Trop jeunes pour se marier : une série de photos bouleversantes dénonce les mariage forcés

Publié le Vendredi 25 Septembre 2015
Audrey Salles-Cook
Par Audrey Salles-Cook journaliste
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Pour inciter les gens à se révolter contre le mariage forcé des petites filles, la photo-journaliste Stephanie Sinclair a décidé de publier une série de clichés impressionnants. Dans la foulée, elle a également bâti son association pour tenter de changer les mentalités.
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Depuis 2003, la journaliste Stephanie Sinclair s'intéresse de près au mariage forcé des petites filles. Une expérience de terrain qui lui a permis de prendre des photos extraordinaires et de lancer son association " To Young to Wed" en 2012. Tout a commencé lors d'un voyage en Afghanistan, en 2003, quand Stephanie réalise avec horreur que 53% des femmes mariées ont moins de 18 ans. Sur le site de son association, elle explique :

"Chaque fille que j'ai rencontrée, dans chaque pays, m'a complètement brisé le coeur. En particulier celles qui étaient mariées à des hommes beaucoup plus âgés qu'elles. Ces femmes héroïques vivent leur vie comme tout le monde, mais si elles sont assez à l'aise avec vous pour évoquer leur passé, vous prenez conscience de l'énorme traumatisme qu'elles ont vécu durant leur enfance. "

Très marquée par ce phénomène, la journaliste présente son travail sur la chaîne National Geographic en 2011 et raconte les drames quotidiens dont elle a été témoin. Un témoignage bouleversant, où elle explique que certaines fillettes préfèrent se suicider plutôt que de subir le sort qui leur est réservé. Si certaines sont trop petites pour comprendre ce qui les attend, d'autres au contraire sont bien conscientes de ce qu'elles risquent. Maltraitance, viol conjugal, grossesse non désirée, rien ne leur est épargné et la tristesse qui se lit sur leur visage le jour de leur mariage est parlante.

Stephanie Sinclair a réussi à capturer ce cliché choc de ces deux fillettes contraintes d'épouser deux hommes bien plus âgés qu'elles au Yémen...
Stephanie Sinclair a réussi à capturer ce cliché choc de ces deux fillettes contraintes d'épouser deux hommes bien plus âgés qu'elles au Yémen...

Contrainte de s'unir à un homme de 25 ans, la petite Tehani, 6 ans, se tient debout à côté de son époux au Yémen. A gauche du couple, l'une de ses camarades de classe du même âge vient de se marier à un homme de 33 ans.

La petite Ghulam, effondrée le jour de son mariage forcé avec cet homme afghan âgé de 40 ans.
La petite Ghulam, effondrée le jour de son mariage forcé avec cet homme afghan âgé de 40 ans.

Autre destin brisé, celui de Ghulam, 11 ans, qui rêvait de devenir institutrice. A la place, ses parents originaires d'un petit village d'Afghanistan, ont préféré la marier de force à un homme de 40 ans. Retirée de l'école où elle se rendait avec entrain chaque jour, la voilà désormais soumise au bon vouloir de son époux...

Et la liste de ces fillettes photographiées par Stephanie le jour de leur mariage, semble sans fin. La plus jeune se nomme Rajani, elle est Indienne et elle n'a que 5 ans lorsque ses parents décident de la marier.

En Inde, le mariage des enfants est illégal, mais dans les petits villages de campagne où la pauvreté règne en maître, il est presque impossible d'y échapper...
En Inde, le mariage des enfants est illégal, mais dans les petits villages de campagne où la pauvreté règne en maître, il est presque impossible d'y échapper...

Partie à travers de nombreux pays aux origines culturelles très différentes, la reporter a tenu à préciser qu'elle ne souhaitait stigmatiser aucune religion. Des Etats-Unis au Népal, en passant par la Tanzanie, Stephanie se focalise avant tout sur les raisons de ces unions forcées. Si certaines coutumes ancestrales sont évidemment impliquées dans ce processus, c'est avant tout la pauvreté qui pousserait les familles à marier leurs filles aussi jeunes. Un cercle vicieux, qui ne ferait qu'amplifier le phénomène, puisque ces fillettes sans éducation n'auront d'autres choix que de perpétuer à leur tour cette tradition avec leurs propres enfants.

Un schéma répétitif auquel Stephanie essaye tant bien que mal de remédier au travers de sa fondation, en soutenant d'autres structures d'accueil et en encourageant d'autres photographes à se joindre à son projet. Depuis, l'idée a fait son chemin et d'autres professionnels l'ont contacté pour l'aider dans son combat. A l'image de la photographe irakienne Newsha Tavakolian, qui s'est attelée à la réalisation d'un reportage photo au sein de la Samburu Girls Fondation au Kenya. Un établissement salvateur pour de nombreuses fillettes, tirées in extremis des griffes d'un mari violent et qui profitent désormais du soutien de l'association.

La Samburu Girls Fondation apporte sécurité et éducation, à des fillettes mariées de force par leur famille au Kenya.
La Samburu Girls Fondation apporte sécurité et éducation, à des fillettes mariées de force par leur famille au Kenya.

Si le combat est encore loin d'être terminé, la journaliste peut déjà être fière de ce qu'elle a accompli. Grâce à son implication sans faille, Mejgon, 11 ans, a réussi à s'en sortir. Vendue par son père à un vieillard de 60 ans contre deux boites d'héroïne, elle vit aujourd'hui en sûreté dans une fondation créée dans la région par les Nations Unis. Après des années de violences quotidiennes, Mejgon reste traumatisée :

"De toute ma vie, je n'ai jamais expérimenté l'amour", confesse-t-elle à Stephanie 5 ans après leur première rencontre.

Après des années de clavaire, Mejgon a enfin trouvé refuge dans un établissement géré par les Nations Unis en Afghanistan.
Après des années de clavaire, Mejgon a enfin trouvé refuge dans un établissement géré par les Nations Unis en Afghanistan.

Chaque année 14.2 millions de fillettes comme Mejgon sont encore mariées de force par leur famille. Pour aider l'association dans son combat et faire une donation, c'est par ICI !