L'interview girl power de Zabou Breitman

Publié le Jeudi 03 Mai 2018
Léa Drouelle
Par Léa Drouelle Journaliste
Zabou Breitman : son interview girl power
Elle fait partie des 26% de réalisatrices qui composent le paysage cinématographique français. Cinéaste, auteure et actrice, Zabou Breitman est membre du jury de la 3e édition de la Semaine du Cinéma Positif, qui se tiendra du 9 au 14 mai à Cannes. Elle a accepté de répondre à notre interview "girl power".
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Aussi à l'aise face à l'écran que derrière la caméra, Zabou Breitman n'a peur de rien et n'a pas la langue dans sa poche. Les faux-semblants ? Pas son truc. Zabou va droit au but. Elle aime jouer, écrire, inventer, interpréter. Côté ciné, la machinerie la passionne. N'en déplaise à ceux qui lui répondront que la "technique" ce n'est "pas pour les femmes". Quand elle aime, elle y va. Fin de l'histoire.

Un tempérament fonceur qu'elle aurait, selon ses dires, hérité de ses parents, tous deux féministes. D'ailleurs, elle a tout lu au cours de son enfance : les grands classiques littéraires et les romans à l'eau de rose comme les récits de cow-boy et les livres noirs.

C'est sans doute grâce à cette éducation émancipatrice de tout stéréotype filles-garçons qu'elle ne s'est jamais retenue de faire tout ce qui plaisait. Y compris de devenir réalisatrice, alors que ce métier est encore majoritairement représenté par les hommes.

En 2001, elle signe son premier long-métrage Se souvenir des belles choses avec l'actrice Isabelle Carré en tête d'affiche, qui lui vaut le César du meilleur film. Sa carrière de cinéaste est lancée. Elle a notamment adapté deux livres des romancières Anna Gavalda (Je l'aimais, 2008) et Delphine de Vigan (No et Moi, 2010) et tourné Dix films pour en parler (2007), une série poignante de courts-métrages sur les violences conjugales.

À l'automne dernier, Zabou Breitman signait sa première série télévisée avec Paris Etc, mini-série de 12 épisodes diffusée sur Canal + sur le destin croisé de 5 femmes qui sillonnent la capitale, au lendemain des attentats de Paris.

Artiste engagée, Zabou Breitman fera partie des membres du jury de la 3e édition de la Semaine du Cinéma Positif. Cet événement organisé du 9 mai au 14 mai pendant le festival de Cannes propose d'éveiller les consciences sur le cinéma dit "positif" autour de débats et de projections de film gratuites. Sans surprise en cette période post-affaire Weinstein, l'édition 2018 sera consacrée à la place des femmes dans la profession du cinéma.

Zabou Breitman a accepté de répondre à notre interview girl power.

Terrafemina : Avez-vous rencontré des difficultés dans votre métier en tant que cinéaste ?

Zabou Breitman : Mon père me disait toujours que je n'avais pas de raison de ne pas savoir faire ce qu'un garçon savait faire. J'ai eu une culture partagée entre une culture dite "de garçon" et une culture dite "de fille".

Je lisais tous les Tintin, toutes les BD, je suis une adepte de la science-fiction, du gore et du fantastique à une époque où ça ne se faisait pas beaucoup, je regardais tous les films de cowboys, tous les polars, tous les Hitchcock, tous les Kubrick, mais je lisais aussi du Jane Eyre qui est très "féminin". Je lisais Les trois mousquetaires, mais aussi Les malheurs de Sophie. J'ai tout lu de toutes les "catégories".

Or, je pense qu'il faut connaître toutes les catégories parce que je pense qu'il n'y en a pas une qui est plus pour les garçons et une autre qui est plus pour les filles. N'étant pas élevée comme ça, j'ai probablement moins senti de difficultés.

Par exemple, dans le milieu du cinéma, on imagine que les femmes ne connaissent pas bien la technique- ce qui est extrêmement rigolo. Moi j'adore la technique, je la connais la technique et au cinéma, j'aime la machinerie. Ça m'intéresse et je commence à bien comprendre.

Bref, je n'ai jamais eu de restrictions dans ma tête. Une femme a souvent tendance à s'autocensurer et à se dire : "Ah non, ça, je ne peux pas". Elle va se dénigrer- par habitude, car les victimes se dénigrent très facilement. Moi, cela n'a pas été mon cas, j''étais moins à l'écoute de ça car d'un revers de manche, je balayais le truc.

Vous considérez-vous comme féministe ?

Z.B. : Je ne sais pas parce que je n'ai pas eu cet élan-là, mais je ne supporte pas qu'une femme soit dénigrée tout simplement parce qu'elle est une femme.

Les trois femmes qui vous ont le plus inspirée dans votre vie ?

L'écrivaine britannique Mary Shelley (Frankenstein).

L'écrivaine Lydie Salvayre (Prix Goncourt 2014), dont je joue le spectacle La compagnie des spectres. C'est une femme éblouissante et inspirante.

Et les femmes chercheuses. Cela m'impressionne. Elles ont une double lutte et une humilité supérieure avec des diplômes supérieurs aussi. Mais il y a évidemment des hommes qui défendent tout cela, il n'y a pas que des hommes débiles et des femmes merveilleuses ! Il y aussi des femmes crétines et des hommes merveilleux.

Bande-annonce de la série "Paris Etc", co-écrite par Zabou Breitman et Anne Berest
Bande-annonce de la série "Paris Etc", co-écrite par Zabou Breitman et Anne Berest

L'héroïne de fiction que vous adoriez enfant ?

Z.B. : Adèle Blanc-Sec !

Une héroïne de série dont vous êtes fan ?

Z.B. : Les héroïnes de la série Big Little Lies.

L'avancée en matière de droits des femmes que vous attendez toujours ?

Z.B. : Il y en a beaucoup. L'avancée, elle est psychologique, elle est sociétale, elle est politique. L'avancée va se faire dans la tête des gens petit à petit. Il faut de la "ségrégation positive", il va falloir que les choses avancent de manière forcée.

Votre dernier moment "badass" ?

Z.B. : Quand j'ai pris le nom de Breitman, cela m'a rendu fière (elle a débuté sa carrière sous le nom de "Zabou", se faisant connaître notamment dans l'émission jeunesse des années 80, Récré A2- Ndlr)

Qu'est-ce qui vous révolte aujourd'hui encore en tant que femme ?

Z.B. : L'autocensure. Comme je vous le disais plus tôt, une femme va souvent renoncer parce qu'elle se dit : "Ah ben non, moi, je ne peux pas faire ça". Ça me rend dingue. Je me dis : "Mais si, tu peux ! Tu peux tout faire ou tout ce que tu veux !". L'autocensure est terrible, mais elle est induite par ce qu'on voit tout le temps.

La chanson qui vous booste ?

Z.B. : "Au village sans prétention, j'ai mauvaise réputation" (Georges Brassens- La mauvaise réputation). Cette chanson est tout simplement merveilleuse.


La 3e édition de la Semaine du Cinéma Positif se déroule du 9 au 14 mai 2018 à Cannes

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