#DontTellMeHowToDress, le hashtag qui dézingue la culture du viol en Thaïlande

Publié le Mardi 17 Avril 2018
Léa Drouelle
Par Léa Drouelle Journaliste
Songkran, le festival du Nouvel An thaïlandais. Silom, Bangkok, Thaïlande
Songkran, le festival du Nouvel An thaïlandais. Silom, Bangkok, Thaïlande
Révoltée par les propos d'un représentant du gouvernement de Thaïlande à propos de la tenue des femmes lors du festival du Nouvel an bouddhiste, l'actrice et mannequin américano-thaïlandaise Cindy Sirinya Bishop a lancé une campagne sur les réseaux sociaux, symbolisé par les hashtags #DontTellMeHowToDress et #TellMentorespect. De nombreuses Thaïlandaises ont rejoint le mouvement.
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"Ne me dis pas comment je dois m'habiller" ("Dont Tell Me How To Dress"). Voici le nouveau hashtag des femmes thaïlandaises, en réaction à l'annonce d'un représentant du gouvernement local thaïlandais peu de temps après l'édition du célèbre festival de Songkran. Destiné à célébrer le nouvel an bouddhique, cet événement- qui cette année s'est déroulé du 13 au 15 avril- est réputé pour ses batailles d'eau géantes... mais pas que. D'après une enquête de l'association Women and Men Progressive Movement Foundation (WMPMF), 59 % des filles âgées de 10 à 40 ans ont déclaré avoir été victimes de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle pendant le festival du Nouvel An thaïlandais.

Conscient de ce problème, le gouvernement thaïlandais a réagi et annoncé qu'il comptait interdire à tous les participants de porter une tenue "sexy" ou de danser de façon provocante, rapporte le journal thaïlandais The Bangkok Post. Ce genre d'attitude qui consiste à demander aux victimes d'éviter les accoutrements affriolants pour échapper aux agressions- autrement dit à rejeter la faute sur les victimes et non sur les agresseurs- porte un nom : la culture du viol. Ou comment banaliser un crime sexuel puni par la loi.

L'actrice Cindy Sirinya Bishop à l'origine du mouvement #DontTellMeHowToDress

Les propos du gouvernement ont immédiatement déclenché une vague d'indignation sur les réseaux sociaux. C'est Cindy Sirinya Bishop, mannequin et actrice américano-thaïlandaise basée à Bangkok, qui a lancé le hashtag #DontTellMeHowToDress en diffusant une vidéo sur son compte Facebook intitulée "Don't tell me how to dress". Dans son témoignage, Cindy Bishop raconte qu'elle a été agressée une année lors du Songkran Festival. Elle y dénonce notamment "une société trop conservatrice" et une culture du viol encore trop présente dans le pays. "L'alcool et la fête ne donnent pas le droit de toucher le corps des femmes", rappelle-t-elle.

Sa publication n'a pas tardé pas à devenir virale : elle compte aujourd'hui plus de 7000 vues. "Je suis honnêtement éblouie et honorée par le soutien massif de tout le monde pour ma campagne #donttellmehowtodress, qui a attiré l'attention des médias du monde entier. Merci de m'avoir aidé à diffuser mon message et à amplifier ma voix sur cette question", a écrit l'actrice sur Twitter.

#Tellmentorespect

De nombreuses femmes ont en effet rejoint le mouvement sur les réseaux sociaux, en brandissant le hashtag #DontTellMeHowToDress, à la manière de #BalanceTonPorc ou de #Metoo. Les réactions en masse des internautes ont d'ailleurs donné naissance à un autre hashtag sur les réseaux sociaux : #Tellmentorespect.

En constatant l'ampleur du phénomène, la fondation WMPMF a organisé un événement et invité Cindy Bishop afin de démontrer, qu'en aucun cas la tenue vestimentaire n'influe sur une agression sexuelle. Plusieurs victimes du festival Songkran étaient également présentes. Le site Bloomberg, va jusqu'à comparer l'ampleur du mouvement #DontTellMeHowToDress à celle du phénomène de société incarné par le hashtag #MeToo.

"Bien sûr, rien dans les "conseils" du gouvernement ne dit aux hommes de ne pas se comporter comme des prédateurs"

"Mon pantalon de survêtement et mon sweat-shirt préférés sont toujours dans mon kit de viol au laboratoire criminel de l'Etat."

Malheureusement, la Thaïlande est loin d'être le seul pays où les agressions sexuelles pendant les festivals font rage. En février dernier, des militantes ont défilé dans les rues pour protester contre les nombreuses agressions sexuelles subies chaque année par les femmes lors du Carnaval de Rio. De manière générale, tous les grands rassemblements de foule représentent un lieu de tous les dangers pour les femmes qui y assistent, des festivals musicaux aux ferias basques.