Roland-Garros 2016 : les joueuses françaises montent au filet contre le sexisme

Publié le Vendredi 27 Mai 2016
Jessica Dufour
Par Jessica Dufour Journaliste
Roland-Garros : les joueuses françaises montent au filet contre le sexisme
Roland-Garros : les joueuses françaises montent au filet contre le sexisme
Moins payées mais aussi moins médiatisées. En matière de sport, à l'image de la société, il s'avère tout aussi difficile de parler d'égalité. Et pour preuve, la programmation de France Télévisions pour Roland-Garros, mettant à l'écart les matchs féminins. Le sport, dernier bastion du sexisme ?
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Depuis le 22 mai 2016 et durant quinze jours, nombreuses sont les personnes à pouvoir suivre à la télévision les matchs de tennis de Roland Garros. Comme tous les ans, le groupe France Télévisions met place un incroyable dispositif afin de proposer aux spectateurs le plus de matchs possibles, à partir de 15 heures. Ou plutôt seulement une partie des matchs, selon plusieurs tenniswomen françaises. Plus précisément, celles-ci reprochent à France 2 de préférer diffuser les matchs des hommes à ceux des femmes.

Consternées, elles tentent de faire entendre leur voix sur les réseaux sociaux, comme Alizé Cornet qui s'est exprimée en début de semaine sur Twitter.

Un message soutenu par de nombreux internautes mais aussi d'autres joueuses, comme Caroline Garcia. Pourtant, la polémique n'a pas désenflé et France Télévisions semble faire la sourde oreille.

"Nous ne sommes pas remontées mais simplement attristées que les matchs du tableau féminin soient si peu diffusés. C'est comme chez les hommes, il y a des matchs pourris. Ils devraient nous donner plus de crédit. Il y a beaucoup de passionnés de tennis en général qui seraient ravis d'en voir plus. Roland Garros est la fête du tennis", se désole la joueuse niçoise.

Femme, sport et média : une équation difficile

Interrogée par le site Sports.fr, Caroline Garcia - deuxième joueuse française et 40e mondiale - dénonce également les déclarations de certains journalistes de France Télévisions tenues durant une interview accordée au magazine Télé Loisirs, en les qualifiant de "scandaleux". Ainsi, Laurent Luyat avait notamment estimé : "Si jamais Serena Williams a un souci et est éliminée prématurément, on va se retrouver avec un tournoi féminin particulièrement soporifique."

Quant à Pauline Parmentier (qui s'est par ailleurs qualifiée pour le troisième tour de Roland-Garros jeudi 26 mai), elle a, elle, profité d'une conférence de presse pour s'exprimer sur le sujet : "Nous, on souffre un peu de la médiatisation, c'est vrai mais je pense que c'est le sport féminin en général. C'est un peu dur. On essaye de montrer un peu notre tête. [...] Aujourd'hui, certes il n'y a pas de [Française dans le] Top 10, mais on est quand même là. C'est un peu dur de ne pas du tout exister. [...] C'est juste que quand il y a un petit truc, on aimerait avoir un peu de reconnaissance ou de visibilité. ". A titre indicatif, en 2012, les compétitions sportives féminines ne représentaient que 7% du volume horaire global des retransmissions sportives, selon une étude Havas Sport datant de 2013.

En somme, des propos aberrants surtout de la part de journalistes sportifs et ne sont pas sans nous rappeler ceux de Pierre Coubertin, fondateur des Jeux Olympiques modernes. Lors des JO de 1912 à Stockholm, il avait alors affirmé qu'"Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. Le véritable héros olympique est, à mes yeux, l'adulte mâle individuel. Les JO doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs".

Une situation d'autant plus difficile pour les sportives de haut niveau qui, malgré leurs qualités athlétiques, peinent à faire reconnaître leur disciplines et par conséquent à attirer de possibles sponsors - ou tout du moins pas autant que leurs confrères masculins. Puisqu'il faut savoir que, le sport étant ancré dans un cercle économique où l'argent est souvent roi, la médiatisation de celui-ci a irrémédiablement des conséquences sur le montant des salaires, le prix des transferts et le budget des clubs. Alors, à quand une réelle prise de conscience ?