Séparation : faut-il opter pour la garde alternée des enfants ?

Publié le Lundi 04 Avril 2016
Dorothée Louessard
Par Dorothée Louessard Journaliste
La garde alternée, un bon compromis ?
La garde alternée, un bon compromis ?
En cas de séparation, la garde alternée est de plus en plus prisée par les parents. Mais dans quels cas opte-t-on pour ce mode de résidence, quels sont ses avantages et les risques qu'elle peut engendrer ? La pédiatre Edwige Antier nous éclaire.
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D'après les dernières statistiques révélées par l'Insee, en 2009, 76 % des enfants dont les parents ont divorcé (incluant les séparations et les pacs) l'an passé sont gardés principalement par la mère et 9 % par le père. La résidence alternée, en augmentation constante depuis les années 2000, concerne 15 % des enfants.

Nous avons demandé à Edwige Antier, pédiatre et auteur de nombreux ouvrages spécialisés, également co-auteur de la pièce "Garde Alternée" (qui se joue actuellement au Théâtre de la Gaîté-Montparnasse et évoque avec justesse et humour les aléas de la garde d'un enfant en cas de divorce) de nous parler de ce mode de garde de plus en plus plébiscité par les parents séparés.

Terrafemina : La résidence alternée doit-elle être officialisée devant un juge ?
Edwige Antier : Pas forcément. Si les parents s'entendent bien, ils peuvent l'organiser par un accord entre eux. Il est cependant souhaitable de le mettre par écrit, cela devient une "convention", qui peut être vérifiée par leurs avocats. Lorsqu'un désaccord survient - c'est fréquent, car la vie des parents évolue - ils peuvent alors faire valider leur séparation devant le juge aux Affaires familiales, et celui-ci se chargera de vérifier que la convention est équilibrée, dans l'intérêt de l'enfant. Si la garde alternée établie par les parents a bien fonctionné, ce sera une bonne base de départ.

T.F : Quels sont les avantages de ce mode de garde ?
E.A : La garde alternée permet, avant tout, de ne pas éliminer un parent de la vie de l'enfant. Dans le système classique appelé 1-3-5 (l'un des parents garde l'enfant en semaine, l'autre durant les week-ends), le père, qui obtient plus rarement la garde principale, peut être démissionnaire et se désintéresser de l'enfant. A l'adolescence, les conflits sont alors focalisés sur la mère qui n'a personne sur qui s'appuyer. Et inversement, dans le cas où c'est le père qui a l'enfant à sa charge. En optant pour ce mode de garde, on évite, généralement, ce type de problème.


T.F : Quels sont les principaux inconvénients ?
E.A : Quand la garde alternée est conçue comme un "droit" de chaque parent, il y a souvent des périodes où l'enfant a d'autres besoins qui ne sont pas entendus. Il faut - et c'est ce que l'on voit dans la pièce de théâtre - pouvoir écouter l'enfant et tenter autant que possible de répondre à ses besoins. On comprend que cette demande des parents recouvre alors toute l'histoire de leur couple, de leur désir d'enfant... En mettant d'abord de l'ordre dans ces émotions, on permet à l'enfant de mieux trouver sa place.

T.F : Y a-t-il un âge avant lequel l'enfant n'est pas prêt pour ce mode de résidence ?
E.A : Oui, dans leur bon sens, les parents se rendent compte que le jeune enfant a besoin d'une maison et de repères stables. Il est rare qu'ils demandent la garde alternée avant l'âge de 6 ans. (En effet, d'après les chiffres de l'Insee, les couples divorcés ou séparés et parents d'enfants âgés entre 6 et 10 ans sont 21%, soit les plus nombreux à opter pour la garde alternée- Ndlr)


A l'adolescence, l'enfant doit pouvoir choisir. Mais souvent, il n'ose pas dire ses volontés et alors, il se met en refus scolaire et est victime de troubles du comportement, comme on le voit dans la pièce. C'est là que l'intervention d'un psy peut s'avérer utile.

T.F : La pension alimentaire disparaît-elle systématiquement dans le cadre d'une garde alternée ?
E.A : La pension alimentaire a pour objet de contribuer aux dépenses liées à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. De fait, si les dépenses sont également réparties entre les deux parents, elle peut être adaptée, voire disparaître.

T.F : La garde alternée est-elle réservée aux foyers les plus aisés ?
E.A : Elle suppose que chaque parent dispose d'un logement suffisamment grand pour accueillir les enfants, dans un quartier proche afin qu'il puisse se rendre facilement à école. Cela demande en effet de doublonner beaucoup de moyens, de fait, ce choix est plus fréquent chez les parents aux revenus élevés.

T.F : Des conseils pour maximiser les chances d'une garde alternée réussie ?
E.A : Mon conseil de base est de répondre en priorité à l'intérêt supérieur de l'enfant. Et non de considérer que chacun a des "droits" sur lui. L'idéal est donc de s'entendre et d'assurer à son enfant que "ce qui compte pour moi, c'est que tu te sentes heureux. Tu peux vouloir une autre organisation, je t'aimerai toujours et serai toujours là".


Il faut également savoir faire la paix malgré les blessures de la séparation. C'est pourquoi la "Loi famille" insiste sur la médiation parentale, et sur la nécessité d'un commun accord avant que l'un des parents ne déménage.

Enfin, quel que soit le mode de garde, l'enfant porte bien souvent sur ses épaules les chagrins des parents, c'est pourquoi il lui faut un endroit neutre pour se faire comprendre, et se comprendre lui-même. Il peut donc être conseillé de faire appel à un pédopsychiatre qui va offrir à l'enfant de s'exprimer librement et tenter d'aider la famille à résoudre ses conflits.

Merci à Edwige Antier, pédiatre et ancienne interne des Hôpitaux de Paris, co-auteur avec Louis-Michel Colla de la pièce de théâtre "Garde Alternée", au Théâtre de la Gaîté-Montparnasse.