Avec son second-métrage L'Animale, Katharina Mückstein se pose en exploratrice. A travers le portrait de Mati, ado dure à cuire qui traîne avec sa clique de mecs à moto, la réalisatrice autrichienne de 36 ans interroge les questions de genre et d'identité. Et ausculte le désir prisonnier des normes hétérocentrées et du modèle patriarcal.
Alors que Katharina Mückstein présente L'Animale en compétition officielle des Arcs Film Festival 2018, nous l'avons interrogée sur sa place de femme dans le milieu encore très masculin de la réalisation et sur ses inspirations.
Je suppose que les stéréotypes genrés qui impactent chaque strate de notre société, relations et valeurs se mettent en travers des femmes qui tentent d'accomplir de grandes choses. Pas seulement dans le cinéma, partout ! C'est difficile de faire de la réalisation pour tout le monde, quel que soit ton genre. Mais malheureusement, les filles encore aujourd'hui sont éduquées pour croire que le pouvoir et la compétence peuvent les rendre peu attrayantes. Nous sommes élevées pour douter de notre propre jugement et de nos décisions tout le temps.
Donc il est extrêmement rare qu'une femme trouve le courage et la confiance pour devenir réalisatrice. Et quand tu es ENFIN réalisatrice, tu auras à affronter beaucoup de conneries. Les gens vont remettre en question tes qualifications, ils vont essayer de te rabaisser. La société a un énorme problème à montrer un peu d'admiration et de respect pour les femmes artistes et cela se ressent beaucoup quand tu es réalisatrice.
Oui, bien sûr. Et si une femme de l'industrie prétend le contraire, c'est qu'elle n'a probablement pas vraiment fait attention...
L'Autriche a eu de très impressionnantes réalisatrices de films d'auteur ces vingt dernières années et un réseau très fort de femmes travaillant dans le milieu du cinéma. C'est intéressant car il semble y avoir un espace pour les jeunes femmes qui veulent faire leur premier film, mais il semble aussi qu'il soit devenu très dur de faire un second et un troisième film.
Je crois que le mouvement #MeToo a été très important dans l'industrie et j'espère qu'aujourd'hui, la majorité des femmes essaieront de parler du harcèlement sexuel ou des déviances. Je pense aussi que les agresseurs savent maintenant qu'ils sont observés et qu'ils craignent de perdre leur pouvoir et leur carrière. C'est une bonne chose ! Nous commençons à parler d'égalité dans notre business et je pense que nous allons continuer à le faire.
Je pense que mon cinéma fait la part belle au "queer gaze". C'est un regard qui n'essaie pas de reproduire les stéréotypes, qui n'essaie pas d'exploiter l'aura exotique de "l'autre", mais qui veut insuffler la beauté excitante de ce que nous pouvons voir derrière la surface de chaque personne.
Cela change tout le temps ! Je dirais Beau travail de Claire Denis et Todo Modo d'Elio Petri.
L'écrivaine Simone de Beauvoir.
Cette année, j'ai adoré la série Dietland !
Je ne rêve pas vraiment d'actrices. J'aime travailler avec des actrices qui sont intenses et disciplinées, des femmes à l'esprit aiguisé, qui ont un grand coeur, qui s'aiment et n'ont pas peur de remplir l'espace cinématographique de leur corps puissant et de leur voix.
L'écrivaine autrichienne et prix Nobel de littérature Elfriede Jelinek, la philosophe et activiste Angela Davis et la peintre autrichienne Maria Lassnig.
J'ai voyagé tout au long de l'année 2018 pour mon film L'Animale et j'ai été tellement inspirée par tant de femmes réalisatrices et de productrices à travers le monde. De grandes artistes et des femmes fortes.