"Débarrassez-nous des hommes" : le clip féministe qui scandalise l'Arabie saoudite

Publié le Jeudi 05 Janvier 2017
Hélène Musca
Par Hélène Musca Rédacteur
.
Extrait du clip "Hwages" de Majed Al-Esa, qui scandalise l'utraconservatrice Arabie Saoudite
Extrait du clip "Hwages" de Majed Al-Esa, qui scandalise l'utraconservatrice Arabie Saoudite
Majed Al-Esa, un réalisateur saoudien connu pour sa dénonciation du régime saoudien, est monté une nouvel fois au créneau pour défendre les libertés des femmes. Dans un clip drôle et acide, il attaque les lois répressives qui entachent les libertés des Saoudiennes.
À lire aussi

Dans un clip devenu viral, des femmes font du vélo, du roller, jouent dans des auto-tamponneuses ou dansent dans la rue : à première vue, cela n'a rien de choquant. Sauf que ces femmes portent le voile, que cette vidéo a été tournée en Arabie saoudite, et que toutes ces activités en apparence anodines sont interdites à la gente féminine par le gouvernement de cette monarchie du Golfe ultra-conservatrice et religieuse. Réalisé par Majed Al-Esa, ce clip très provocateur et féministe au possible dénonce le poids les traditions archaïques qui pèsent encore sur les Saoudiennes et atrophient toutes leurs libertés. Drôle, pertinent et corrosif.

Une critique au vitriol de l'archaïsme de la société saoudienne

Le titre, tout d'abord : la chanson qui fait trembler le royaume du Golfe s'intitule très justement "Hwages", ("Inquiètudes", en français). Et des inquiétudes, les Saoudiennes en ont à revendre : le système de tutelle masculine, toujours en vigueur dans le pays qui applique très strictement la loi islamique, maintient 10 millions de femmes dans un état de dépendance totale vis-à-vis des hommes. Sans une autorisation écrite d'un tuteur, elles ne peuvent voyager, travailler, se faire soigner, ou encore se doter d'une carte d'identité ou une carte bancaire... L'association Human Rights Watch dénonçait avec amertume les dangers de ce système sclérosant pour les femmes : "Le système de tutelle masculine en Arabie saoudite reste l'entrave la plus importante aux droits des femmes dans le pays, malgré les réformes limitées de la dernière décennie", expliquait-elle dans son rapport en juillet 2016.

Dans la vidéo, on peut voir des femmes habillées de manière colorée -mais aux visages dissimulés sous des niqabs, le voile intégral en vigueur dans le pays qui ne laisse qu'une fente pour les yeux- danser dans la rue, faire du vélo, jouer dans un parc public sous les yeux de deux hommes saoudiens à la mine sombre et à l'air indigné, qui s'offusquent que des femmes puissent faire des choses aussi anodines que... du roller. Si cela dénonce parfaitement l'absurdité des lois répressives qui pèsent sur les femmes, Majed Al-Esa ne s'en tient pas là. En effet, les paroles de "Hwages" achèvent sa critique au vitriol de la société saoudienne : les femmes scandent "Dieu, débarrasse-nous des hommes ! Ils nous rendent folles !" et réclament ouvertement la mise à mort du patriarcat qui les opprime.

Des Saoudiennes en niqab
Des Saoudiennes en niqab

Majed Al-Esa dénonce également l'interdiction de conduire des femmes en Arabie Saoudite : dans la vidéo, les femmes conduisent des auto-tamponneuses mais montent à l'arrière d'une voiture conduite... par un petit garçon. Cette mise en scène pointe du doigt l'immense absurdité de cette législation, mais elle insiste plus largement sur l'infantilisation constante des femmes, qui dans ce système répressif, ne valent pas plus que des enfants (voire moins si l'enfant en question est de sexe masculin, évidemment). A cause de leur genre, les Saoudiennes restent d'éternelles mineures, soumises à l'autorité (et aux abus) des hommes. Heureusement, comme le montre ce clip, qui a été visionné plus de 2,5 millions de fois en une semaine et a reçu un soutien massif, il leur reste encore leur liberté de penser - et leur volonté de faire changer les choses.