fonctionne la censure de l'intérieur et en même temps la combattre."

Entièrement vêtue de noir, une caméra clandestine embarquée sous son voile, Sara Najafi pénètre même dans le ministère de la Culture et de la Guidance islamique pour réclamer, à cinq reprises, l'autorisation d'organiser un concert de voix féminines. Elle finira par l'obtenir, à force d'abnégation, et après avoir essuyé pas mal de déceptions, comme lorsque la demande de visa de Jeanne Cherhal et Elise Caron est dans un premier temps refusée par les autorités iraniennes.

"Je devais rester polie et calme, jamais m'énerver. Je leur posais des questions, ils me répondaient. Et même quand je n'étais pas d'accord, je leurs disais 'oui bien sûr', raconte Sara Najafi. Mais après trois ou quatre visites, j'ai vraiment pleuré. C'était trop difficile pour moi. Mais j'arrivais à reprendre courage et me disais que c'était encore possible. Les chanteuses iraniennes m'ont beaucoup soutenue dans ces moments-là."

Mais No Land's Song est aussi plus qu'un documentaire sur le conservatisme du gouvernement iranien. C'est un formidable hommage aux musiciennes et la preuve qu'en donnant de la voix et ne se départissant jamais de son sens de l'humour malgré les discours ubuesques tenus par les théologiens, il est possible de donner corps à ses projets. Interdit de projection en Iran, on espère que No Land's Song, porté à bout de bras par Sara Najafi, finira pas obtenir la résonnance qu'il mérite.

No Land's Song d'Ayat Najafi, 1h35, au cinéma le 16 mars 2016.