La pandémie de Covid-19 n'est pas vraiment propice à l'épanouissement des corps. Ni des coeurs, d'ailleurs. Si beaucoup ont pu sentir dans leur foyer, à échelle individuelle, que les conditions psychologiques n'étaient pas au rendez-vous pour se laisser aller à des ébats fréquents et, surtout, satisfaisants, les Françaises en paieraient davantage le prix que les autres. Et ce, depuis bien plus longtemps que la mise en place de restrictions sanitaires, identifiées maintes fois comme le principal facteur de cette décroissance de désir et de plaisir.
C'est en tout cas ce qu'une récente étude de l'Ifop pour la plateforme de contenu pour adulte Pokmi révèle. Une analyse appuyée par des chiffres évocateurs, surtout de notre côté de l'Europe. "C'est dans l'Hexagone que l'on compte le plus de femmes insatisfaites de leur vie sexuelle", affirme ainsi l'étude. "35%, soit beaucoup plus que dans des pays du Nord comme l'Allemagne (23%) ou le Royaume-Uni (27%)". Et même entre 5 et 7 points de plus qu'en Italie ou en Espagne.
François Kraus, directeur de l'expertise "Genre, sexualités et santé sexuelle" à l'Ifop, dissèque ainsi : "La plus forte insatisfaction mesurée en France tient sans doute à des éléments culturels - comme l'injonction à la performance qui pousse à des pratiques qui ne sont pas les plus épanouissantes - mais surtout à une pluralité de facteurs (ex : forte consommation d'antidépresseurs, chômage élevé, stress lié à vie professionnelle, conditions de confinement...) qui s'avèrent défavorables à cet épanouissement sans pour autant relever de leur sexualité stricto sensu."
Mais ce n'est pas tout. L'expert relève également une tendance à la baisse dans l'engouement pour certaines façons de faire l'amour. Plus précisément, "une certaine désaffection des Européennes pour les jeux sexuels dont le seul intérêt est de marquer une forme de soumission symbolique à leur partenaire masculin", note le rapport. Un constat qu'il associe aux effets du mouvement #MeToo, et à l'émancipation féminine qui en a résulté.
"C'est particulièrement le cas des pratiques faciales popularisées par les films X depuis une quinzaine d'années", lit-on. Par exemple, en France, la "biffle" a perdu 9 points en 5 ans, l'éjaculation faciale 6 points. Et même bilan pour les pratiques "bucco-génitales n'apportant pas de plaisir physiologique direct à leur partenaire comme l'ingestion de sperme après une fellation", qui sont passées de 46 % de popularité à 33 % entre 2016 et 2021. Pour ce qui est du plaisir prostatique chez les hommes hétérosexuels en revanche, la tendance est à la hausse.
Pour François Kraus, il s'agit ni plus ni moins d'une remise en cause du clivage "pénétrant/pénétré", et par conséquent, des rapports de domination. "Tendant à briser les idées reçues sur la sexualité hétérosexuelle, ces données montrent ainsi que si les relations intimes entre hommes et femmes restent dominées par une polarité de genre, la 'versatilité' est désormais une situation plus courante que ne la montre par exemple la pornographie mainstream." Une nouvelle dont on ne boude pas le plaisir.