Sport professionnel : les femmes tentent de reprendre leurs droits

Publié le Mardi 12 Mai 2015
Helena Costa a été la première femme à entraîner une équipe de foot professionnelle (Clermont-Ferrand). Ici, en mai 2014.
Helena Costa a été la première femme à entraîner une équipe de foot professionnelle (Clermont-Ferrand). Ici, en mai 2014.
Elles sont arbitres, coaches ou agents, et se sont battues pour en arriver là. Ces femmes tentent de s'imposer dans les métiers du sport, au milieu des hommes. Malgré les obstacles, elles savent s'y prendre.
Hélène Guillaume et l'équipe du Pays d'Aix Basket.
Hélène Guillaume et l'équipe du Pays d'Aix Basket.
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"Il ne faut pas se leurrer, le sport est toujours un monde sexiste". Même si elle a passé 6 ans sur les bords des terrains de basket à entrainer des équipes d'hommes, Hélène Guillaume, 50 ans, n'est pas dupe. Cette disparité, elle l'a ressentie dès ses débuts à la tête d'une formation masculine, au Pays d'Aix Basket : "À l'époque je remplaçais un entraîneur homme, moins diplômé que moi. Pourtant, le président refusait de me payer plus. Je lui ai fait comprendre que je ne travaillais pas dans ces conditions".

Face à ce caractère affirmé, l'intéressé a dû changer d'avis, et bien lui en a pris. Hélène ne s'est pas contentée de faire monter le club en National 2, elle l'a également emmener en finale de Coupe de France en 2014, une première pour elle comme pour cette équipe.

Hélène Guillaume, coache de l'équipe du PABA lors de la finale de la Coupe de France 2014.

Malgré ces succès, la coach reste humble. Aucune femme dans le basket n'a réussi à entraîner une équipe d'hommes à un échelon supérieur : "Cela prouve bien que la mixité n'est pas encore totale dans notre sport", reprend Hélène Guillaume.

'Retourne faire ta vaisselle !'

Si cette femme entraîneur est malgré tout parvenue à gagner le respect de son milieu, toutes n'ont pas cette chance, notamment celles qui portent un sifflet à la bouche : "Un jour, je me faisais insulter par des supporters en plein match. Personne n'a réussi à les calmer, ils me criaient 'Retourne faire ta vaisselle !'". C'est le quotidien d'Anicia Hénon, l'une des 43 000 arbitres femmes (contre 167 000 hommes).

A 25 ans, la jeune femme n'a choisi d'arbitrer que des rencontres de football pour hommes. Chaque dimanche, elle enfile sa tenue pour officier les rencontres en Picardie, un exercice difficile : "C'est plus compliqué d'arbitrer des hommes. Ils ont tendance à plus contester et à moins respecter les décisions". Elle rêve de devenir arbitre central en Ligue 1 ou Ligue 2, mais pour l'instant, seule Stéphanie Frappart a réussi à s'imposer dans l'antichambre de l'élite française.

Anicia Hénon doit faire preuve de courage, car selon elle les hommes sont plus difficiles à arbitrer.
Anicia Hénon doit faire preuve de courage, car selon elle les hommes sont plus difficiles à arbitrer.

Si elle a connu des problèmes venant des tribunes, elle n'a jamais eu de mésaventures avec ses collègues. Pour Nelly Viennot, la cohabitation fut en revanche plus difficile. Cette arbitre de 53 ans, désormais à la retraite, aurait dû être la première femme à arbitrer une Coupe du monde de football pour hommes, si elle n'avait pas été éliminée aux tests physiques lors des sélections.

Dans un entretien accordé à Enquête de foot pour Canal+ en septembre 2014, elle déclare : "Un arbitre assistant m'a dit : 'Tu es une femme, donc tu cours moins vite qu'un homme. Toutes tes décisions pour les hors-jeux sont donc fausses'". Sexisme doublé de sévérité, la gent masculine se montre intransigeante envers ses pairs féminins, et ce n'est pas Helena Costa qui dira le contraire. A sa démission de son poste d'entraîneur du club de Clermont Foot, la toile n'a pas été tendre avec elle.

Plonger dans ce bain de testostérone, c'est aussi ce que vivent d'autres professionnelles du sport comme les agents de joueurs. Si là encore, faire sa place devient parfois un véritable défi, être une femme peut, dans une certaine mesure, devenir un atout.

...Mais à chacun ses armes

Marta Carvalho E Castro l'a bien compris. A 23 ans, elle faisait partie des quatre filles qui étudiaient cette année à l'Ecole des Agents de Joueurs de Football. Toutes ont l'espoir d'imiter Daphnée Bravard, l'une des rares femmes agents, et la première à avoir réalisé un transfert en Ligue 1.

Pour Marta, être une femme peut même être un élément de stratégie face à la concurrence : "Au début, ils pensent qu'on est là pour draguer, mais ils se rendent rapidement compte de quoi on est capable", explique l'étudiante. Si la jeune Portugaise n'a pas encore son diplôme, elle s'occupe déjà de plusieurs sportifs, footballeurs et boxeurs, et reconnaît que sa féminité est un plus pour son travail, surtout dans le relationnel.

Hélène Guillaume ne s'en cache pas non plus : "Avec les arbitres, ça m'a un peu aidé. Je peux m'adresser à eux d'une certaine façon. Je joue avec mes armes". Mais attention, il y a des limites à ne pas franchir. Celles de Marta sont fixées dès les présentations : "Je ne fais jamais la bise à un joueur, je serre toujours la main. Autrement, certains pensent que sous prétexte que nous sommes des femmes, ils peuvent abuser, en commençant par nous inviter à boire un verre par exemple".

Des gestes simples qui permettent d'imposer son autorité, tout en se démarquant de la concurrence. Comme l'a fait Corinne Diacre qui dirige, depuis juin 2014, le Clermont Foot, où elle est devenue la première femme a entraîner une équipe de football professionnelle d'hommes en France. En signant son contrat, elle a ouvert une porte à toutes celles qui souhaitent féminiser ce monde encore trop masculin.

Ophély Bouchakour et Sébastien Peton.

Dossier réalisé en partenariat avec les étudiants de l'Institut européen de journalisme.

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