"Qui aurait cru que les gens puissent s'émouvoir autant d'une épaule...", lance Tracy Brabin sur Twitter, ce mardi 4 février. La veille, la députée britannique du parti travailliste (Labour Party en VO) a pris la parole à la Chambre des communes, au sein du Parlement, sur le fait que des journalistes ont été invités à quitter un point de presse de Downing Street sur la prochaine étape des négociations de Brexit. Au moment de s'exprimer, elle se penche pour atteindre le micro et sa robe, légèrement décolletée sur les épaules, glisse d'un côté.
Il n'en a pas fallu davantage pour que les réseaux sociaux s'enflamment (tout partirait d'un tweet qui questionne si sa tenue est "appropriée" à ses fonctions de députée) et que Tracy Brabin reçoive une salve de commentaires humiliants sur son apparence. Une réaction "tristement" routinière qui incarne "un autre exemple du sexisme auquel les femmes sont confrontées tous les jours", déclare-t-elle à la BBC. "Et pourquoi le font-ils ?", interroge-t-elle lors d'une interview pour ITV. "Parce que c'est une façon de nous faire taire. Et je ne vais pas être réduite au silence".
Élue pour remplacer la députée Jo Cox, assassinée en 2016, la politicienne considère qu'il est essentiel d'élever la voix pour d'autres femmes qui n'ont pas la possibilité de protester lorsqu'elles sont dénigrées pour leur apparence.
"Il est important que je ne laisse pas tomber les autres femmes", assure-t-elle. Elle publie alors un texte sur Twitter, en réponse aux agressions verbales qu'elle a subies. "Désolée de ne pas avoir le temps de répondre à tous vos commentaires sur ce sujet, mais je peux confirmer que je ne suis pas... une traînée, une allumeuse, sur le point d'allaiter, une prostituée, saoule". Elle assure également qu'elle n'avait ni la gueule de bois, ni ne s'était fait renverser par une poubelle à roulettes.
Une réponse brillante qui tacle les trolls, certes, mais témoigne aussi de la violence certaine avec laquelle les femmes sont traitées. Plutôt que de se concentrer sur son discours, ces téléspectateurs et téléspectatrices ont préféré réduire la présence de la députée à son physique. "C'est du sexisme quotidien", répète Tracy Brabin, "qu'une femme s'avance et que personne n'écoute ce qu'elle dit - à la place, on commente son apparence".
On se souvient, en France, des sifflets de plusieurs députés à l'attention de Cécile Duflot et de sa robe à fleurs, ou des vives critiques de la tenue colorée et des cheveux naturels de Sibeth NDiaye. Qu'on attaque une femme politique pour ses propos est une chose que la démocratie implique, qu'on l'humilie pour ce qu'elle porte tient simplement de mécanismes sexistes réducteurs.
A noter qu'afin de clore en beauté cette fausse polémique, la députée Tracy Brabin a décidé de mettre sa robe ASOS en vente sur eBay afin de collecter des fonds pour la charité. "Tout l'argent recueilli ira à Girlguiding UK pour soutenir leur travail visant à aider les filles à renforcer la confiance et l'estime de soi, dans l'espoir qu'elles grandissent pour devenir des leaders." Et toc.