Une vieille fête française qui met les vierges à l'honneur réssuscite

Publié le Vendredi 10 Août 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Fête de la rosière
Fête de la rosière
A Salency dans l'Oise, un homme veut à tout prix faire vivre le patrimoine de son village, quitte à déterrer une vieille fête sexiste qui avait pour but de mettre les filles vierges en valeur.
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Coucou, 2018 ! Ici le Moyen-âge ! Non, vous n'êtes pas dans le film des Visiteurs numéro 4 mais bien dans la vraie vie. Sachez que dans la commune de Salency dans l'Oise en 2019 sera remis en service une vielle fête datant du Ve siècle et récompensant la vierge la plus méritante du village.


Non vous ne rêvez pas. C'est un article du Parisien qui nous informe sur cette coutume qui va venir nous revisiter l'année prochaine. Le principe : "Élire une jeune habitante empreinte des valeurs du respect" à l'image de la Vierge-Marie. Pourtant, la ville avait eu la bonne idée d'enterrer cette tradition misogyne en 1987.

Cette tradition aurait été lancée par Saint Médard, originaire du coin. La gagnante de ce concours de vertus se voit remettre une couronne de roses. La première "rosière" aurait été la propre soeur de Saint Médard.


Celui qui a eu la volonté de remettre sur pied cette tradition de son village, c'est Bertrand Tribout, président de la confrérie de Saint-Médard et "historiographe local" auto-proclamé. Il avait organisé sa première fête de la Rosière en 1971.

#Malaise

Dans une interview accordée au Courrier Picard en février dernier il explique : "Il ne s'agit pas de trouver une vierge comme beaucoup le pensent, mais de dénicher dans le village, une jeune fille vertueuse, avec des dispositions à faire le bien et fuir le mal, empreinte de valeurs de respect. Ce sont des critères s'adaptant bien évidemment à notre société actuelle. Il s'agira d'une adolescente pieuse, à la conduite irréprochable."


OUUFF ! Elle ne doit plus être vierge ! Encore ça de gagné.


Tout dans le déroulé de la fête transpire le malaise total. Les filles pouvant se présenter peuvent le faire dès l'âge de 14 ans. Douze "jeunes filles de roses" ont déjà été sélectionnées par les organisateurs comme le raconte le Courrier Picard. Le journal ajoute : "La rosière choisie portera une robe blanche sobre et de coupe actuelle. Les jeunes filles l'accompagnant seront vêtues du même habit, "pour unifier le groupe", les garçons du cortège portant quant à eux un costume avec veste et cravate." Des gamines de 14 ans en robe blanche ?


Le maire Hervé Deplanque n'est pas emballé par le projet, il évoque dans le Parisien une fête "un peu dépassée" mais il a quand même promis une subvention et une aide logistique de la mairie pour faire venir du monde.

Pas un cas unique


En s'intéressant aux rosières, on découvre également qu'il en existe encore un peu partout en France, comme à Fontenay-en-Parisis où : "La Rosière est la digne représentante de la jeunesse de son village. Elle participe aux différentes manifestations du village et des villages voisins".


A Chalons-sur-Saône, c'est Line un lycéenne de 17 ans qui a gagné en mai 2018. Selon le site Info-Chalon : "Line a été présentée ce dimanche midi au clos bourguignon lors de la choucroute organisée par son comité." Elle a été présentée pendant une choucroute, comme un objet à la face du monde.

Cette fête de la Rosière n'est malheureusement pas la seule à traiter les femmes comme des objets bons à marier. Vosges Matin nous a gratifié d'un savoureux article datant de novembre 2017 et qui recensent toutes les miss de fêtes dans la région.


Souvent tourné autour des foires alimentaires, Vosges Matin fait le décompte : "Ainsi, on trouve des miss rhubarbe, beignets, coquille (d'escargots), boudin, frite, oeuf ou sardines." Pensées émues pour miss Boudin et miss Coquille, hautes représentantes des traditions culinaires de leur patelin.

Des relents de bigoterie


Le très catholique Bertrand Tribout parle de cette fête comme faisant partie du "patrimoine du village" et "assume absolument tout". Mais ce qu'il y a de bien avec le patrimoine aussi, c'est qu'on peut le mettre dans un musée pour en parler de façon critique et déconstruite. Mais contre cela, il a un argument massue, il se méfie de toute "chasse à la modernité".

Le maire lui n'en est pas à son premier argument avec Bertrand Tribout. La mairie avait en juin dernier été très critique à l'encontre d'un passage d'un livre en l'honneur du village. Dans le Courrier Picard le maire s'émeut : "Onze pages sont dédiées à l'église et à la tradition de la Rosière. L'aspect religieux est très marqué."


Cette fête de la rosière de Salency, Bertrant Tribout la veut pour les jeunes. Pas gagné avec des valeurs restées coincées dans le passé. Rendez-vous le 2 juin 2019. Certaines sur Twitter appellent déjà à des manifs de filles impures dans le village.