Expulsée de son logement après avoir crié sous les coups de son conjoint

Publié le Lundi 13 Août 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Ses voisin·e·s se plaignent des cris lors de scènes de violences conjugales
Ses voisin·e·s se plaignent des cris lors de scènes de violences conjugales
Une femme habitante de la Garenne-Colombes va devoir quitter son domicile avec ses deux filles après une décision du tribunal d'instance de Colombes. En cause : ses cris pendant que son conjoint la frappait indisposaient le voisinage.
À lire aussi

On a peine à y croire tellement l'information est stupéfiante. Une femme habitant à la Garenne-Colombes dans les Hauts-de-seine avec ses deux filles va peut-être devoir quitter son logement après des plaintes de ses voisin·e·s. Ils lui reprochent le bruit de ses cris lorsque son mari la frappait lors de scènes de violences conjugales.

C'est le journal Le Parisien qui a rapporté l'histoire d'Elodie, travailleuse dans la restauration, 37 ans. Alors qu'elle emménage en 2016 avec son conjoint et ses deux filles dans cette résidence de la Garennes-Colombes, il commence à devenir violent.

Elle évoque une fracture au poignet qui la laisse avec une atrophie de la main. Elle raconte au Parisien : "Il me faisait toujours des réflexions pour ça, il disait que j'étais fainéante, menteuse [...] il m'a pris mon portable. En fait, il voulait me garder que pour lui."

Un jour, son conjoint rentre à la maison à 4 heures du matin. Il la réveille, l'insulte, lui met des claques et des coups au visage. Elodie raconte : "J'ai appelé à l'aide, personne n'est venu." Le 30 mars dernier, elle décide de ne pas se laisser faire et de porter plainte. Une décision qui va au final se retourner contre elle.

Un mois plus tard, en avril, comme le raconte Le Parisien, elle est de nouveau amenée à passer par la case commissariat et son conjoint est mis en garde à vue. Il ne reviendra pas dans le logement conjugal.

Mais les voisin·e·s avaient déjà porté plainte auprès du bailleur social 3F et la plainte avait suivit son cours. Le tribunal d'instance convoque le 18 mai Elodie et son conjoint, qui sont tous deux sur le bail. La procédure se termine fin juin où le tribunal d'instance de Colombes décide finalement d'expulser Elodie et ses deux filles.

Le Parisien cite la décision du juge du tribunal : "La plainte déposée pour violence conjugale par Madame ne fait que corroborer les troubles."

Des voisin·e·s qui n'ont rien fait

Me Migueline Rosset est l'avocate d'Elodie, elle s'indigne de cette situation : "Le juge décrit une situation de véritable souffrance mais n'en tire aucune conséquence. Il aurait pu agir avec humanité et renvoyer l'affaire le temps de vérifier que Monsieur était effectivement parti du logement pour refuser alors d'expulser. Nous avons fait appel."

Dans les colonnes du Parisien, le bailleur lui assume : "Nous avons eu de nombreuses plaintes de locataires pour le bruit et des menaces proférées par Monsieur contre les résidents et la gardienne. Comme Monsieur et Madame sont tous les deux titulaires du bail, la résiliation s'applique à eux deux. Mais on entend qu'elle est victime de violences et elle n'est pas à la rue : nous travaillons à une solution de relogement."

Quand on lui demande si les voisin·e·s qui ont porté réclamation contre les cris l'ont aidé, Elodie répond : "Ben les voisins... personne ne venait me voir."

Un mot-clé sur Twitter a été lancé pour soutenir Elodie, #JesoutiensElodie, et faire pression sur le bailleur social 3F. Le compte officiel du bailleur à répondu dans un tweet.

L'histoire d'Elodie en rappelle une autre qui a malheureusement fini de manière tragique, celle d'une Brésilienne qui fin juillet a voulu échapper aux coups de son mari. Pendant quinze minutes, toute la scène a été filmée par les caméra de vidéosurveillance. Pendant quinze minutes cette femme a crié sans que personne ne vienne à son aide. Elle finira défenestrée du 5e étage sans qu'on sache si elle a voulu sauter ou si c'est son compagnon qui l'a poussée.

Cette histoire a horrifié le Brésil et le public sur les réseaux sociaux a lancé une campagne pour pousser les témoins à agir. A Nantes début août, deux hommes s'étaient eux fait passer pour la police pour sauver une femme victime de violences conjugales qu'ils avaient entendu depuis la rue.

Mise à jour 14 août

Le bailleur social qui avait promis une solution de relogement à Élodie a enfin fait une proposition selon, Migueline Rosset, l'avocate de cette femme battue par son conjoint. Elle s'est exprimée lundi 13 août en début de journée sur Twitter : "Si l3F dit qu'elle va proposer une solution de relogement... à ce jour ce n'est toujours pas fait... et ils ont entamé, le 6 juillet dernier, la procédure d'expulsion."

Puis la mobilisation a commencé à gagner Twitter grâce au deux hashtags #JeSoutiensElodie et #JusticePourElodie. Interpellé sur les réseaux sociaux, le bailleur social 3F a fini par bouger. Par la voix de Migueline Rosset, on a su qu'une solution avait pu être proposée en fin de journée lundi : "Merci à la mobilisation de tous. Un relogement vient d'être proposé à Elodie par I3F. J'attends de voir le bail pour être totalement sereine." Ce qui ne change rien au fait qu'il y a quand même une procédure d'expulsion qui a été prononcé et qui ira à son terme parce que la juge a estimé que les cris d'Élodie "dépasse[nt] les inconvénients ordinaire du voisinage."